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Sabotages: le procès du «groupe de Tarnac» et d'une enquête controversée s'ouvre à Paris

Un policier arrête un membre du "groupe de Tarnac" le 11 novembre 2008 à Tarnac, dans le sud-ouest de la France [THIERRY ZOCCOLAN / AFP/Archives] Un policier arrête un membre du «groupe de Tarnac» le 11 novembre 2008 à Tarnac, dans le sud-ouest de la France [THIERRY ZOCCOLAN / AFP/Archives]

Initialement inculpés en France pour des faits de terrorisme, huit militants libertaires du groupe de «Tarnac» comparaissent mardi, soit dix ans plus tard, pour la dégradation d'une ligne ferroviaire et des manifestations violentes, des accusations qu'ils réfutent, dénonçant un procès politique.

Parmi les prévenus renvoyés devant le tribunal correctionnel de Paris figurent Julien Coupat, 43 ans, présenté comme le théoricien du groupe, son ex-compagne Yildune Levy, 34 ans, Elsa Hauck, 33 ans, et Bertrand Deveaud, 31 ans. Poursuivis pour «association de malfaiteurs», ils encourent dix ans de prison.

La justice leur reproche d'avoir, sur le fondement d'une idéologie développée dans un livre qui leur est attribué (L'insurrection qui vient), participé au sabotage d'une ligne des chemins de fer français (SNCF) à Dhuisy (région parisienne) et organisé des actions violentes contre des intérêts de l’État, notamment le 3 novembre 2008 lors d'une manifestation à Vichy (centre).

Le tribunal pourra difficilement ignorer les critiques de la défense qui dénonce une instrumentalisation du dossier par le politique et conteste certaines méthodes des enquêteurs pour répondre aux attentes du pouvoir.

En 2017, après neuf ans de bataille judiciaire, de polémiques et le dessaisissement du juge chargé de l'enquête, la Cour de cassation avait abandonné la qualification terroriste.

Lundi, Yildune Levy a ainsi expliqué sur la radio France Inter vouloir dénoncer à l'audience «les méthodes de l'antiterrorisme» vis-à-vis d'un groupe qui, selon elle, relève d'une «fiction politique, policière puis judiciaire et médiatique».

Arrêtés par 150 policiers en 2008

L'affaire avait spectaculairement débuté le 11 novembre 2008 par l'arrestation par 150 policiers cagoulés, devant les caméras de télévision, d'une dizaine de membres de cette communauté installée à Tarnac, petit village de la Corrèze (sud-ouest de la France), qui est depuis longtemps un lieu d’attraction pour les militants politiques.

La ministre de l'Intérieur de l'époque, Michèle Alliot-Marie, salue alors l'interpellation de membres de «l'ultra-gauche, mouvance anarcho-autonome, en lien avec les sabotages» et le Procureur de la République, Jean-Claude Marin décrit «une cellule invisible» ayant pour objet «la lutte armée».

Quelques jours plus tôt, les 7 et 8 novembre, des caténaires de lignes des chemins de fer français (SNCF) avaient été sabotées dans l'Oise (nord), l'Yonne (centre) et en Seine-et-Marne (région parisienne), provoquant une véritable pagaille avec plus d'une centaine de TGV bloqués et 20.000 voyageurs en rade.

Le 9 novembre, ces actes de sabotage et d'autres sont revendiqués auprès de quotidiens allemands dans un texte signé: «en souvenir de Sebastian», référence à un militant antinucléaire français mort le 7 novembre 2004, écrasé par un train de transport de déchets nucléaires. Mais pour les enquêteurs français, cette piste n'exclut en rien la piste française.

Peu de preuves et des incohérences

Cependant, faute de preuves matérielles, l'enquête sur Tarnac s'est enlisée et les dix inculpés pour association de malfaiteurs à caractère terroriste ont été vite remis en liberté, le dernier étant Julien Coupat après six mois de détention.

«Il apparait de plus en plus clairement que la qualification terroriste a été utilisée imprudemment», dénonçait à cette période l'ancien président français François Hollande, alors président de l'assemblée du département de Corrèze, en parlant notamment de «ratage policier» et «d'une affaire politique». Aujourd'hui, l'accusation repose pour l'essentiel sur un procès verbal de surveillance policière du couple Coupat-Levy la nuit du sabotage à Dhuisy.

La défense conteste la véracité du document truffé d'erreurs et la présence même de certains policiers sur place. Elle réclame un transport du tribunal sur les lieux du sabotage pour qu'il se rende compte de ces «invraisemblances». Les avocats des prévenus ont également cité à comparaître les policiers du renseignement impliqués dans la surveillance du groupe mais ces derniers devraient témoigner anonymement à l'audience comme la loi le leur permet.

Deux autres prévenus sont poursuivis pour falsification ou recel de documents volés - des délits passibles de cinq ans de prison - et deux autres pour leur refus de se soumettre à un prélèvement biologique, passible d'un an de prison. Le procès est prévu jusqu'au 30 mars.

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