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Les sages se prononcent sur l'assignations à résidence

Le Conseil Constitutionnel à Paris [THOMAS SAMSON / AFP/Archives] Le Conseil Constitutionnel à Paris [THOMAS SAMSON / AFP/Archives]

Les Sages doivent dire aujourd'hui si les assignations à résidence décidées dans le cadre de l’état d'urgence, loi d'exception décrétée après les attentats du 13 novembre, sont conformes ou non à la Constitution.

La décision est très attendue tant par le gouvernement, qui doit présenter mercredi son projet de réforme constitutionnelle prévoyant l'inscription dans la loi fondamentale de l'état d'urgence, que par la centaine d'organisations qui en ont dénoncé "les dérives possibles".

Si le texte était déclaré inconstitutionnel, cela pourrait conforter les tenants d'une modification de la loi fondamentale. Cela pourrait aussi permettre aux opposants de proclamer que "la loi a été trop loin et qu'il ne faut pas changer la Constitution pour faire rentrer de force des mesures contraires à des principes essentiels", a estimé l'avocat Patrice Spinosi, qui représente la Ligue des droits de l'Homme (LDH) dans ce dossier. Quoi qu'il en soit, les avocats des requérants ont d'ores et déjà annoncé leur intention en cas d'échec de saisir la Cour européenne des droits de l'Homme (CEDH).

Des militants écologistes à l'origine de la QPC

Les Sages ont été saisis pour la première fois d'une question prioritaire de constitutionnalité (QPC) visant l'article 6 de la loi sur l'état d'urgence de 1955, révisée le 20 novembre, qui stipule que "le ministre de l'Intérieur peut prononcer l'assignation à résidence de toute personne (...) à l'égard de laquelle il existe des raisons sérieuses de penser que son comportement constitue une menace pour la sécurité et l'ordre public".

Cette QPC a été déposée par l'un des sept militants écologistes assignés à résidence pendant la conférence sur le climat COP21, qui avaient contesté en vain leur assignation devant le Conseil d’État. La plus haute juridiction administrative avait toutefois estimé qu'il fallait examiner la conformité de ce régime avec la "liberté constitutionnelle d'aller et de venir". Les militants étaient en effet tenus de pointer trois fois par jour au commissariat et de rester chez eux la nuit.

"Dérive possible, dernière digue"

"Vous êtes le dernier rempart... A l'heure où l'émotion et la colère semblent l'emporter sur tout autre intelligence, nous venons vous interpeller sur une loi qui confère des pouvoirs exorbitants à l'administration", a plaidé à l'audience Me Alexandre Faro, un des défenseurs des militants écologistes. "Nous sommes face à une dérive possible. Vous êtes la dernière digue", a martelé devant les sages Me Spinosi, appelant à mettre un coup d'arrêt à cet "abandon du pouvoir législatif au profit du pouvoir administratif, qui peut être demain celui d'une police politique".

Évoquant le cas de deux frères et militants écologistes, Joël et Cédric Domenjoud, Me Muriel Ruef, autre avocate des militants, a souligné que ses clients n'avaient été assignés que sur la foi d'une "note blanche" des renseignements, non signée et non datée, faisant état de la probabilité de la future participation des intéressés à des manifestations anti-COP21.

Les avocats ont en outre relevé que "le seul fait de s'affranchir du droit n'était pas une garantie d'efficacité", soulignant que les 2.700 perquisitions administratives et 360 assignations à résidence (au 15 décembre, ndlr) n'avaient donné lieu qu'à "peu de procédures judiciaires". Selon la chancellerie, 488 procédures judiciaires ont été engagées depuis le 13 novembre et 51 personnes écrouées.

Péril imminent du risque terroriste

De son côté, le représentant du gouvernement a justifié le texte incriminé, affirmant que les autorités devaient faire face "non seulement au péril imminent" du risque terroriste, "mais aussi à tout trouble à l'ordre public susceptible d'agrandir les menaces" et appelé les Sages à déclarer l'article 6 conforme à la loi fondamentale.

Le Conseil constitutionnel ne s'est penché qu'une seule fois sur la loi fondant l'état d'urgence, en 1985, sur fond de crise en Nouvelle-Calédonie, mais n'avait toutefois pas examiné au fond la conformité de ce régime avec les valeurs suprêmes du droit français.

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