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L'appel de l'Abbé Pierre toujours d'actualité

L'Abbé Pierre avec des sans-abris le 2 février 1954 à Paris [Andre Delboy / INP/AFP] L'Abbé Pierre avec des sans-abris le 2 février 1954 à Paris [Andre Delboy / INP/AFP]

Il y a 60 ans, le 1er février 1954, l'abbé Pierre lançait un vibrant appel en faveur des sans-abri, un "coup de gueule" "toujours d'actualité" selon les spécialistes de l'aide aux plus démunis, dans une France qui compte 3,5 millions de mal-logés.

 

"Mes amis au secours! une femme vient de mourir gelée cette nuit ...". C'est par ces mots que l'abbé Pierre entame son appel sur radio Luxembourg, alors que les températures sont négatives. L'impact est immédiat: les dons affluent, des bénévoles proposent leur service, les entreprises leur soutien. Des centres sont ouverts pour accueillir les sans-abri.

 

"Ce qui a été incroyable, c'est la prise de conscience par le public de la problématique du logement", explique à l'AFP Patrick Doutreligne, délégué général de la Fondation Abbé Pierre.

"La population a répondu immédiatement et a forcé ensuite les politiques à réagir", ajoute Franz Valli, président d'Emmaüs France, qui attribue à ce "coup de gueule" le "véritable essor du mouvement Emmaüs", créé en 1949.

"Cet appel a servi de galvanisateur" pour toutes les associations qui luttaient contre la précarité, se souvient Julien Lauprêtre, président du Secours populaire.

L'Abbé Pierre le 03 février 1954 place du Panthéon à Paris face aux volontaires mobilisés pour aider des sans-abris [Andre Delboy / INP/AFP/Archives]
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L'Abbé Pierre le 03 février 1954 place du Panthéon à Paris face aux volontaires mobilisés pour aider des sans-abris
 

"Il a aussi entraîné une prise de conscience par l'Etat que les logements sociaux étaient en nombre insuffisant, que laisser les gens dormir dehors était inaceptable et que la société ne pouvait pas expulser des familles en plein hiver", estime Florent Gueguen, directeur de la Fédération nationale des associations d'accueil et de réinsertion sociale (Fnars). La trêve hivernale des expulsions locatives, instaurée par une loi du 3 décembre 1956, est "directement issue" de cet appel, rappelle-t-il.

Elle empêche d'expulser, du 1er novembre au 15 mars, les locataires poursuivis pour loyers impayés. Le projet de loi Duflot pour l'accès au logement et à un urbanisme rénové (Alur) prévoit aujourd'hui de l'étendre au 31 mars.

 

60 ans après, les mêmes constats

Mais si cette trêve est "un acquis à mettre au crédit" de l'abbé, une nouvelle loi, en 1991, en a limité la portée pour les occupants "sans droits ni titres" (squatteurs, habitants de bidonvilles, etc.), qui sont "de plus en plus nombreux", remarque Jean-Baptiste Eyraud, de l'association Droit au Logement. "On a l'impression que les politiques ont tendance à l'oublier".

"60 ans après, on se retrouve encore à dire les mêmes choses, à faire les mêmes constats", confirme Christophe Louis, de l'association Les morts de la rue: elle a recensé en 2013 plus de 500 décès, même si ces personnes n'ont pas toutes succombé au froid, mais plutôt aux maladies, agressions, accidents ou se sont suicidées.

Patrick Doutreligne, délégué général de la Fondation Abbé Pierre, le 31 janvier 2014 à Paris [François Guillot / AFP]
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Patrick Doutreligne, délégué général de la Fondation Abbé Pierre, le 31 janvier 2014 à Paris
 

"Globalement, estime pourtant Patrick Doutreligne, la situation s'est améliorée. On avait 54% de mal-logés en 1954, contre moins de 10% aujourd'hui. Mais on n'arrive pas à résorber ce noyau dur". Pour Florent Gueguen, c'est surtout le nombre des logements insalubres qui a diminué. "Mais la crise du logement social et de l'hébergement perdurent peu ou prou dans les mêmes conditions".

La Fondation Abbé Pierre estime à 3,5 millions le nombre des mal-logés, dont 141.500 sans-abri, en hausse de 50% depuis 2001. Et le 115, qui gère l'hébergement d'urgence, est saturé: en décembre 2013, 43% des sans-abri qui ont appelé ce numéro n'ont pas obtenu de places à Paris, 61% en province.

Pour Franz Valli, la situation a "empiré. Aujourd'hui, on désigne les plus démunis comme un danger pour la classe moyenne", avec les bénéficiaires du RSA souvent montrés "comme des profiteurs" ou les Roms stigmatisés. "Il faut de nouveau un cri pour dire +stop+".

L'Abbé Pierre avec une famile de sans-abris le 2 février 1954 à Paris [ / Intercontinentale/AFP/Archives]
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L'Abbé Pierre avec une famile de sans-abris le 2 février 1954 à Paris
 

Le 1er février, les 283 groupes d'Emmaüs France lanceront un nouvel appel dans plusieurs villes de France. A Paris, il aura lieu place du Palais Royal. On sait bien qu'on ne pourra pas soulever les gens comme en 54, mais le pire serait de ne rien faire", juge Franz Valli.

"L'anniversaire de l'appel ne doit pas être l'occasion d'une célébration purement iconique, mais bel et bien l'occasion d'un nouveau souffle", a estimé pour sa part la ministre du Logement, Cécile Duflot, lors de ses voeux à la presse.

 

Emmaus célèbre les 60 ans de l'appel de l'Abbé Pierre au palais Royal 

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