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La semaine de Philippe Labro : des voix dans la cour, le silence des rues

Philippe Labro, écrivain, cinéaste et journaliste.[THOMAS VOLAIRE]

Philippe Labro est écrivain, cinéaste et journaliste. Chaque vendredi, pour Direct Matin, il commente ce qu'il a vu, vécu et observé pendant la semaine. Un bloc-notes subjectif et libre.

VENDREDI 27 NOVEMBRE

A partir de 10h30, il était difficile, voire impossible, de ne pas sentir les larmes monter quand on suivait, en direct, devant son poste de télévision, son smartphone ou sa tablette, la cérémonie du souvenir aux Invalides, en hommage aux 130 morts des attentats du 13 novembre dernier. Cette longue et terrible énumération de noms, prénoms, âges, des victimes des 10e et 11e arrondissements de Paris, dite en alternance par un homme et une femme. Ces deux voix, volontairement neutres, mais qui, à mesure que défilaient les identités, semblaient souligner l’inoubliable fatalité, la cruelle réalité. Même si ces deux inconnus – et c’était, bien sûr, un choix des organisateurs – n’apparurent pas à l’écran, la litanie de leur prononciation comme un continu roulement de tambour, conféra, l’espace d’une dizaine de minutes, à ces deux voix, une importance et une gravité considérable. Et plus tombaient les noms, plus s’approfondissait la prise de conscience. Il suffisait d’observer les visages des politiques – actuels ou anciens, au pouvoir ou pas – tous pénétrés par la même glaciale information, comme si, à mesure que les noms se succédaient, ce son répétitif, tel le marteau sur l’enclume, servait de glas, de «sonnerie aux morts». Quelques gros plans du masque d’un chef de l’Etat s’efforçant de ne pas céder à l’émotion, lèvres serrées, yeux à peine ouverts, faisaient suite aux plans plus larges des rangées de personnalités aux traits tendus, au maintien figé, des statuettes. Ce fut un moment sans erreur, sans lacune, sans défaut, un de ces hommages exceptionnels que savent parfaitement gérer les services de l’Etat. Une heure à la fois simple et belle, dont on sait bien qu’elle ne suffira pas aux parents des victimes pour effacer leur deuil. Mais au moins a-t-elle eu lieu dans la dignité et l’unanime silence du chagrin.

LUNDI 30 NOVEMBRE

La COP21 aura vidé les rues de Paris pour deux jours. On savait que cela ne durerait pas, mais on avait envie de crier : «Rendez-moi Paris, avec ses bruits, ses commerces, ses bistrots et ses lieux de spectacles, rendez-moi la vie !» Tout a, plus ou moins, repris son cours, avec la mégaconférence sur l’environnement, les discours du Bourget, l’invraisemblable photo des dirigeants de 159 pays, tous en rang, face à une humanité qui attend d’eux autre chose que des mots, des fausses promesses. «Pendant ce temps», comme on disait dans les feuilletons, il semble que deux autres réalités ont été, ou sont, passablement occultées. D’abord, la forte hausse du chômage en octobre : +1,2 %, soit 42 000 personnes de plus inscrites à Pôle Emploi – «chiffres pas satisfaisants», selon les autorités. Et puis, toujours, «pendant ce temps-là», on lit moins de reportages sur les migrants. Sauf preuve du contraire, ils continuent, malgré l’approche de l’hiver, leur fuite du malheur à travers obstacles, frontières, interdits. Dans l’excellent L’actu, ce quotidien qui s’adresse aux collégiens de 14 ans, mais que, bien souvent, les parents lisent, je découvre un reportage à Calais : un étudiant en architecture, Julien, a conçu un modèle de tente, facile à assembler en quatre heures. Avec des bénévoles et le soutien d’une association (L’auberge des migrants), Julien aura déjà permis la construction de 300 abris pour 1 200 migrants. Le Premier ministre a utilisé l’adjectif «exemplaire» à propos de la grotesque affaire «Valbuena-Benzema-sextape». S’il y a bien quelqu’un d’exemplaire, c’est Julien l’anonyme.

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