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Bizutage à Dauphine: quatre jeunes condamnés à huit mois avec sursis

Vue extérieure de l'université Paris-Dauphine, en 2008 [Jacques Demarthon / AFP/Archives] Vue extérieure de l'université Paris-Dauphine, en 2008 [Jacques Demarthon / AFP/Archives]

Quatre jeunes hommes d'une vingtaine d'années ont été condamnés lundi à une même peine de huit mois de prison avec sursis pour le bizutage à l'université Paris-Dauphine d'un camarade qui s'était vu infliger une inscription en lettres de sang sur le dos.

Le tribunal correctionnel de Paris est allé bien au-delà des réquisitions du parquet, qui avait demandé trois mois de prison avec sursis et 1.000 euros d'amende contre chacun d'entre eux.

Tous ont été déclarés coupables du délit de bizutage. Le prévenu qui a reconnu avoir fait les inscriptions sur le dos de la victime a également été déclaré coupable de violences aggravées, les trois autres pour complicité.

Le 25 octobre 2011, la victime, un étudiant de première année âgé de 18 ans, était venue passer un "entretien" dans l'espoir d'intégrer la Japad (Jeune association pour la promotion des activités à Dauphine).

Dans les locaux de la prestigieuse association étudiante, il lui avait été demandé d'ôter sa chemise, de baisser son pantalon et de se mettre à genoux, attaché avec un manche à balai les mains derrière les épaules. Une corde lui avait même été brièvement passée au cou.

L'un des membres de l'association avait écrit "Japad" sur son dos avec une capsule de bière.

Là où la victime évoque des coups de poing dans les côtes, les prévenus ont affirmé que leur camarade a été "bousculé".

A la barre, les prévenus avaient invoqué le poids des traditions et le manque de recul.

La victime avait dû boire des bières cul-sec pendant l'entretien, au point d'être malade. Si les traces sur son dos ont disparu après quelques semaines, le jeune homme à l'allure frêle était apparu à l'audience encore très marqué psychologiquement.

Son avocat, Me Benoît Dietsch, a fait part de sa "satisfaction" que son client ait été "entendu" et que le tribunal ait déclaré les quatre prévenus coupables, notamment du délit de bizutage, "très peu utilisé".

- 'Une bêtise qu'ils ont assumée' -

A l'audience le 2 juin, les avocats de la défense avaient tous plaidé la relaxe de ce chef, arguant que les faits s'inscrivent dans le cadre d'activités associatives et non scolaires.

Vue du tribunal correctionnel de Paris prise le 23 février 2005  [Joel Saget / AFP/Archives]
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Vue du tribunal correctionnel de Paris prise le 23 février 2005

Le tribunal a considéré que dans la mesure où les faits se sont déroulés lors d'un entretien d'intégration à une association étudiante, "vers laquelle les postulants se tournent dans l’espoir de mieux investir leur cursus universitaire", ils répondent aux exigences de l'article réprimant le bizutage.

Les juges relèvent les "conditions humiliantes et dégradantes" de l'entretien. A leurs yeux, "il importe peu" que l'étudiant qui souhaitait rejoindre l'association "ait été ou non consentant, voire qu'il se soit prêté de bonne grâce, ainsi que le prétendent les prévenus, à ces rituels".

Le législateur a "souhaité prendre en considération le désir inconditionnel de certains postulants d'accéder à un nouveau statut et à la pression des recruteurs qui ne lui laissent d'autre alternative que la soumission ou l'exclusion", souligne le tribunal.

Ni la victime ni les prévenus n'étaient présents au délibéré.

L'un des avocats de la défense, Me Loïc Dusseau, a qualifié le jugement de "sévère". Selon lui, le tribunal a fait une application "extensive" de la loi sur le bizutage et a voulu faire un exemple.

Son confrère Samuel Sauphanor a regretté que le tribunal ait refusé de ne pas inscrire ces condamnations au casier judiciaire des prévenus, vierge jusqu'alors. Ces "quatre jeunes ont fait une bêtise qu'ils ont assumée, tous ont bien rebondi dans leurs parcours universitaires", a-t-il souligné. Il juge néanmoins "tout à fait normal qu'il y ait une sanction". Son client ayant reconnu avoir fait les inscriptions sur le dos de la victime, il était le seul à n'avoir pas plaidé la relaxe à propos des violences.

Les quatre jeunes devront en outre verser solidairement 8.000 euros de dommages et intérêts à la victime. En revanche, le tribunal a rejeté la constitution de partie civile de l'université Paris-Dauphine.

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