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Le gouvernement lance les Etats généraux de l'alimentation

[GUILLAUME SOUVANT / AFP]

Répartir la valeur, rétablir la confiance et répondre aux attentes de consommateurs : le Premier ministre Edouard Philippe a exhorté les professionnels de l'alimentation à relever ces défis durant les Etats généraux de l'alimentation dont il inaugurait jeudi les travaux.

«Certains les qualifieraient de faiblesses. Je préfère le mot de défis. Une faiblesse, ça se constate, ça se déplore, ça se compense. Un défi, ça se relève», a déclaré le Premier ministre après avoir cité Fernand Braudel et «La terre qui meurt» de René Bazin.

Concernant la répartition de la valeur, «je ne suis pas là pour désigner des coupables, mais pour trouver des solutions. Pas des solutions de court terme en attendant la prochaine crise, mais des solutions pérennes, dans le cadre de relations commerciales normales. L'Etat ne peut pas et ne doit pas se substituer au marché», a-t-il indiqué.

Jouer collectif

La question de la confiance a deux visages car il faut la rétablir «entre les acteurs, comme on dit pudiquement, mais aussi avec les consommateurs. Je n'ai ni la prétention, ni la naïveté de faire table rase du passé. Je pense simplement qu'une discussion, franche, directe, difficile mais honnête vaut mieux que de mauvais compromis noués sur fond de défiance», assure-t-il.

Mais pour cela il faut jouer collectif, selon le Premier ministre. «S'il y a une chose que la mondialisation a changé, c'est qu'on ne peut plus combattre en ordre dispersé. Il faut s'organiser». Or, «notre efficacité collective laisse à désirer», estime-t-il. Vis-à-vis des consommateurs, «on sait que moins le risque est élevé, plus sa survenue paraît scandaleuse (...) et qu'il faut des mois, voire des années» pour reconquérir leur confiance «à la suite d'une crise», a-t-il insisté.

«Supprimer les boîtes noires et autres angles morts»

Edouard Philippe a donc conseillé aux filières alimentaires de «supprimer les boîtes noires et autres angles morts qui suscitent inutilement la méfiance», alors que, «bien souvent, il n'y a d'ailleurs rien à cacher!» Enfin, le Premier ministre a jugé qu'il était nécessaire de répondre aux nouvelles attentes des consommateurs quand elles s'inscrivent dans la durée car «ces tendances correspondent à des secteurs de niche, en forte croissance. Elles créent de la valeur».

«Dans cette démarche, l'Etat est une partie prenante parmi d'autres. Une partie éminente, incontournable, mais une partie parmi d'autres», a encore déclaré Edouard Philippe, en rappelant leur responsabilité aux parties prenantes dans ces Etats généraux.

Promesse de campagne

Emmanuel Macron avait proposé ces Etats généraux de l'alimentation travaux durant la campagne présidentielle, souhaitant répondre à un double impératif: que les agriculteurs puissent vivre dignement de leur travail par le paiement de prix justes, et que le modèle de production agricole s'adapte aux attentes des consommateurs, c'est à dire une alimentation saine et durable.

Un double impératif qui a posé beaucoup de questions tant du côté du monde économique que du monde associatif. Les agriculteurs étant focalisés sur la question des prix de leurs produits, vitale pour eux, les associations environnementales ou de consommateurs ont exprimé la peur de voir leurs préoccupations mises de côté. De plus, de nombreuses tentatives, y compris législatives, ont déjà eu lieu pour régler la question du "partage de la valeur" entre producteurs, coopératives, industriels de l'agroalimentaire et représentants de la distribution. Sans résultat.

Faire tomber les postures

«Le contexte est favorable pour faire tomber les postures», et il «devrait nous permettre de concilier les points de vue», a jugé mardi le ministre de la Transition écologique Nicolas Hulot. J'espère que d'ici septembre, concernant la répartition de la valeur, le ministre (de l'Agriculture) aura pu, provisoirement, apaiser les choses, pour qu'après, on puisse avoir une conversation prolongée», a-t-il ajouté.

Même son de cloche au ministère de l'Agriculture où «on a clairement l'impression que les acteurs ont conscience d'être arrivés au bout d'un modèle, d'une manière de faire et qu'il faut faire évoluer les pratiques». Producteurs et consommateurs «ont des intérêts communs, mais parfois ils l'ignorent», a ajouté mercredi le ministre Stéphane Travert au Sénat.

Pour Nicolas Hulot, «une demande sociétale d'alimentation de qualité, en bio notamment, n'est pas couverte par nos paysans». Si «les agriculteurs peuvent participer à la transition écologique, à la lutte contre le changement climatique... il faut qu'ils s'y retrouvent» en recevant un revenu pour toutes les tâches favorables à l'environnement, a-t-il ajouté.

Christiane Lambert, présidente de la FNSEA, principal syndicat agricole, assure de son côté que les sujets prix et qualité sont liés : «Plus vert, c'est plus cher», clame-t-elle.

Les consommateurs souhaitent que l'agriculture assure une alimentation saine et durable [JEAN-PHILIPPE KSIAZEK / AFP/Archives]
Les consommateurs souhaitent que l'agriculture assure une alimentation saine et durable. [JEAN-PHILIPPE KSIAZEK / AFP/Archives]

Elle propose un «double pacte économique et sociétal» aux consommateurs : «quelques centimes de plus pour rentabiliser et moderniser les exploitations et mieux répondre aux attentes qualitatives». Toutes les propositions seront discutées lors des ateliers qui se tiendront jusqu'à la mi-novembre réunissant agriculteurs, industriels, distributeurs, ONG de l'environnement et du caritatif, associations de consommateurs, experts et élus.

Plan de 5 milliards d'euros

Un atelier transversal devra déterminer quels investissements seront nécessaires pour une meilleure performance environnementale, sanitaire, sociale et économique. Avec en ligne de mire la répartition des cinq milliards d'euros du plan de modernisation de l'agriculture promis durant la campagne. Répartition qui devrait aussi être férocement discutée.

Un atelier transversal devra déterminer quels investissements seront nécessaires pour une meilleure performance environnementale, sanitaire, sociale et économique [SEBASTIEN BOZON / AFP/Archives]
Un atelier transversal devra déterminer quels investissements seront nécessaires pour une meilleure performance environnementale, sanitaire, sociale et économique. [SEBASTIEN BOZON / AFP/Archives]

Il ne faut pas que ce plan «serve seulement à rénover des bâtiments, augmenter la taille des élevages et construire des retenues d'eau pour irriguer du maïs», prévient déjà l'association WWF, en assurant que «c'est la ligne de la FNSEA». Une quarantaine d'ONG ont également souligné dans un communiqué que des «priorités essentielles manquent pour l'instant à l'appel», dont une troisième phase de négociations politiques pour acter et arbitrer les désaccords, mais aussi une meilleure mobilisation citoyenne.

Le grand public sera amené à donner son avis via une consultation publique qui ouvre jeudi sur internet (egalimentation.gouv.fr). Une synthèse des ateliers et de la consultation devrait être publiée mi-décembre, a promis le ministère de l'Agriculture.

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