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La crèche Baby-Loup déménage et tourne la page

La crèche Baby-Loup à Conflans-Sainte-Honorine, en région parisienne, le 3 juin 2014 [Eestelle Emonet / AFP] La crèche Baby-Loup à Conflans-Sainte-Honorine, en région parisienne, le 3 juin 2014 [Eestelle Emonet / AFP]

Fin d'après-midi. Dans la crèche qui sent encore le neuf, des mères viennent récupérer leur enfant, d'autres le déposent pour la nuit. Un chassé-croisé unique à Baby-Loup qui, après avoir été au coeur d'un débat enflammé sur la laïcité, a déménagé pour tourner la page.

 

Entre les murs fraîchement peints en jaune vif et blanc immaculé, des rires d'enfants résonnent, des "tatas" débarbouillent des visages couverts de mousse au chocolat pendant que des bébés font la sieste dans un dortoir. Ce jour de mai, l'ambiance est légère.

Pourtant en décembre, c'est dans un climat tendu que les responsables de l'association décidaient de quitter la cité sensible de la Noé à Chanteloup-les-Vignes (Yvelines), où la crèche a vu le jour en 1991, pour rouvrir trois mois plus tard à Conflans-Sainte-Honorine, six kilomètres plus loin.

Un éloignement que l'association espère suffisant pour ramener la sérénité après six ans de feuilletons judiciaires et de débats houleux entre partisans de la laïcité et de la liberté religieuse.

En 2008, Baby-Loup licencie pour faute grave une salariée qui refuse d'ôter son voile sur son lieu de travail au retour d'un congé parental. Le conflit s'engage sur le terrain de la justice qui donne raison à la crèche. Jusqu'à un arrêt de la Cour de cassation qui, en mars 2013, annule la décision de la cour d'appel de Versailles qui avait jugé légitime le licenciement. "Coup de massue" pour la crèche.

"Tant que les décisions de justice étaient de notre côté, les menaces ne s'exerçaient que sur certaines personnes. On arrivait encore à mettre ça de côté, mais l'arrêt a tout fait basculer", explique la directrice et fondatrice de l'établissement, Natalia Baleato, propulsée sous les projecteurs pendant l'affaire.

 

- Projectiles et tensions -

 

Dans la crèche Baby-Loup à Conflans-Sainte-Honorine, en région parisienne, le 3 juin 2014 [Estelle Emonet / AFP]
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Dans la crèche Baby-Loup à Conflans-Sainte-Honorine, en région parisienne, le 3 juin 2014
 

Menaces, insultes, voitures détruites, appels anonymes en pleine nuit, pressions en tout genre... l'ambiance dans la cité multiculturelle était devenue "intenable", explique Julien Taffoureau, chargé du développement de la crèche.

La directrice au solide tempérament se souvient que les employées n'osaient "même plus aller chercher le pain pour la cantine de peur de recevoir des projectiles". "Pour la population on avait été condamné et les salariées, cette fois-ci prises à partie, avaient l'impression qu'elles devaient choisir leur camp", poursuit avec un accent espagnol la réfugiée politique chilienne.

Le mal-être grandit et de la distance s'installe entre collègues, témoigne Stella: "on venait travailler en évitant de trop parler de l'affaire pour ne pas créer de tensions, puis on avait hâte de rentrer chez soi". "Aujourd'hui c'est différent, on est plus soudées".

La crèche fait appel à un psychologue spécialisé dans la gestion de conflits, tandis que ses responsables déploient leur énergie à répondre aux médias et "se justifier". "Il fallait être réaliste: on ne pouvait plus rester. Soit on arrêtait tout, soit on allait de l'avant", commentent Natalia Beleato et Julien Taffoureau.

La trentaine de salariées, sauf deux, votent à bulletin secret pour le déménagement. Mais la question d'un changement de nom est balayée. "Baby-Loup c'est avant tout le nom d'un modèle de crèche unique en France, ouvert 7 jours sur 7 et 24 heures sur 24", relèvent les deux responsables.

 

- Peu de soutien politique -

 

Familles monoparentales et à faibles revenus ou parents travaillant de nuit et le week-end constituent la majorité des inscrits à la crèche qui compte une centaine de familles sur liste d'attente.

"J'ai été contrainte de prendre un congé parental pour m'occuper de mon troisième enfant. Jusqu’à l'ouverture de la crèche, je n'avais pas trouvé de mode de garde adapté à mon travail qui finit tard le soir et comprend des week-ends", confirme une employée dans la grande distribution. Cette maman seule, qui se "fout" de la polémique, estime que Baby-Loup lui a "enlevé une grosse, grosse épine du pied".

Ce mode de garde sur-mesure pallie les "carences" de l'Etat, tacle l'association qui s'est sentie "peu soutenue" par les politiques.

L'aide de 400.000 euros promise par l'ex-maire PRG de Conflans Philippe Esnol devrait être revue à la baisse par la nouvelle municipalité UMP, alors que la maire de Chanteloup-les-Vignes, Catherine Arenou (DVD), avait fustigé un déménagement "uniquement à des fins politique".

"400.000 euros, c'est beaucoup trop", estime le nouveau maire de Conflans, Laurent Brosse, tout en nuançant: "la crèche est ni privée, ni municipale, c'est compliqué, mais ce qui m'intéresse avant tout, c'est qu'elle fonctionne".

Le 16 juin, la Cour de cassation se réunira une nouvelle fois. "Comme à chaque décision de justice les financiers deviennent fébriles, les aides ont du retard", constate la directrice adjointe de Baby-Loup Patricia Gomis, le nez dans les comptes.

"Qu'est-ce qu'on va faire si on perd? Je l'ignore", reconnaît Natalia Baleato, "tout ce que je sais c'est que notre mission consiste à accueillir des enfants".

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