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Un nouveau délai probable de plusieurs mois pour l'affaire Vincent Lambert

Pierre et Viviane Lambert, les parents de Vincent Lambert, lors d'une audience au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne le 15 janvier 2014 [Herve Oudin / AFP/Archives] Pierre et Viviane Lambert, les parents de Vincent Lambert, lors d'une audience au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne le 15 janvier 2014 [Herve Oudin / AFP/Archives]

Plusieurs mois seront probablement nécessaires à la Cour européenne des droits de l'Homme (CEDH) pour statuer sur la requête des parents de Vincent Lambert, après qu'elle a ordonné mardi soir en urgence le maintien en vie du tétraplégique en état végétatif, contre l'avis du Conseil d'Etat.

PLUSIEURS MOIS: La CEDH doit désormais examiner "la recevabilité et le bien-fondé de la requête", ce qui sera fait "en priorité, selon la procédure la plus rapide possible", a précisé mercredi la Cour dans un communiqué.

Pour l'avocat parisien Patrice Spinosi, spécialiste de la CEDH, la décision pourrait tomber dans "trois à six mois". Probablement pas avant la fin de l'été, précise l'avocat strasbourgeois des parents de Vincent Lambert, Me Jean Paillot.

Pour Jean Leonetti, le député UMP à l'origine de la loi sur la fin de vie, cette procédure devant la CEDH est "le recours de trop", constitutif d'un "acharnement judiciaire".

DES REQUÉRANTS INDIRECTS: "La difficulté dans ce cas est que personne ne représente Vincent Lambert", admet Me Paillot. "La requête est présentée par ses parents et au nom de ses parents", qui veulent être reconnus comme "victimes indirectes".

Dans de nombreuses affaires, comme celles des disparitions en Tchétchénie, la CEDH a indirectement donné gain de cause à des parents pour la mort ou des mauvais traitements infligés à des proches.

En parallèle, les parents de Vincent Lambert entendent demander aux autorités françaises une mise sous tutelle de leur fils "pour qu'il soit représenté", a précisé l'avocat.

LE DROIT A LA VIE: Les parents de Vincent Lambert estiment que ce droit, inscrit à l'article 2 de la Convention européenne des droits de l'Homme, est bafoué par la loi Leonetti qui permet au médecin de décider seul de l'arrêt de l'alimentation, après avoir simplement "recueilli" l'avis de la famille et de l'équipe soignante.

LES MAUVAIS TRAITEMENTS: Ils soulèvent aussi l'article 3 de la Convention qui interdit les mauvais traitements. "Vincent Lambert est coincé dans son lit, sans kinésithérapie, il ne peut aller en vacances, alors qu'il a déjà participé à des fêtes de famille, il est cloîtré dans une chambre d'hôpital parce qu'on a fait un choix de mort" à son égard, tempête Me Paillot.

LA LOI LEONETTI, TROP AMBIGUË?: Pour déminer la procédure intentée devant la CEDH, le vice-président du Conseil d'Etat, Jean-Marc Sauvé, a souligné que la loi Leonetti était "compatible avec la Convention européenne des droits de l'Homme".

C'est sur la base de cette loi, qui met en avant la nécessité de prendre en compte la position du patient, que la plus haute juridiction administrative avait jugé légale la décision médicale de mettre fin au traitement. Selon sa femme, l'arrêt des traitements correspond à la volonté exprimée par Vincent Lambert avant son accident il y a six ans.

Mais pour Me Paillot, "la loi Leonetti est floue", et les observations orales rapportées par son épouse ne constituent pas une preuve suffisante de la volonté exprimée par Vincent Lambert. Selon lui, la CEDH doit exiger que la loi française fixe un "degré minimal de certitude des preuves apportées de la volonté du patient".

UNE JURISPRUDENCE TRÈS PRUDENTE:

"La CEDH ne s'est jamais prononcée directement", en termes de valeurs, sur l'euthanasie ou la fin de vie, relève Me Patrick Spinosi.

En 2011, elle a débouté un Suisse qui se plaignait de ne pas pouvoir se procurer des substances pour se suicider. Les juges européens n'ont pas rejeté en tant que telle l'idée du suicide assisté, mais ont douté que le requérant se trouvait dans une telle impossibilité.

La jurisprudence de la Cour "est en évolution" et accorde "de plus en plus d'importance à la volonté d'une personne", analyse Me Paillot.

LES PROCHAINES ÉTAPES: Si la Cour a déjà demandé au gouvernement français de lui fournir "ses observations sur la recevabilité et le bien-fondé de la requête", elle se réserve encore le droit de déclarer la requête irrecevable.

Dans le cas contraire, elle pourrait décider, soit de rendre un arrêt, soit de transférer directement l'affaire, vu son importance, à son instance suprême, la Grande chambre. Cette dernière pourrait alors --ou pas-- entendre les parties lors d'une audience solennelle.

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