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Ouragan Irma : la situation reste encore «très fragile», estime la Fondation de France

Axelle Davezac, directrice générale de la Fondation de France. [Capture Twitter / @FondationFrance]

Il y a un an, les îles françaises de Saint-Martin et Saint-Barthélemy étaient ravagées par l'ouragan Irma. En première ligne depuis les premiers jours pour porter assistance aux sinistrés, la Fondation de France présentait, ce mercredi 5 septembre, un bilan de ses actions.

Après le passage du cyclone, les 5 et 6 septembre 2017, l'organisation philanthropique a récolté 14,5 millions d’euros de dons, dont 10 ont été engagés dans au moins 49 projets en partenariat avec les acteurs locaux. 

La plus grande partie de cette somme (85 %) a été investie dans la partie française de Saint-Martin, le territoire le plus touché.

Axelle Davezac, directrice générale de la Fondation de France, Karine Meaux, en charge du programme Solidarités internationales et urgences, et Mélanie Hubault, en charge de projets Santé et de l'aide aux victimes, font le bilan de cette année déterminante et nous éclairent sur l'ampleur de la tâche encore à accomplir.

Comment décririez-vous la situation sur place, un an après les événements ?

[Axelle Davezac] Je dirais que Saint-Martin se remet petit à petit. Nous sommes dans une situation intermédiaire où les habitants voient leur île se reconstruire mais où la situation reste encore très fragile.

Principalement pour deux raisons : d'abord parce que beaucoup reste à faire et il faut donc continuer les efforts dans la durée, que ce soit au niveau des habitations, mais aussi dans la vie en générale comme dans le commerce, car sans économie perrenne, pas d’emploi, donc pas de rentrée d’argent.

Mais la situation reste aussi très fragile au niveau des habitants eux-mêmes dont certains, qui ont beaucoup de mal à se remettre de la catastrophe, ont développé au fil des mois des états de stress post-traumatiques.

Nous sommes en tout cas convaincus que, pour aider les habitants, il faut aider les acteurs de terrain, car ce sont eux qui connaissent le mieux leur île

Un an après quelle est la proportion de personnes qui rencontrent des problèmes d’habitat ?

[Karine Meaux] Il n’y a pas eu d’étude exhaustive menée spécifiquement sur Saint-Martin. En revanche, la délégation interministérielle à la reconstruction à Saint-Martin et Saint-Barthélemy a mené une étude juste avant l’été sur un panel de 3.000 personnes.

Selon cette dernière, au total, 15 % des constructions habitées se trouvent encore dans des conditions totalement insalubres et dangereuses. Cela concernerait entre 2.500 et 3.000 familles.

La Fondation de France travaille notamment avec les Compagnons bâtisseurs, une association métropolitaine qui aide des familles vulnérables à Saint-Martin à réparer leurs toitures et leurs charpentes.

Nos partenaires sont intervenus directement sur une cinquantaine de maisons et sur une centaine par le biais de la formation ou de distribution de matériel ou d’outillage. On est donc bien loin des 2.500 ou 3.000 foyers en attente d’un «coup de pouce», voire d’une réhabilitation totale.

Pensez-vous justement pouvoir aider toutes ces milliers de familles identifiées comme vulnérables ? 

[Karine Meaux] En théorie, les formations qui sont offertes par nos partenaires, et qui ont lieu tous les samedis, sont ouvertes à l’ensemble de la population, donc nous souhaitons vraiment pouvoir aider un maximum de personnes.

D'autant plus que, jusqu’à présent, ces formations n’étaient offertes que sur un seul quartier, celui d’Orléans à Saint-Martin. Depuis cette rentrée, les Compagnons bâtisseurs commencent à déployer d’autre centres de ressources, notamment à Sandy Ground (un quartier périphérique de Saint-Martin, ndlr).

Cela va donc pouvoir aider à démultiplier les savoirs de formation, de prêt d’outillage, de conseils auprès des habitants. Tout le monde peut y venir pour s’outiller, se renseigner et se former pour reconstruire sa maison

Et pour les personnes les plus vulnérables on devrait encore pouvoir intervenir sur 100 à 120 maisons dans l’année qui vient.

