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Un marchand de sommeil condamné à deux ans de prison avec sursis

Le palais de justice de Bobigny le 22 juin 2007 [Jacques Demarthon / AFP/Archives] Le palais de justice de Bobigny le 22 juin 2007 [Jacques Demarthon / AFP/Archives]

Des dizaines de Haïtiens s'entassaient dans des chambres insalubres et dangereuses, parmi les rats et les cafards, mais le propriétaire s'était enrichi au point de payer l'impôt sur la fortune: le tribunal de Bobigny a condamné vendredi un marchand de sommeil à 2 ans de prison avec sursis.

Alex Chemla, 54 ans, a été condamné pour avoir créé à Aubervilliers, une commune populaire de Seine-Saint-Denis, des habitations au mépris des règles de l'urbanisme, avoir exposé des personnes vulnérables à l'habitat insalubre ou encore pour aide au séjour irrégulier.

Sa société devra verser 40.000 euros d'amende, lui-même 30.000 euros, ainsi que 1.500 euros de dommages et intérêts par personne à vingt occupants des minuscules chambres qu'il avait fait découper dans une petite usine.

Le parquet a annoncé dans la foulée qu'il allait faire appel : la peine de prison est conforme à ses réquisitions, mais la confiscation de l'immeuble, qu'il demandait, n'a pas été prononcée.

"Je suis un petit peu déçue, on peut craindre que la sanction n'empêche pas (M. Chemla) de récidiver", a déclaré à l'issue de l'audience Evelyne Yonnet, première adjointe au maire socialiste de la ville, en pointe dans la lutte contre le logement insalubre et qui avait demandé, en vain, la réparation d'un "préjudice d'image".

Dans l'immeuble d'Aubervilliers, des dizaines de Haïtiens vivaient parfois à six dans moins de dix mètres carrés, ou partageant un WC pour neuf. Des fils électriques étaient à nu, et en cas d'incendie, le couloir trop étroit pour ouvrir les portes et évacuer. Une dizaine d'enfants de moins de cinq ans vivaient là.

"Ce n'était pas propre, il y avait plein de cafards, des problèmes d'électricité et d'eau", mais "on a accepté parce qu'on ne pouvait pas vivre dans la rue", avait expliqué en marge du procès Rozilais Cadeau, 32 ans, l'un des occupants qui s'étaient constitués partie civile, un fait rare.

Chaque mois, les locataires versaient en moyenne 400 euros en liquide pour leur chambre.

De son côté, M. Chemla, un homme massif et rond aux cheveux grisonnants, avait nié. "Je me considère plus qu'une victime, je suis une grande victime", avait déclaré d'une voix rauque cet entrepreneur, dans le collimateur de la mairie depuis des années, et visé par d'autres procédures.

Il avait assuré qu'il était convaincu de louer à un Haïtien qui comptait fonder un commerce de stockage de meubles, et que la situation lui avait "échappé".

Les juges, au coeur d'une Seine-Saint-Denis très touchée par l'habitat indigne, voient passer une quarantaine de dossiers chaque année, mais celui de M. Chemla détonnait. En général, le tribunal fait face à "des Thénardier: on loue une cave au fond du pavillon, un abri de jardin", avait décrit le procureur.

M. Chemla, lui, ne déclare pas de revenu, mais sa femme gagne autour de 200.000 euros de rente foncière par an et le couple paie l'ISF. La société propriétaire de l'immeuble a engrangé pour 150.000 euros de loyers de 2008 à 2013. Son patrimoine, constitué notamment d'immeubles en région parisienne, s'élève à 2,7 millions d'euros, et M. Chemla avait claironné en être "fier".

Sa fille et son neveu, associés à leur père sur le papier, ont été condamnés à des amendes, tandis qu'un Haïtien, qui ramassait les loyers pour M. Chemla a écopé d'un an de prison avec sursis.

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