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Inquiétudes sur l'avenir du paracétamol "made in France"

Production de Doliprane dans l'usine de Sanofi-Aventis, à Lisieux, dans le nord de la France, le 28 octobre 2009 [Mychele Daniau / AFP/Archives] Production de Doliprane dans l'usine de Sanofi-Aventis, à Lisieux, dans le nord de la France, le 28 octobre 2009 [Mychele Daniau / AFP/Archives]

Rendre systématique la substitution du paracétamol de "marque" par des génériques menacerait plus d'un millier d'emplois en France. Si les syndicats espèrent voir le projet enterré, ils redoutent néanmoins des restructurations et la fin du paracétamol "made in France".

Molécule la plus vendue dans l'Hexagone, avec 500 millions de boîtes dont 80% sortent des usines Sanofi (Doliprane) et BMS UPSA (Efferalgan, Dafalgan), le paracétamol existe sous forme générique depuis longtemps.

Mais il ne figure pas sur la liste des génériques que le pharmacien doit obligatoirement fournir à la place des médicaments prescrits.

Cet "arrangement" fut négocié il y a dix ans par les laboratoires en échange d'un alignement progressif des prix sur les génériques et il "satisfaisait tout le monde": les laboratoires, l'Etat, la Sécurité sociale et les élus locaux, observe Claude Le Pen, professeur à l'université Paris Dauphine.

En décembre, suivant un avis de l'Autorité de la concurrence, l'Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM) a semé l'émoi en lançant la procédure d'inscription au répertoire des génériques.

Selon les syndicats, les usines d'Agen (BMS UPSA), de Lisieux et Compiègne (Sanofi) sont en péril, ce qui représente 1.130 emplois plus 4.000 autres dans les zones que ces usines font vivre.

La mesure "ne serait bénéfique ni pour l'Assurance maladie, ni pour les patients, et serait en revanche catastrophique pour les salariés", estime Isabelle Fréret, représentante de la branche Chimie à la CFE-CGC.

Un manifestant déguisé en une boite de Efferalgan lors d'une manifestation des employés de l'entreprise de BMS-UPSA, le 11 janvier 2014 à Agen [Mehdi Fedouach / AFP/Archives]
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Un manifestant déguisé en une boite de Efferalgan lors d'une manifestation des employés de l'entreprise de BMS-UPSA, le 11 janvier 2014 à Agen

"La sécurité sociale n'économiserait pas grand chose car les prix sont quasiment alignés" (5 centimes d'écart sur le prix public), et le seront totalement au 1er janvier 2015, relève aussi Claude Le Pen.

"Les génériqueurs gagneraient des parts de marché", concède l'économiste mais leurs "façonniers (sous-traitants) ne sont pas installés à Agen et Lisieux". Et pas forcément en France, même si le leader mondial du générique, Teva, affirme y fabriquer "plus de 80%" de ses paracétamols.

Il faut mettre en balance, estime M. Le Pen, les quelques millions d'économies pour la Sécurité sociale avec le "coût des licenciements".

- Une "excuse béton" pour restructurer -

"C'est un travail complexe, qu'il faut conduire avec soin, compte tenu des enjeux de santé publique que cela représente, mais aussi de l’inquiétude des salariés et des élus concernés", explique-t-on au ministère de la Santé, qui a confié le dossier au Conseil stratégique pour la réduction de la dépense publique.

Dans l'attente de l'arbitrage, le microcosme pharmaceutique spécule. Le gouvernement pourrait décider... de ne pas décider, affirment certaines voix. Il "va essayer d'enterrer la maladresse de l'Autorité de la concurrence", pronostique M. Le Pen.

Les déclarations "ambiguës" de la ministre de la Santé Marisol Touraine en février à l'Assemblée nationale laissent penser qu'elle "a voulu calmer le jeu à l'approche des élections (municipales), éteindre le feu", pense également Mme Fréret (CFE-CGC).

"On reste néanmoins inquiets et vigilants car le sujet peut revenir après les municipales et un éventuel remaniement", ajoute la syndicaliste.

Au ministère de la Santé, on se défend d'avoir enterré le dossier: "des décisions seront annoncées", assure un conseiller.

Dans un premier temps, Sanofi avait contre-attaqué en demandant le déremboursement total du paracétamol, misant sur l'effet "marque" pour écraser les génériques. Depuis quelques semaines, le groupe garde le silence, un signe que "les labos peuvent réussir à obtenir le retrait de la procédure. Ils ont des moyens de pression", souligne Thierry Van Boxstaël (CGT).

Mais "ce n'est pas la décision du gouvernement en elle-même qui va être la plus dangereuse, c'est ce que va en faire Sanofi", estime le délégué CGT de l'usine Sanofi de Lisieux.

L'affaire "a donné un argument aux labos pour restructurer davantage" après plusieurs années de réduction d'effectifs, passés fin 2013 sous le seuil des 100.000 salariés en France, craint-il.

Et "quelle que soit la décision", la baisse supplémentaire de prix encouragée par la ministre "donne une excuse béton aux laboratoires pour réduire les coûts en France ou délocaliser", explique M. Van Boxstaël.

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