En direct
A suivre

La semaine de Philippe Labro : la grâce de Federer, Fillon en disgrâce

Le champion de tennis suisse a ajouté une ligne à sa légende en remportant la finale de l'Open d'Australie face à Nadal. [BPI / Icon Sport]

Philippe Labro est écrivain, cinéaste et journaliste. Chaque vendredi, pour Direct Matin, il commente ce qu'il a vu, vécu et observé pendant la semaine. Un bloc-notes subjectif et libre.

DIMANCHE 29 JANVIER

C’est toujours émouvant, un champion qui pleure. Il a beau avoir, à 35 ans, le plus prodigieux palmarès du monde, il a beau avoir tout gagné, tout dominé, tout acquis (sauf un titre olympique en individuel), il a beau avoir survolé les finales du Grand Chelem et avoir tellement imprimé son image dans la rétine universelle des téléspectateurs, il n’empêche : quand Roger Federer, ce dimanche matin, nous offre une victoire éblouissante à l’Open d’Australie contre Rafael Nadal, il fond en larmes, comme un enfant. Gentleman jusqu’au bout, il tente de retenir cette expression étonnée, ce «Je l’ai fait ! Ça y est, j’y suis arrivé ! La balle était donc bonne !» qui se lit sur un visage se décomposant au point d’en perdre sa structure.

Tout a été dit et écrit sur cette finale et ce 5e set, avec les expressions qui passaient sur le faciès tendu et épuisé de Nadal (lequel commence à avoir le cheveu qui se raréfie) et sur le masque surprenant de calme et de détermination de Federer (aucun signe d’irritation, d’exaspération, de frustration, mais la seule et presque inhumaine concentration sur le coup à venir, la prochaine balle, en oubliant déjà celle qu’il vient de perdre ou de gagner), avec le sang-froid, l’invention dans le geste, l’audace, la redoutable efficacité.

Tout a été dit, mais c’est Roger Federer lui-même, et lui seul, qui l’a si bien résumé : «Le tennis est un sport cruel.» Dans bien d’autres sports, il existe la possibilité d’un match nul – les adversaires peuvent se séparer sans s’être départagés. Mais le tennis, c’est «cruel», en effet, il faut un vainqueur, un seul, et Federer, généreux, déclare qu’il aurait souhaité partager le «nul» avec Nadal. Mais c’est comme ça, c’est la vie, c’est «cruel», et comme on dit dans les casinos du monde entier : «Winner takes all» (le gagnant ramasse tout). Et il pleure. Les grandes personnes ne sont jamais que des gamins qui se déguisent en tueurs, le temps d’un tournoi.

DU LUNDI 30 JANVIER AU VENDREDI 3 FÉVRIER

L’affaire Fillon qui secoue et domine la vie politique française actuelle permet de tirer quelques conclusions – tout à fait provisoires.

1) Depuis le Brexit, et même un peu avant, et depuis Trump, bien sûr, nous sommes entrés dans le domaine de l’imprévisible, de l’improbable, de l’inattendu. Au point que l’inattendu deviendrait presque banal.

2) La presse – qu’elle soit écrite, télé, radio ou en ligne – et les réseaux sociaux fonctionnent sous la double exigence de la transparence absolue et de la rapidité de révélation. Leur pouvoir est redoutable.

3) La communication que l’on intitule «communication de crise» se doit d’être efficace, immédiate, univoque et bien maîtrisée. Sinon, c’est la catastrophe.

4) Une image, une réputation, une construction, tout aussi habile soit-elle, peut être pulvérisée en quarante-huit heures. L’image détruite, corrodée, entamée, décrédibilisée, peut-elle se reconstruire ? C’est toute la question.

5) L’opinion publique, dans son ensemble, supporte de moins en moins bien les arrangements, les habitudes, les facilités, les traditions des acteurs d’un système politique qui ne voient pas la réalité. Il y aura un verdict d’ici à trois mois environ.

6) Entre-temps, nous ne sommes pas à l’abri d’autres surprises. «Ce qui se passe est incroyable», me dit un vieux spécialiste de la Ve République. Ce qui va se passer le sera, peut-être, aussi. Le fameux et fatal phénomène des «courbes qui se croisent» est au coin de la rue. Et le résultat sera aussi «cruel» qu’une finale de l’Open d’Australie.

À suivre aussi

Ailleurs sur le web

Dernières actualités