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Le délicat dossier corse

[PASCAL POCHARD-CASABIANCA /AFP]

Portant de nombreuses revendications, les nationalistes corses entendent convaincre Paris. Un dialogue toujours difficile.

Une première visite sensible. A l’occasion du 20e anniversaire de l’assassinat du préfet Claude Erignac, Emmanuel Macron est attendu en Corse aujourd’hui et demain pour aborder l’avenir politique de l’île. Un déplacement particulier, à l’heure où les nationalistes, élus à la tête de la région depuis décembre, se sentent en position de force. En témoigne leur mobilisation conséquente, le week-end dernier, à Ajaccio. Avant de s’exprimer publiquement demain, le chef de l’Etat devrait s’entretenir avec les deux dirigeants de la région, Gilles Simeoni, président de la Collectivité unique de Corse, et Jean-Guy Talamoni, son homologue de l’Assemblée de l’île, déjà reçus fin janvier à Matignon. Entre dialogue et bras de fer, les négociations sont engagées.

Des requêtes multiples

Critiquant «l’indifférence» de l’exécutif à son égard, le bloc nationaliste entend «convaincre» Emmanuel Macron, ainsi que les ministres qui l’accompagnent, d’«ouvrir un dialogue» sur de multiples points. A commencer par une plus grande autonomie de la Corse. Ils espèrent que la réforme de la Constitution, actuellement en préparation, réservera un statut fiscal et social particulier à la région, à l’image de ce qui existe en Martinique. Autre revendication de longue date, la reconnaissance du corse comme deuxième langue officielle. Une mesure qui déboucherait, à terme, sur le bilinguisme dans l’administration ou la justice. Par ailleurs, afin de lutter contre la spéculation immobilière, les nationalistes réclament la création d’un statut de résident renforcé privilégiant les personnes vivant sur l’île depuis plusieurs années. Enfin, ils exigent l’amnistie pour onze prisonniers qu’ils considèrent comme «politiques», ainsi que le transfert des détenus corses dans des centres pénitentiaires de l’île.

Des revendications sur lesquelles le mouvement, dopé par sa large victoire aux élections territoriales de décembre (56,5 %), ne compte pas reculer. Reste que face à la détermination corse, Paris s’est montré inflexible. Pour preuve, une résolution reprenant les arguments nationalistes, pourtant votée la semaine dernière par les élus LREM à l’Assemblée de Corse, a été immédiatement désavouée par leur patron, Christophe Castaner. «La place de la Corse est dans la République, [qui] est suffisamment forte pour accueillir des particularités», avait déjà tranché en avril Emmanuel Macron, quand il était encore candidat.

Un bras de fer dans le temps

Si le président est attendu aujourd’hui de pied ferme sur l’île, ses prédécesseurs ne l’étaient pas moins. Avant les venues de Jacques Chirac, Nicolas Sarkozy et François Hollande, François Mitterrand s’était lui aussi exprimé, en 1983, devant les élus corses, comme pourrait le faire Macron. A cette époque, le Front de libération nationale de Corse (FLNC, qui a rendu les armes en 2014) avait commis quelque 800 attentats sur l’île – un record.

«Tous (les présidents) avaient promis la résolution du conflit et moins de centralisation politique, sans succès», relève ainsi Gérard-François Dumont, professeur à l’université Paris-Sorbonne. Hier, le nationaliste Jean-Guy Talamoni a d’ailleurs averti qu’une crise politique n’était pas exclue dès lors que «les portes du dialogue restaient fermées». Preuve que la bataille institutionnelle reste plus que jamais d’actualité. 

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