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La semaine de Philippe Labro : l'intelligence du goût, la saveur de la bêtise

Michel Guérard a publié un abécédaire «gourmand et littéraire». [NICOLAS TUCAT / AFP]

Philippe Labro est écrivain, cinéaste et journaliste. Chaque vendredi, pour Direct Matin, il commente ce qu'il a vu, vécu et observé pendant la semaine. Un bloc-notes subjectif et libre.

Une semaine avant la grande bousculade autour de la cérémonie des Césars (24 février) et celle des Oscars (26 février), avant la semaine du cinéma, donc, si on parlait de livres, un peu ? J’en ai distingué deux.

JEUDI 2 FÉVRIER

Michel Guérard publie, aux éditions du Seuil, un abécédaire «gourmand et littéraire», intitulé Mots & Mets. Cet homme au sourire bienveillant, à la douceur du langage, à la rondeur du geste, n’est pas seulement le génial chef qui a révolutionné la gastronomie française dans les années 1970, avec ce qu’on a appelé «la nouvelle cuisine», c’est aussi un amoureux des mots. Pour lui, une recette de cuisine, des «petits pots d’escargots aux crevettes» jusqu’au «soufflé époustouflant à la verveine» n’est attractive que si elle est racontée avec les mots précis et simples de la langue française.

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C’est une merveille de lire ce volume divisé en trois parties : l’abécédaire avec 166 mots qui ont inspiré le chef-écrivain ; ensuite, des «drôles de recettes» ; enfin, «les enfances du chef», c’est-à-dire sa propre vie, son itinéraire, qui passe par la Normandie, par le célèbre «pot-au-feu» d’Asnières, pour aboutir à la découverte d’Eugénie-les-Bains, en plein Sud-Ouest, où avec sa «dulcinée » qui deviendra son épouse, Christine, ils bâtissent ce que Christian Millau appellera une «oasis de plein bonheur joliment située au milieu de nulle part».

Je ne sais pas ce que j’aime le plus dans ce singulier ouvrage, les recettes, l’humour, l’amour, la description d’une passion, l’autoportrait d’un «grand chef». Mais je vous suggère au moins la recette de «l’œuf mayo», le hors-d’œuvre qui permet à n’importe quel Français de juger, tout de suite, s’il est arrivé dans un «bon resto» (page 99), et aussi, dès la première lettre de son abécédaire, la lettre «a», cette définition : «L’apprentissage, c’est l’art et la manière de modeler patiemment l’esprit et les gestes d’un adolescent en l’aidant à se révéler, à affronter le risque…» Venant d’un maître, chez qui sont passés tous les apprentis devenus eux-mêmes chefs, l’amour d’apprendre aux autres fait partie de la belle aventure de Michel Guérard, éternel jeune homme. Vous feuilletterez les pages de cet album avec la même envie qui précède un bon repas.

VENDREDI 10 FÉVRIER

Voici un autre livre (il fait déjà beaucoup parler – et a eu droit à des pages entières dans les suppléments littéraires des quotidiens nationaux) qui n’a aucun rapport avec celui de Guérard, mais fait, là encore, découvrir une brillante intelligence, un humour pointu, un talent de psychologie et de regard sur les hommes. Il s’agit du livre de Denis Grozdanovitch, paru chez Grasset, Le génie de la bêtise.

Anecdotes, souvenirs, impressions et notes de lectures, celui qu’on appelle parfois «Grozda» propose une «flânerie» autour du même thème : la bêtise. Grâce à des portraits sensibles et généreux (son propre père qui lui apprend à distinguer les «imbéciles supérieurs», par la seule observation des membres d’un club de tennis ; le portrait de Valentin, un être «simple», dont la simplicité permit à Grozda de découvrir la nature et ses beautés minimes et mystérieuses…), l’auteur offre sa vision des imbéciles et des «intelligents», qui sont parfois plus imbéciles que ceux qu’ils jugent. C’est souvent drôle, surprenant, enrichi d’histoires, de blagues, extraits de grands écrivains, moments de sagesse et de comique. Michel Guérard et Denis Grozdanovitch : deux belles lectures avant une semaine dédiée au cinéma.

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