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La semaine de Philippe Labro : le récital d'un champion, les performances du jazz

Martin Fourcade, qui a déjà remporté trois médailles d’or en Corée du Sud, remplit toutes les conditions pour incarner ce que nous aimons chez les athlètes de haut niveau.[AFP]

Philippe Labro est écrivain, cinéaste et journaliste. Chaque vendredi, pour CNEWS Matin, il commente ce qu'il a vu, vécu et observé pendant la semaine. Un bloc-notes subjectif et libre.

MERCREDI 21 FÉVRIER

Les Jeux olympiques d’hiver passionnent les Français. Depuis que Jean-Claude Killy et les sœurs Goitschel (vous vous souvenez d’elles ?) ont enflammé les esprits, au siècle dernier, dans les années 1960, l’opinion publique s’est toujours intéressée à la glisse, la neige, la vitesse, le millième de seconde qui fait la différence, le saut, les chutes spectaculaires, les disciplines nouvelles et difficiles. Selon France Télévisions, 36,5 millions de téléspectateurs ont regardé au moins une minute des JO de Pyeongchang, la première semaine. Cela équivaut à la moitié de la population française. Un sport, quel qu’il soit, a toujours besoin d’un héros, d’un symbole, d’un emblème, d’une image d’homme ou de femme qui épate, étonne et fédère.

Martin Fourcade, qui a déjà remporté trois médailles d’or en Corée du Sud, remplit toutes les conditions pour incarner ce que nous aimons chez les athlètes de haut niveau : la perfection alliée à la modestie, l’orgueil à la lucidité, le comportement simple et direct au parler franc, le perfectionnisme à la persévérance. Fourcade possède tout ce que l’on a admiré, aussi bien chez un Tabarly que chez un Riner. Ces hommes-là exploitent et entretiennent des ressources physiques indispensables, mais ils ont, surtout, un mental hors norme. Ils peuvent, et ils veulent. Ils veulent, parce qu’ils savent qu’ils peuvent. Fourcade arrive dans l’actualité au bon moment, face au visage contrit et accablé d’un Cahuzac qui a vécu dans le mensonge, face à un Wauquiez qui évolue dans l’habile provocation, à un Neymar qui nage dans la vanité. Martin Fourcade est tout leur contraire. Voici pourquoi une très grande partie du pays l’a regardé et le respecte.

JEUDI 22 FÉVRIER

Il existe, en matière d’édition, une collection particulièrement intéressante, celle des «Dictionnaires amoureux». Fondée par Jean-Claude Simoën, en 1999, chez Plon, cette série développe une idée lumineusement simple : confier à une personnalité – la plupart du temps un écrivain, mais cela peut être aussi un homme politique, un comédien, un avocat – le soin de répertorier, de A jusqu’à Z, l’objet de son amour. Et ce, pour la musique, la Méditerranée, le cheval, la liberté, le Brésil, la psychanalyse… Tout y passe, depuis que la collection a été lancée. Il y a déjà eu 108 «Dictionnaires».

C’est allé de ceux des chats et de Venise (deux très beaux succès) à celui du vin, par Bernard Pivot, la plus grosse vente de la série (plus de 251 000 exemplaires). J’avais beaucoup aimé le Dictionnaire amoureux de la Résistance, de Gilles Perrault, celui consacré à Proust, par les deux Enthoven, Jean-Paul et Raphaël, le père et le fils. Cette semaine, le 109e «DA» (comme est appelée la série chez Plon) est signé de Patrice Blanc-Francard, et il s’agit du Dictionnaire amoureux du Jazz. Cela commence avec Julian «Cannonball» Adderley, et cela s’achève avec Joe Zawinul. Blanc-Francard, homme de radio, esthète de la technique du son, critique et animateur, sait raconter les vies de ces musiciens, ces vagabonds, ces aventuriers, ces rebelles. Des princes, comme Duke Ellington ou Miles Davis, des éclectiques, comme Boris Vian.

On verse autant dans le roman que dans la musique. On découvre des moments de violence inédits – j’ai appris ainsi que Sidney Bechet, dont la Petite fleur fit danser toute une génération dans les années 1950, avait participé, calibre au poing, à une fusillade entre musiciens, en pleine rue, à Pigalle. C’est truffé d’anecdotes et de révélations. Vous en saurez plus sur Ray Charles ou sur l’importance de La Nouvelle-Orléans dans la fabrication d’une partie de ces légendes. J’ai adoré ce livre. Il n’y a aucun besoin d’être un «jazz addict» pour le lire. Il suffit d’apprécier la vie, l’imprévisible, «la musique des anges dans un siècle de fer». Belle formule de Blanc-Francard, devenu, par la grâce de cette même musique, un écrivain de talent. 

 

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