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Simone Veil au Panthéon : «Elle a prêté sa voix aux sans-voix», estime Jocelyne Sauvard, biographe

L'ancienne ministre de la Santé Simone Veil à Paris, en 2007. [Franck FIFE / AFP]

Rescapée des camps d'extermination, inlassable militante des droits de l'Homme, ministre ayant dépénalisé l'IVG, Présidente du Parlement européen... La vie de Simone Veil se confond avec les combats du XXe siècle. 

A l'occasion de la panthéonisation de cette icône française et de son époux Antoine ce dimanche 1er juillet, Jocelyne Sauvard réédite sa biographie, qui lui rend hommage, «La force de la conviction». Entretien.

«Aux grands hommes, la patrie reconnaissante». En quoi le Panthéon reste-t-il le plus beau des hommages pour simone veil ?

Tout d'abord, parce que Simone Veil est la cinquième femme à y entrer, au côté notamment de la chimiste Marie Curie et de la résistante Germaine Tillion.

Simone Veil est ensuite, comme je l'appelle dans mon ouvrage, «la femme de la situation » : elle n'a eu de cesse de lutter pour la vie, la sienne, celle de sa mère et de sa sœur. 

Durant toute son existence, elle s'est battue pour une justice juste, en Algérie comme en France.

Son combat qui a le plus marqué les esprits reste l'IVG. Il faut se souvenir qu'à l’époque, près de 300 000 femmes subissaient chaque année un avortement. C’était dramatique. Malgré la prolifération d’insultes racistes et antisémites, elle a réussi à imposer cette loi.

Mais, Simone Veil est aussi une Européenne dans l’âme, elle s’est battue pour le Parlement européen. Elle a été l’une des premières à pourfendre le viol comme arme de guerre.

Elle s’est ensuite consacrée au devoir de mémoire, allant à la rencontre d’écoliers et de lycéens pour leur parler avec douceur et vérité. En somme, Simone Veil a prêté sa voix aux sans-voix, à tous ceux qui sont partis.

L'un de ses autres combats a été l'éducation des jeunes filles...

Simone Veil s'est en effet toujours engagée en faveur de l'éducation pour tous, y compris auprès des détenues. 

Elle prônait la nécessaire indépendance des femmes. Une émancipation passant, d'après elle, par le travail. C'est un enseignement de sa mère, qui même dans les camps d'extermination, lui répétait combien il était important pour une jeune femme de s’instruire, de se cultiver.

Si elle n’était pas féministe au sens propre, militant, elle a toujours été à l’écoute et solidaire des femmes.

Est-ce pour cela qu'elle a été de nombreuses années parmi les personnalités préférées des Français ?

Oui, elle était encore en deuxième position en 2017. Cet attachement des Français, nous l'avons observé lors de sa disparition le 30 juin 2017, où l'Hexagone a été traversé par une vague d’amour. Tout le monde a été bouleversé.

«Au cœur de la politique, vous offrez une image républicaine et morale», disait d’elle Jean d’Ormesson...

C'est vrai. Elle est une femme de droit, en quête de justice. Simone Veil a toujours été une révoltée, une rebelle.

Déjà en décembre 1992, elle déplorait l’absence des femmes au Panthéon, comme étant la négation de «ce que les femmes ont fait, pour le pays et l’avenir».

Malgré tout, elle ne s’attendait pas à reposer au Panthéon et ne recherchait pas les honneurs. Mais, c’est très important pour la France qu’elle y entre.

simone veil a connu tant d'épreuves, tant de douleurs. comment-a-t-elle trouvé la force de lutter ?

C'est vrai. Son père et son frère ne reviendront jamais de Lituanie. Puis, dans les camps, sa mère est emportée par le typhus.

Elle perd sa sœur sept ans après les camps dans un accident de voiture. Puis, connaît le chagrin terrible de perdre son fils Nicolas.

Quand son mari Antoine décède en 2013, c'est son compagnon de 67 ans qui s'en va. Ils ont vécu une grande histoire d'amour. Ils ne se sont jamais quittés. Lui l'a toujours soutenu dans sa carrière. 

Est-ce que ces disparus l’ont hanté toute sa vie ?

Elle y a toujours pensé. Au début, les gens étaient sourds aux camps, elle est parvenue à en parler publiquement, mais pudiquement, quand elle devenue ministre de la Santé.

Puis, elle a évoqué cette tragédie plus longuement, quand elle s’est occupée du devoir de mémoire dans les années 2000, avant de  coucher ses souvenirs dans des Mémoires. Tous ses proches disaient qu’elle abordait le souvenir des camps, avec mesure et distance.

Vous parlez d’un mystère Veil...

Elle est en effet mystérieuse et fascinante. En se penchant sur les archives vidéo, quand on la voit arriver sur un plateau en compagnie d’autres pontes comme Georges Marchais, elle apparaît posée, avec sa voix calme, son regard vert, elle les mettait tous au tapis !

Elle est imperturbable, précise dans ses mots. On ne voit qu’elle.

Comment avez-vous construit vore ouvrage ?

J’ai toujours admirée sa force, mais j'ai du beaucoup me documenter. J’ai ensuite acccumulé les documents et témoignages des proches.

Quand, à la première publication de la biographie en 2012, son époux m’a dit : «c’est très juste ce que vous écrivez. Je reconnais ma femme», c’était le plus beau compliment.

En réalité, il est impossible de travailler sans émotion, sans empathie sur le destin de Simone Veil.

Depuis ce travail, il n’y a pas un jour sans que je pense à elle.

«Simone Veil, la force de la conviction», de Jocelyne Sauvard, Poche, 7,80 euros.

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