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Moines de Tibéhirine: Alger reporte la visite du juge Trévidic

Les tombes des sept moines, enterrés à Tibéhirine, en Algérie [ / AFP/Archives] Les tombes des sept moines, enterrés à Tibéhirine, en Algérie [ / AFP/Archives]

L'Algérie a reporté la visite prévue à partir de dimanche du juge Marc Trévidic, qui devait procéder à l'exhumation des têtes des sept moines cisterciens de Tibéhirine assassinés en 1996, suscitant la déception des proches des religieux.

Cette exhumation, que les magistrats instructeurs réclamaient depuis plus de deux ans, avait été acceptée cet automne par les autorités algériennes. Et côté français, tout était prêt pour cette visite impliquant une importante organisation logistique.

"C'est pour nous une immense déception et un camouflet infligé à la justice française", a commenté l'avocat des proches des religieux, Me Patrick Baudouin. "Le magistrat de liaison algérien en France a indiqué au juge Trévidic que tout n'était pas prêt pour cette visite".

Le juge Marc Trévidic à Paris en février 2013 [Jacques Demarthon / AFP/Archives]
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Le juge Marc Trévidic à Paris en février 2013

De source judiciaire, on a précisé que cette visite était reportée "à fin mai-début juin". "Nous espérons sincèrement que ce déplacement aura lieu", a déclaré Me Baudouin.

"Mais je suis sceptique, car nous sommes menés en bateau depuis si longtemps dans cette affaire", a-t-il ajouté, en s'interrogeant sur une éventuelle relation entre ce report soudain et "le climat délétère en Algérie à l'approche de la présidentielle".

Les moines de l'Ordre de Cîteaux de la stricte observance Christian de Chergé, Luc Dochier, Paul Favre-Miville, Michel Fleury, Christophe Lebreton, Bruno Lemarchand et Célestin Ringeard avaient été enlevés dans la nuit du 26 au 27 mars 1996 par un groupe d'hommes armés dans leur monastère isolé de Tibéhirine, près de Medea (nord-ouest).

Ce rapt avait été revendiqué un mois plus tard par le GIA (Groupe islamique armé) via un communiqué signé de son "émir" Djamel Zitouni, le commanditaire des attentats de 1995 en France, qui proposait un échange avec un autre responsable des GIA, Abdelhak Layada, aujourd'hui en liberté. Mais le 21 mai, un second communiqué annonçait l'exécution des religieux dont seules les têtes seront retrouvées neuf jours plus tard au bord d'une route de montagne.

-justice algérienne "souveraine"-

Trois moines, qui avaient échappé à l'enlèvement en se cachant dans le monastère, ainsi que des villageois, ont confirmé aux gendarmes l'implication d'un groupe islamique armé dans l'enlèvement survenu dans une des zones les plus troublées d'une guerre civile qui a fait environ 200.000 morts en une décennie.

Après avoir suivi la thèse islamiste, le juge Trévidic a réorienté l'enquête vers une possible bavure de l'armée algérienne, avec le témoignage en juin 2009 d'un ancien attaché de Défense à l'ambassade de France à Alger.

Selon le général François Buchwalter, les moines ont été tués dans un raid d'hélicoptères militaires tandis qu'ils se trouvaient dans ce qui semblait être un bivouac de jihadistes.

D'où la commission rogatoire internationale que les juges d'instruction avaient adressée en décembre 2011 aux autorités algériennes.

Outre l'exhumation et l'autopsie des têtes des religieux, les magistrats demandaient l'audition d'une vingtaine de témoins, dont celle d'un des ravisseurs présumés des moines, Abderrazak El Para.

En visite à Alger en novembre, M. Trévidic avait obtenu le feu vert des autorités algériennes pour la première partie de sa demande, mais pas sur la seconde, au grand dam des proches des moines.

En décembre, le ministre algérien des Affaires étrangères Ramtane Lamamra avait tenu à rappeler au sujet de cette affaire que la justice algérienne était "souveraine comme (...) la justice française".

M. Trévidic a donc préparé pendant quatre mois sa mission qui devait intervenir début mars, un déplacement auquel devaient participer une dizaine de personnes, dont des magistrats, des policiers et des experts.

Outre la présence d'impacts de balles, les analyses prévues sur les têtes visaient notamment à établir si la décapitation a été menée avant ou après la mort et devaient potentiellement permettre d'écarter certains témoignages et d'en accréditer d'autres, selon une source proche du dossier.

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