Bien sûr, on voudrait pouvoir faire plus mais malheureusement les coûts sont très élevés à Saint Martin et, la demande étant très forte partout dans la région, le coût des matériaux est très élevé et les artisans, peu nombreux, sont très demandés

Dans combien de temps peut-on espérer que tous les habitants de Saint-Martin soient relogés dans de bonnes conditions ?

[Karine Meaux] C’est difficile à dire. Au-delà des difficultés matérielles que je viens de vous exposer, il y a aussi la problématique de tous les habitants qui sont partis et qui ne sont pas revenus.

Il y a aussi le fait que beaucoup de véhicules sont détruits, endommagés ou sans propriétaire connu, nous empêchant d'intervenir. Ce qui retarde aussi l’avancée des travaux.

On table sur quatre à cinq années de travaux pour que l’essentiel soit réhabilité. Cela sauf si une nouvelle grande catastrophe venait à se produire demain et c’est pour cela que nous devons travailler tous ensemble pour prévenir un maximum les prochains risques, que ce soit l’Etat avec ses moyens, la collectivité avec les siens et nous en soutien des associations locales.  

Ceci dit, je tiens vraiment à dire que cela ne fait pas de Saint Martin une île invisitable ou totalement inhabitable. Une autre façon de soutenir les sinistrés c’est d’aller sur place et, ce qui est certain, c’est que la population locale attend le retour du tourisme avec une grande impatience.

Vous évoquiez, tout à l'heure l'état de stress post-traumatique de certains habitants de Saint-Martin. Pourquoi cet état peut-il mettre du temps à se manifester et comment cela se traduit-il ?

[Mélanie Hubault] Ces états de stress post-traumatiques, comme c'est le plus souvent le cas dans ce genre de situation, sont apparus six mois après le passage de l'ouragan. 

Au moment du passage du cyclone, les habitants étaient d'abord dans une situation d'urgence. Celle de manger, de trouver de l'eau potable et de trouver un toit. Ce n'est donc pas forcément le moment où on se dit "je vais mal". 

Bien souvent les gens sont dans une sorte de sidération qui va figer le trauma. C'est pour cela qu'il n'est pas rare d'avoir ce décalage dans le temps.  

Après, pour ce qui est dans la réaction du traumatisme, celle-ci n'est pas la même en fonction des individus. Il y a toutefois certains marqueurs qui sont systématiques.

Lesquels par exemple ?

[Mélanie Hubault] Cela se traduit par des situations de fortes réminiscences de la scène traumatique. Le monde s'arrête de tourner et les gens revivent la scène. Le souvenir de la catastrophe vient occuper toute la place dans leur tête, parfois pendant plusieurs minutes. Ce sont donc des états de très forte anxiété.

On retrouve aussi des troubles du sommeil et des cauchemars extrêmement violents et cela peut engendrer une grande fatigue physique, voire un isolement social car les personnes sont incapables de sortir de chez elles tellement l'angoisse est forte. 

Autant de réactions qui, parfois, peuvent conduire les victimes à développer un phénomène d'addiction à certaines substances, ou adopter des comportements à risques, voire même devenir violentes.

Avez-vous justement des statistiques à ce sujet ?

[Mélanie Hubault] Nous n'avons pas la possibilité, aujourd'hui, d'avoir un état des lieux précis. D'une part parce qu'il y a un manque cruel de dispositifs d'assistance à ce public, donc on sait qu'on passe sûrement à côté de beaucoup de personnes en souffrance, et, d'autre part, parce que ce sont souvent ces personnes qui ont le plus de mal à demander de l'aide. 

Des études ont toutefois établi qu'après des catastrophes naturelles, généralement 10 % des victimes développent un stress post-traumatique. Cela ne touche donc pas tout le monde, mais il y a une anxiété générale dans la population. D'autant que la saison cyclonique bat actuellement son plein.

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