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Un an après la mort de Méric, un scénario et des zones d'ombre

Clément Méric (pull rouge) le 17 avril 2013 lors d'une manifestation à Paris  [Jacques Demarthon / AFP/Archives] Clément Méric (pull rouge) le 17 avril 2013 lors d'une manifestation à Paris [Jacques Demarthon / AFP/Archives]

Une rencontre entre skinheads et antifascistes en plein Paris, des invectives, des provocations, puis les coups mortels: un an après le décès de Clément Méric, l'enquête a permis de retracer le scenario du drame, mais des zones d'ombre demeurent.

 

La semaine dernière, la justice a prolongé la détention provisoire des deux skinheads incarcérés après cette rixe tragique, qui avait provoqué une grande émotion.

Sympathisant comme ses camarades de Troisième voie, l'un des groupuscules dissous par la suite par le gouvernement, Esteban Morillo a reconnu dès le départ avoir porté deux coups de poing, à mains nues, au visage de l'étudiant de Sciences-Po, alors en rémission d'une leucémie. Le premier parce qu'il s'est senti "menacé", le second "alors qu'il reçoit lui-même des coups", déclare à l'AFP son avocat, Antoine Maisonneuve, qui ajoute que "sa version n'a jamais varié". C'est après le second coup que l'étudiant de 18 ans a chuté au sol et ne s'est pas relevé.

Samuel Dufour, un apprenti boulanger de 20 ans, réfute en revanche avoir frappé Clément Méric. L'un des "antifas" qui l'a eu face à lui a même confirmé cette version aux juges d'instruction. "Il est incompréhensible qu'on n'entende pas cet élément. On est en train de bousiller sa vie en prison", déplore son avocat, Julien Fresnault.

Son client est mis en examen, comme Morillo, pour violences volontaires en réunion et avec arme ayant entraîné la mort sans intention de la donner. Les juges d'instruction avaient dès le début écarté l'intention de tuer.

Mais la position de Dufour s'est sérieusement compliquée depuis qu'une expertise sur son téléphone a dévoilé des SMS au soir des faits: "J'ai frappé avec ton poing américain", dit l'un d'eux. "On les a défoncés", dit un autre.

Pour son avocat, ces éléments ne démontrent toujours pas qu'il a touché Clément Méric.

 

- Bagarre brève et violente -

 

Le portrait de Clément Méric brandi lors d'une manifestation en son hommage le 8 juin 2013 à Toulouse [Remy Gabalda / AFP/Archives]
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Le portrait de Clément Méric brandi lors d'une manifestation en son hommage le 8 juin 2013 à Toulouse

Cet après-midi du 5 juin 2013, rue Caumartin, dans le quartier Saint-Lazare, Esteban Morillo et Clément Méric ne sont pas encore là quand leurs camarades respectifs se croisent dans une vente privée de vêtements. Selon des témoins, les premières invectives viennent des étudiants d'extrême-gauche, qui disent avoir vu les skins ranger des poings américains.

"On vous attend à dix en bas (...) il va falloir courir", aurait dit l'un d'eux. Seul Clément Méric les rejoindra.

De leur côté, les skins, décrits comme "inquiets", appellent Esteban Morillo. Le jeune homme de 21 ans prévient sa compagne, Katia. Elle téléphone à son tour à deux autres amis. D'abord poursuivie pour complicité, la jeune femme a obtenu l'annulation de sa mise en examen par la cour d'appel de Paris, qui a souligné son "inquiétude légitime".

L'un des vigiles de la vente demande aux antifascistes de partir, mais ces derniers restent près de l'église Saint-Louis d'Antin. Des témoins décrivent un Clément Méric virulent.

"Ils ne cherchaient pas la bagarre", affirme à l'AFP l'avocate de deux "antifas", Me Irène Terrel. "Entre des mots et des coups avec un poing américain, il y a un fossé".

Le vigile conseille aux skinheads de sortir par la droite pour éviter de croiser l'autre groupe. "Mais ils sont partis à gauche, là où ils étaient sûrs de rencontrer Clément Méric et ses amis", affirme Me Yves Baudelot, l'avocat des parents de la victime, qui y voit une preuve de leur volonté d'en découdre.

Les avocats des skinheads répondent que de ce côté-là, une bouche de métro était très facilement accessible et leur aurait aussi permis de fuir.

Le premier coup part. Dans cette rue passante et commerçante, la bagarre est brève et violente. Les deux camps se sont accusés d'être les premiers agresseurs.

Une caméra de vidéo-surveillance a filmé la scène, mais la vue est obstruée par un obstacle, et comme le disent plusieurs avocats, "on ne voit que des pieds". Impossible, donc, de certifier par l'image qu'Esteban Morillo a utilisé une arme, en l'occurrence un poing américain. Des antifas et des témoins l'affirment, lui réfute avec constance.

Pour tenter de mieux déterminer le déroulement du drame, une reconstitution sur place pourrait avoir lieu prochainement. Outre Morillo et Dufour, deux autres skinheads sont mis en examen pour violences. Les antifascistes sont parties civiles.

 

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