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L'interdiction du voile intégral en France contestée devant la CEDH

Une femme portant le niqab au Bourget, au nord de Paris, le 6 avril 2012 [Joel Saget / AFP/Archives] Une femme portant le niqab au Bourget, au nord de Paris, le 6 avril 2012 [Joel Saget / AFP/Archives]

L'interdiction en France de porter en public un voile islamique intégral contrevient-elle à la liberté de religion ? La Cour européenne des droits de l'homme, saisie par une porteuse du niqab de 23 ans, a étudié la question mercredi mais ne rendra sa décision qu'en 2014.

Hasard du calendrier judiciaire, cette audience a eu lieu alors que la cour d'appel de Paris a confirmé mercredi le licenciement, précédemment annulé en cassation, d'une salariée voilée d'une crèche privée, la crèche Baby-Loup, près de Paris.

Dans l'affaire évoquée par la CEDH à Strasbourg, le débat portait sur la requête déposée par une jeune Française musulmane contre la loi votée fin 2010. Celle-ci stipule que "nul ne peut, dans l'espace public, porter une tenue destinée à dissimuler son visage", sous peine d'une amende de 150 euros maximum et/ou d'un stage de citoyenneté.

La requérante, qui souhaite garder l'anonymat et n'a divulgué que ses initiales, S.A.S., estime que cette loi viole ses droits fondamentaux, et notamment ses libertés de pensée, de conscience de religion et d'expression, ou encore de réunion et d'association.

"Porter la burqa n'est pas un signe d'extrémisme, mais (relève) purement de la sphère privée", a plaidé l'un de ses avocats, Me Ramby De Mello, devant une salle comble.

Pas une loi antireligieuse

S.AS., décrite comme "une parfaite citoyenne française, d'un niveau d'éducation universitaire", est "prête à faire preuve de compromis et de flexibilité", a fait valoir un autre de ses défenseurs, Me Tony Muman. "Elle parle de sa République avec passion. C'est une patriote", a-t-il affirmé, regrettant que ce soit "en l'occurrence l'Etat qui crée un problème".

Pour l'Etat français, justement, "il ne s'agit pas d'une loi antireligieuse, mais visant simplement à favoriser la vie en société", a souligné sa représentante Edwige Belliard.

Cette législation "concerne toutes les possibilités de dissimuler le visage: par voile, cagoule, casque de moto...", et défend les valeurs "de la République française, qui sont aussi celles du Conseil de l'Europe", a-t-elle dit.

Mme Belliard a, par ailleurs, mis en doute la sincérité de la démarche de la requérante. Elle a souligné qu'elle avait saisi la CEDH le jour même de l'entrée en vigueur de la loi, le 11 avril 2011, et que trois autres requêtes sur le même thème -- qui avaient été immédiatement rejetées par la CEDH -- avaient été préparées, sur le même modèle, par le même cabinet d'avocats.

Des parallèles avec la loi belge

Lies Hebbadj (c) et deux de ses compagnes portant le niqab, le 21 novembre 2011 à Nantes [Frank Perry / AFP/Archives]
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Lies Hebbadj (c) et deux de ses compagnes portant le niqab, le 21 novembre 2011 à Nantes

La requérante s'est tournée vers un cabinet d'avocats de Birmingham (Royaume-Uni) sur recommandation de membres de sa famille qui résident dans cette ville, et parce qu'elle tenait à préserver son anonymat, a expliqué à l'AFP l'un de ses défenseurs, Me Sanjeev Sharma.

Autorisée à intervenir de manière exceptionnelle dans ce débat, une représentante du gouvernement belge, Isabelle Niedlispacher, a souligné les "importantes similitudes" d'une loi belge de 2011 avec celle votée fin 2010 en France.

Le port de la burqa (voile intégral ajouré à la hauteur des yeux) et du niqab (voile intégral qui dissimule le visage à l'exception des yeux) est "incompatible dans notre Etat de droit", a-t-elle estimé. Outre les impératifs de sécurité et d'égalité hommes-femmes, ce qui est en jeu avant tout "c'est la communication sociale, le droit d'interagir avec l'autre en regardant son visage, de ne pas disparaître dans le cadre d'un vêtement", a-t-elle poursuivi.

Les lois française et belge "ne visent personne de manière spécifique, ni le hijab (foulard islamique). Nos législateurs ont voulu faire prévaloir l'individu comme citoyen, en vue de favoriser l'intégration de tous", a conclu la représentante belge.

Les juges européens doivent maintenant délibérer, tant sur la recevabilité que sur le fond de l'affaire. Leur arrêt est normalement attendu courant 2014. Il sera sans appel.

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