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Emeutes de Moirans : des réquisitions clémentes

Des prévenus sortent de la salle d'audience de Grenoble le 19 septembre 2016 pendant le procès de 12 personnes pour leur participation présumée aux émeutes de Moirans [JEAN PIERRE CLATOT / AFP] Des prévenus sortent de la salle d'audience de Grenoble le 19 septembre 2016 pendant le procès de 12 personnes pour leur participation présumée aux émeutes de Moirans [JEAN PIERRE CLATOT / AFP]

"Mansuétude" ou "laxisme"? Le parquet a requis jeudi jusqu’à 14 mois de prison ferme à l'encontre de trois suspects des émeutes de Moirans (Isère) à l'automne 2015 mais il a demandé du sursis à l'encontre des neuf autres prévenus.

"Cette ville de Moirans a vécu un état de siège. Le visage de Marianne, ce jour-là, a été bafoué, a été sali", a estimé le vice-procureur Michel Coste, dans son réquisitoire. Le magistrat, qui n'a pas requis l'incarcération des prévenus à l'issue du procès, a même souligné que les peines requises pouvaient "être aménagées à condition que l'on indemnise les victimes".

Des peines de prison ferme, allant de 6 à 14 mois, ont été requises à l'encontre de seulement trois prévenus qualifiés d'émeutiers "hyper actifs" au casier judiciaire très chargé.

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"Déraison d'une colère"

Les douze suspects (neuf hommes et trois femmes), âgés de 18 à 58 ans, sont poursuivis pour leur participation supposée à l'éruption de violence qui a embrasé cette petite bourgade au nord de Grenoble, le 20 octobre 2015.

Plusieurs dizaines d'émeutiers avaient alors incendié des pneus, palettes et voitures sur une route départementale et bloqué la ligne SNCF Lyon-Grenoble en y jetant des voitures brûlées. Ils protestaient contre le refus d'un juge d'autoriser la sortie de prison de Mike Vinterstein, 24 ans, appartenant à la communauté des gens du voyage, pour assister aux obsèques de son frère de 17 ans.

"Nul ne peut contraindre la justice ou la prendre en otage, fût-ce par médias interposés", a lancé le magistrat, en vilipendant la "déraison d'une colère qui n'était pas sainte".

Des gendarmes près de voitures brûlées pendant les émeutes à Moirans près de Grenoble le 21 octobre 2015 [PHILIPPE DESMAZES / AFP/Archives]
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Des gendarmes près de voitures brûlées pendant les émeutes à Moirans près de Grenoble le 21 octobre 2015

 

Son réquisitoire, ferme dans le ton, a néanmoins été salué par les avocats de la défense qui ont retenu les "peines mesurées, intelligentes, bienveillantes", selon l'expression de Me Ronald Gallo, qui défend deux prévenus. Me Karine Bouden a elle aussi salué la "mansuétude, la mesure du procureur" et estimé que la peine requise était "juste" pour son client (deux ans de prison dont six mois ferme).

A l'instar du magistrat, l'avocate a évoqué la figure de Marianne qui "n'aurait pas été choquée que le jeune Mike assiste aux funérailles de son frère". Elle a critiqué le manque de réactivité des forces de l'ordre au moment des émeutes. "Au bout du compte, on a douze prévenus dans le box sur cinquante émeutiers! C'est ça l'idéal de Marianne?", a interrogé Me Bouden.

"Décalage"

Aucune interpellation n'avait eu lieu le jour des faits, ce qui avait valu au gouvernement d'être taxé de "laxisme" par l'opposition. Une critique reprise jeudi à l'encontre des réquisitions du parquet. "Pour la population de Moirans, ces réquisitions vont apparaître, je le crains, particulièrement gentilles voire laxistes", a ainsi estimé Me Denis Dreyfus, avocat de la commune de Moirans, partie civile au procès.

L'avocat, qui a pointé le "décalage complet" entre la peine encourue (10 ans ferme) et les peines requises, a dit souhaiter que le tribunal "aille au-delà" des réquisitions. Dans une affaire similaire, dix personnes de la communauté des gens du voyage, soupçonnées d'avoir bloqué l'autoroute A1 fin août 2015 près de Roye (Somme), avaient été condamnées à des peines allant jusqu'à 18 mois de prison ferme, et deux avaient été relaxées. Le parquet avait alors requis des peines allant jusqu'à trois ans ferme.

Des pompiers près d'une voiture brûlée pendant les émeutes à Moirans près de Grenoble le 20 octobre 2015 [PHILIPPE DESMAZES / AFP/Archives]
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Des pompiers près d'une voiture brûlée pendant les émeutes à Moirans près de Grenoble le 20 octobre 2015

 

"En correctionnelle, On envoie facilement en détention pour des choses moins graves", a remarqué Me Dreyfus qui a en outre jugé "particulièrement naïf" de penser que les victimes pourront être remboursées, les prévenus étant pour la plupart au RSA ou en emploi précaire.

Mercredi, les parties civiles avaient réclamé plus de 400.000 euros de dommages et intérêts pour les dégradations commises (voitures brûlées, trains supprimés ou annulés, commerces dégradés, etc.). Le jugement devrait être rendu la semaine prochaine.

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