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La semaine de Philippe Labro : la solitude du héros, l'unité de la nation

Un vibrant hommage a été rendu par le président Emmanuel Macron à Arnaud Beltrame. [Philippe LOPEZ / AFP]

Philippe Labro est écrivain, cinéaste et journaliste. Chaque vendredi, pour CNEWS Matin, il commente ce qu'il a vu, vécu et observé pendant la semaine. Un bloc-notes subjectif et libre.

MERCREDI 28 MARS

Au fond, il est peut-être simple de parler d’Arnaud Beltrame, auquel Emmanuel Macron rend hommage, aux Invalides, en ce jour de pluie, en ce jour exceptionnel de commémoration et de solennité. Simple, pourquoi ? Parce que cet homme correspond à des mots et des notions claires, des principes fondamentaux : sacrifice, courage, valeurs, patrie, fraternité, héroïsme. C’est simple, car ces notions devraient toujours nous habiter.

Mais je vais me contredire : là où cela devient difficile, c’est qu’aucun d’entre nous ne peut se mettre à sa place. Dans sa tête. Personne n’est capable d’analyser ce qui a pu se passer dans l’esprit d’Arnaud Beltrame, à quelle vitesse il a pris sa décision, à quelle seconde il a su qu’il risquait sa vie et à quel moment il a vu, prévu, anticipé. C’est une somme d’éléments qui fait le mystère d’un homme – et qui le différencie de tous les autres. Quand on commentera et comprendra en détail tout ce qui s’est passé entre Beltrame et le terroriste (dont je n’ai même pas envie d’écrire le nom), on mesurera sans doute encore plus la dimension dramatique et héroïque du geste.

Le doute n’habitait pas notre homme. Il avait déjà, en Irak en particulier, fait preuve d’un grand sang-froid et d’une forte clairvoyance dans l’action. Le lieutenant-colonel (qui vient d’être élevé au rang de colonel) était, déjà, un héros. Aussi doit-on voir une logique dans ses actes au Super U de Trèbes. Pour lui, ce qu’il s’apprêtait à faire n’était que la continuité de son engagement. Pour nous, pour tout un pays qui se réunit, il s’agit et il s’agira d’un exemple, d’un modèle, d’un symbole. Rien ni personne ne pourra faire oublier Arnaud Beltrame. A lui seul, le gendarme, l’homme, le mari, le fils, le camarade, le chef, le croyant, a écrit une page qu’il faudra faire lire aux enfants dans les écoles.

Qu’il pleuve ce jour, et que la foule se serre sous un tapis de parapluies, alors qu’elle rend hommage à Arnaud Beltrame, n’est pas grave. Au contraire, cette pluie, ce «non-printemps», correspond à la tristesse et la solitude des familles et des proches des quatre autres victimes des attentats de l’Aude. Des anonymes, des personnes de toutes sortes, des gens pacifiques qui n’auraient jamais pu imaginer que leur petit village deviendrait un théâtre sanglant dont ils seraient les acteurs, condamnés par la sauvagerie d’un terroriste. Des innocents, tous confrontés au hasard de la violence. Au fanatisme islamiste. A l’imprévu qui régit nos existences.

JEUDI 29 MARS

Le lendemain d’un tel événement, les retombées et commentaires à propos du discours du président Macron, rendent, selon moi, le reste de l’actualité un peu vain et lassant. On aurait envie que ce ne soit pas une «minute de silence» mais des «jours de silence» qui succèdent à l’événement. C’est naïf que de l’espérer. Le deuil, dans une époque aussi apte à accélérer le temps et l’espace, ne dure guère. On est rattrapé par la politique, le sport, l’international, l’approche du week-end de Pâques

Ainsi, on peut s’interroger sur ce que devient la Maison Blanche à Washington – l’interminable et le minable feuilleton Donald Trump. Les décisions et contradictions du président le plus surprenant de l’histoire des Etats-Unis apportent désordre et discorde. Certes, il y a unanimité parmi les pays occidentaux pour stigmatiser Poutine, mais c’est bien le seul sujet sur lequel les alliés historiques des Américains sont d’accord.

La mort atroce de Mireille Knoll, 85 ans, et la marche blanche d’hier soir, dans les rues de Paris, pour saluer cette survivante de la rafle du Vel d’Hiv en 1942, assassinée, retrouvée à moitié calcinée, victime de l’antisémitisme, appellent à l’indignation et à la vigilance. D’une certaine manière, c’est aussi pour qu’une telle horreur ne se reproduise pas que le héros Beltrame a donné sa vie.

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