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Tout sauf «la prison», plaide la défense de Jérôme Cahuzac

L'ancien ministre du Budget, Jérôme Cahuzac, le 21 février 2018, lors de son dernier jour du procès en appel au Palais de Justice de Paris [Eric FEFERBERG / AFP] L'ancien ministre du Budget, Jérôme Cahuzac, le 21 février 2018, lors de son dernier jour du procès en appel au Palais de Justice de Paris [Eric FEFERBERG / AFP]

«Je vous supplie de ne pas l'envoyer en prison» : la défense de l'ex-ministre du Budget Jérôme Cahuzac, condamné en 2016 à la prison ferme pour fraude fiscale et blanchiment, a appelé mercredi à une «juste peine» contre un homme déjà «à terre».

La cour d'appel de Paris rendra le 15 mai sa décision concernant le brillant ministre devenu un paria de la République, à l'origine du plus retentissant scandale du quinquennat de François Hollande. «Cahuzac en prison, ce n'est pas une décision de justice», a plaidé mercredi un de ses avocats, Eric Dupond-Moretti, proposant même «d'alourdir la peine» en augmentant la partie avec sursis mais de ne pas envoyer «en taule» l'ancien chirurgien.

La veille, l'avocat général avait requis la «confirmation» de la condamnation à trois ans de prison ferme et cinq ans d'inéligibilité contre le ministre menteur qui avait un compte caché à l'étranger. Une faute qui avait «durement rompu l'équilibre social», selon l'accusation, un scandale qui avait choqué l'opinion et abouti à la création d'un parquet national financier (PNF) et d'une agence anticorruption.

Une confirmation du jugement enverrait Jérôme Cahuzac, 65 ans, derrière les barreaux. Alors qu'une peine égale ou inférieure à deux ans d'emprisonnement ouvrirait la possibilité d'un aménagement de peine. C'est tout l'enjeu de ce second procès. Dès le premier jour, Jérôme Cahuzac reconnaît sa faute, concède un déni persistant et confie sa «peur d'aller en prison».

Encore sous le choc de son bannissement, l'ancien chirurgien, qui vit la plupart du temps en Corse, rappelle qu'il a rapatrié les plus de 600.000 euros cachés en Suisse puis à Singapour, remboursé le fisc et vu sa vie «détruite».

«Un homme cassé»

Est-ce une peine suffisante ? «La juste peine c'est celle qui (...) n'accable pas plus que nécessaire un homme cassé, fracassé, celle qui permet le rachat, celle qui autorise un avenir», a plaidé son avocat historique et ami Jean-Alain Michel.

L'ancien ministre du Budget Jérôme Cahuzac (centre) et son avocat Eric Dupond-Moretti (droite) à leur arrivée au palais de Justice de Paris le 21 février 2018 [Eric FEFERBERG / AFP]
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L'ancien ministre du Budget Jérôme Cahuzac (centre) et son avocat Eric Dupond-Moretti (droite) à leur arrivée au palais de Justice de Paris le 21 février 2018

«Et s'il se flingue en taule?», demande Eric Dupond-Moretti, tout en se défendant de tout «chantage» à la cour. Il décrit un Cahuzac perdu, qui erre «des heures» dans son cabinet d'avocat et dont «les secrétaires ne savent plus quoi faire». «Je ne demande pas la lune. Je suggère même d'aggraver la peine, mais je vous supplie de ne pas l'envoyer en prison», a-t-il insisté.

«Bien sûr il est indispensable de faire de la morale, de la morale publique», a estimé l'avocat, tout en appelant au sens des «proportions», citant une série de décisions récentes ne condamnant des fraudeurs du fisc qu'à de la prison avec sursis. «On rend un hommage national à une de nos vedettes qui a cherché toute sa vie à changer de pays pour payer moins d'impôt», dit-il, en référence au chanteur Johnny Hallyday. Il s'étonne aussi que l'héritière de l'empire cosmétique L'Oréal, Liliane Bettencourt, n'ait pas été poursuivie bien qu'ayant reconnu une évasion fiscale.

Pourfendeur de la fraude fiscale lorsqu'il était au gouvernement, Jérôme Cahuzac avait menti, «les yeux dans les yeux», à ses proches, aux parlementaires, aux médias. Cinq mois après les révélations du site Médiapart, il avait finalement avoué en avril 2013 l'existence d'un compte dissimulé à l'étranger: d'abord en Suisse, puis transféré à Singapour en 2009 via des sociétés offshore.

«Ce pognon, il l'a traîné comme un boulet», affirme Me Dupond-Moretti. L'avocat reprend brièvement la thèse d'un financement politique, d'un trésor de guerre pour le mouvement de l'ancien Premier ministre Michel Rocard, qui expliquerait l'ouverture d'un premier compte en suisse en 1992. Il décrit un engrenage: «S'il allait régulariser, c'était un suicide professionnel». Et la révélation en pleine lumière de sa part d'ombre, «la trahison» des valeurs de ses parents résistants.

Pour Me Michel, la pire des trahisons reste celle du Jérôme fraudeur «lamentable», qui va jusqu'à utiliser les comptes de sa mère pour blanchir l'argent de la fraude, contre le Jérôme qui sauve des vies et le politique talentueux. Aujourd'hui «reste la honte», dit-il, et «les deux Jérôme se sont rejoints».

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