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Au procès d’une famille du Loiret versée dans le jihad, regrets en série à la barre

Farid Rettoun, cache son visage et celui de sa femme, lors de son procès devant le tribunal correctionnel de Paris le 25 juin 2018  [Eric FEFERBERG / AFP] Farid Rettoun, cache son visage et celui de sa femme, lors de son procès devant le tribunal correctionnel de Paris le 25 juin 2018 [Eric FEFERBERG / AFP]

Accusés de participation ou soutien au jihad en Syrie en 2014 et 2015, père, fils et belle-fille disent tous s’être égarés et regretter : le tribunal de Paris achevait mardi d’examiner le basculement radical d’une famille du Loiret.

«On m’accusait d’être un espion. Je ne partage pas ces idées. J’ai dû faire cette vidéo sous la contrainte pour prouver ma bonne foi» : debout dans son box, Samy Rettoun, 22 ans, se défend à nouveau d’avoir été un jihadiste actif et convaincu pour Daesh en 2014 et 2015.

En janvier 2015, quelques jours après les attentats de Charlie Hebdo et de l’Hyper Casher, il est apparu dans une vidéo de Daesh où il appelle les musulmans à commettre d’autres attaques contre les «mécréants». «Tuez-les tous !», «Egorgez-les !» lance-t-il, kalachnikov à la main, dans un extrait projeté à l’audience.

«Si je ne l’avais pas fait on m’aurait mis une balle dans la tête !», dit le jeune homme, T-shirt gris, barbe et cheveux longs bouclés coiffés en arrière. Quelques semaines après avoir tourné la vidéo, il déserte, s’enfuyant de Syrie avec sa femme Sana, enceinte, pour se rendre début avril au consulat de France en Turquie.

Samy Rettoun, son père Farid, 58 ans, et Sana, 26 ans, sont jugés depuis lundi en correctionnelle pour association de malfaiteur à visée terroriste, et encourent jusqu’à 10 ans de prison.

Samy, celui qui risque le plus, a en juin 2014 rejoint ce qui deviendra quelques semaines plus tard Daesh, sur les traces de son frère Yacine parti trois mois plus tôt.

Croquis d'audience du 25 juin 2018 montrant Farid Rettoun (2e g), son fils Samy (en haut au centre), sa femme Sana (à g), et ses avocats lors de son procès devant le tribunal correctionnel de Paris  [Benoit PEYRUCQ / AFP]
Croquis d'audience du 25 juin 2018 montrant Farid Rettoun (2e g), son fils Samy (en haut au centre), sa femme Sana (à g), et ses avocats lors de son procès devant le tribunal correctionnel de Paris[Benoit PEYRUCQ / AFP]

«J'ai vraiment conscience que ce que j'ai fait, que ce qui m'est reproché est grave», a-t-il dit en s'excusant auprès du tribunal, qui tente depuis lundi de dissiper les nombreuses ambigüités qui ressortent de son parcours et de ses récits.

Niant toute radicalisation et toute participation à des combats, il a expliqué avoir été en Syrie avant tout pour rejoindre Yacine, frère admiré avec qui il avait une relation «fusionnelle».

«On reste attaché»

On ne sait aujourd'hui ce qu’il est advenu de Yacine, qui a beaucoup combattu pour Daesh en Syrie et en Irak avant d’en devenir un des bourreaux, et poursuivi à ce titre en France pour assassinat. Un homme décrit comme violent, craint, battu pendant l’enfance par son père Farid, avec lequel il avait des rapports difficiles, et dont le parcours semble avoir largement conditionné ceux des trois prévenus.

En Syrie et en Irak, Samy affirme avoir été rapidement soupçonné par Daesh d’être un espion car il avait «refusé de combattre».

Après leur fuite en Turquie, Samy et Sana seront expulsés vers la France. Incarcéré à son arrivée, alors que Sana est laissée libre, Samy offre son entière collaboration aux services de renseignements français.

Mais pendant sa détention, il continuera à échanger par téléphone avec ses parents et sa sœur, mais aussi avec son frère Yacine, qu’il semble toujours autant admirer. «On reste attaché à certaines personnes, même si elles ont fait des mauvaises choses», a-t-il expliqué, cultivant l'ambigüité.

Le tribunal devra évaluer le degré de la repentance également affichée à l’audience par Sana, séparée de Samy depuis début 2016, et Farid.

Sana C., la femme de Samy Rettoun, arrive au tribunal correctionnel de Paris le 25 juin 2018  [Eric FEFERBERG / AFP]
Sana C., la femme de Samy Rettoun, arrive au tribunal correctionnel de Paris le 25 juin 2018[Eric FEFERBERG / AFP]

«Je n’avais pas conscience de ce qui se passait là-bas. J’ai honte», répétera Sana, en larmes, à qui il est surtout reproché d’être apparue sur des photos armée d’une kalachnikov. Elle affirme avoir «tourné la page» et «être heureuse» d'avoir aujourd'hui «retrouvé une vie normale» avec sa fille.

Lundi, le chef de famille, Farid Rettoun, avait eu du mal à expliquer au tribunal sa passivité face aux départs pour le jihad de ses deux fils, les messages d’encouragements qu’il leur a envoyés une fois sur place et l’aide apportée à plusieurs jeunes Françaises désireuses de partir en Syrie pour se marier avec ses fils, dont Sana.

«Je ne voulais pas que (mes fils) coupent les liens avec moi», a-t-il plaidé, admettant : «Je n'ai pas réussi mes objectifs en tant que père».

La cour continuait dans l’après-midi à examiner leur personnalité, avant réquisitions et plaidoiries. Le jugement devrait intervenir dans la soirée.

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