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"Nuit de l'élevage en détresse" : les agriculteurs en colère

Un agriculteur fabriquant une pancarte au pochoir sur laquelle est écrit : "Partagez vos marges, sauvez l'élevage". Des milliers d'agriculteurs et éleveurs ont vivement protesté dans la nuit du jeudi 2 au vendredi 3 juillet 2015 à l'occasion de "la Nuit de l'élevage en détresse". [Daniel Meyer / AFP]

Plusieurs milliers d'agriculteurs, éleveurs et producteurs de lait, ont protesté jeudi dans toute la France, principalement dans l'Ouest pour dire leur "ras-le-bol" face à l'absence de remontée des prix de leur production.

 

Pour cette nuit, baptisée "nuit de l'élevage en détresse", à l'appel de la FNSEA et des JA (Jeunes Agriculteurs), des milliers d'agriculteurs ont convergé vers les préfectures par convois de plusieurs dizaines de tracteurs avec remorques chargées de paille, fumier, pneus etc.

Mais cette soirée n'a pas été de toute quiétude pour le président de la FNSEA Xavier Beulin, chahuté par les éleveurs à Saint-Brieuc (Côtes d'Armor).

Opérations escargot, entraînant des ralentissements, tags de magasins de grande distribution - "on ne rigole plus", "voleur", "mangeons français"-. Les éleveurs de porcs et de bovins, mais aussi les producteurs de lait, entendaient protester contre la non application, selon eux, de l'accord conclu sous l'égide du ministère de l'Agriculture, il y a quinze jours, censé faire remonter les prix.

Ils estiment que les trop faibles prix de la viande, de porc comme de boeuf, ne leur permettent pas de couvrir leurs coûts de production. Le revenu des producteurs de viande bovine a ainsi chuté à environ 12.000 euros par an, selon la FNSEA.

"Comment ne pas se sentir trahis alors que tous les opérateurs et les distributeurs, en présence du ministre, ont juré, la main sur le coeur, que les producteurs seraient mieux payés demain", a commenté jeudi auprès de l'AFP Jean-Paul Goutines, président de la FDSEA Pays de la Loire.

Le ministre de l'Agriculture Stéphane Le Foll a demandé mercredi au médiateur des relations commerciales agricoles de contrôler ces accords, pour voir si les différentes parties ont tenu leurs engagements d'augmenter les prix payés aux éleveurs, notamment les industriels et la distribution.

A Saint-Brieuc où les agriculteurs étaient plusieurs centaines -un millier, selon les organisateurs-, Xavier Beulin a été chahuté par des éleveurs excédés et désespérés.

"Êtes-vous prêts à vous battre pour mettre sous surveillance pendant l'été les opérateurs, obtenir cinq centimes de plus pour la viande bovine, une revalorisation des prix du porc et du lait", a-t-il demandé aux manifestants. "Dès ce soir, on est en capacité de rappeler à l'ordre les opérateurs", a-t-il poursuivi en proposant de faire du mois de septembre, si le bilan n'est pas positif, "un mois de protestation comme on n'en a pas connu depuis longtemps en France".

 

Un profond malaise 

"Si on attend le mois de septembre, on sera pas la moitié", s'est écrié un éleveur. Et de rappeler à Xavier Beulin, exploitant céréalier, qu'il n'était pas du même monde qu'eux. "Aujourd'hui, c'est le soir des éleveurs, pas des céréaliers", lui a-t-il dit.

Les céréaliers ont depuis des années des revenus confortables, sans rapport avec ceux des éleveurs.

Plus tard, dans la nuit, deux cents manifestants se sont rassemblés sur une quatre voies près de Saint-Brieuc pour arrêter les camions et vérifier leur cargaison. Ils ont ainsi vidé un camion frigorifique contenant de la charcuterie espagnole, a constaté une journaliste de l'AFP.

A Rennes, ils étaient dans la soirée plusieurs centaines, avec quelque 250 tracteurs, selon Cédric Henruy, secrétaire adjoint de la FDSEA d'Ille et Vilaine, "signe", à ses yeux, "d'un vrai malaise dans les campagnes, d'un ras le bol financier, environnemental et administratif".

Les tracteurs et autres engins agricoles, stationnés aux abords de la préfecture de Rennes, arboraient des banderoles sur lesquelles on pouvait lire "Sauver l'élevage", "Partager vos marges", "Ras le bol". Des bombes agricoles ont retenti.

Le contenu de quelques bennes a été déversé devant l'entrée de la préfecture, et des tas de paille enflammés sous les applaudissements des manifestants qui devaient ensuite se repartir en six groupes et continuer leurs actions avec pour cibles hypermarchés et un abattoir notamment

A Saint-Lô, dans la Manche, ils étaient environ 500 agriculteurs avec 80 tracteurs devant la préfecture où ils ont déversé du fumier.

En Loire-Atlantique, à Saint-Etienne-de-Montluc, la cible a été la SCA Ouest, plus grande centrale d'achat de l'enseigne Leclerc du grand Ouest. Là, avec une vingtaine de tracteurs, 200 à 300 agriculteurs ont déversé du fumier et du lisier.

"Leclerc est l'un des plus gros bandits" de la grande distribution, a fait valoir Alain Bernier, président de la FDSEA 44. "Il faut, a-t-il ajouté, que les gens comprennent que se nourrir a un prix. Ça se joue parfois à des centimes".

Dans les autres régions, les actions ont été modestes. Dans le Lot, à Cahors, environ 200 agriculteurs ont déversé du foin et de la terre devant les enseignes Carrefour et Leclerc, en prévenant qu'ils se réservaient la possibilité d'actions "dans les hypers pendant l'été".

 

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