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France ou Kanaky, la Nouvelle-Calédonie va faire son choix

Un enfant porte un drapeau indépendantiste calédonien lors d'un meeting du FLNKS à Nouméa, le 30 octobre 2018 [Theo Rouby / AFP/Archives] Un enfant porte un drapeau indépendantiste calédonien lors d'un meeting du FLNKS à Nouméa, le 30 octobre 2018. [Theo Rouby / AFP/Archives]

La France ou la «Kanaky» ? C'est le choix que font dimanche les électeurs de Nouvelle-Calédonie, petit territoire stratégique de 270.000 habitants dans le Pacifique, lors d'un référendum historique où les sondages prédisent la victoire du non à l'indépendance.

Près de 175.000 électeurs de cet archipel français colonisé en 1853 et disposant d'importantes réserves de nickel devront dire s'ils veulent «que la Nouvelle-Calédonie accède à la pleine souveraineté et devienne indépendante».

Ce référendum, qui vient ponctuer 30 ans de décolonisation progressive, est attentivement surveillé par Paris, à 18.000 km de là, et Emmanuel Macron s'exprimera à la télévision à 13H00 dimanche (23H00 heures locales) à l'issue de la proclamation du résultat.

«Je ne prendrai pas parti dans ce référendum», avait déclaré le Président en mai lors de sa visite à Nouméa, soucieux de ne pas s'immiscer dans la campagne, ajoutant toutefois que «la France serait moins belle sans la Nouvelle-Calédonie».

Ce référendum, prévu par l'accord de Nouméa signé en 1998, est destiné à poursuivre le travail de réconciliation entre Kanak, peuple autochtone du territoire, et Caldoches, population d'origine européenne, entamé avec les accords de Matignon en 1988. Ces derniers avaient été signés après les violences des années 1980 qui avaient culminé avec la prise d'otages et l'assaut de la grotte d'Ouvéa en mai 1988, faisant au total 25 morts.

Elie Poigoune est une figure historique de la cause kanak. S'il votera oui à l'indépendance, il veut toutefois garder des liens avec la France. Photographié le 1er novembre 2018 lors d'un entretien avec l'AFP. [Theo Rouby / AFP]
Elie Poigoune est une figure historique de la cause kanak. S'il votera oui à l'indépendance, il veut toutefois garder des liens avec la France. Photographié le 1er novembre 2018 lors d'un entretien avec l'AFP. [Theo Rouby / AFP]

Pour le Premier ministre Edouard Philippe, qui arrive sur le Caillou dès le lendemain du scrutin, ce référendum marque «le début de la Nouvelle-Calédonie qui veut construire un avenir».

A la veille du scrutin, Nouméa et ses alentours, qui concentrent les deux tiers de la population, restaient particulièrement calme.

«Campagne très calme»

Si dans les provinces du Nord et des Iles loyauté, à majorité kanak, les partisans de l'indépendance ont pavoisé de leur drapeau routes et arbres, les pro-France affichent peu le fanion bleu-blanc-rouge.

Xavier Moutier, jeune Caldoche de 19 ans venu de Bourail (ouest), a exhibé le sien sur son pick-up. «Ils se gênent pas pour mettre leur drapeau kanak, il faut qu'on montre le nôtre, pour dire qu'on ne se laissera pas marcher dessus», dit-il.

Dans les rues, certains n'avaient toujours pas fait leur choix, comme Sholin, technicien de 21 ans, qui verra «le jour J». Une autre électrice espère que «Dieu guide (son) choix».

Nouvelle-Calédonie [Selim CHTAYTI / AFP]
Nouvelle-Calédonie [Selim CHTAYTI / AFP]

«C'est un événement historique que tout le monde a souhaité, mais paradoxalement, l'enjeu a perdu de son intensité», note Pierre Christophe Pantz, docteur en géopolitique. «La campagne a été très calme, le référendum ne suscite pas d'engouement, les enjeux se sont banalisés», notamment parce que «les Calédoniens pensent que cela ne va pas changer leur quotidien», mais aussi parce que les sondages prédisent une large victoire du non, dans une fourchette de 63 à 75%.

Pour Paul Fizin, docteur en histoire, «si le taux d'abstention est fort, il mettra en évidence que le projet indépendantiste n'a pas irrigué dans toute la société».

Inégalités criantes

Soumynie Mene, militante indépendantiste de 38 ans, juge «dommage que la population ne se sente pas concernée par un référendum qu'on prépare depuis 30 ans», jugeant qu'il est pourtant «temps de tourner la page de la colonisation».

En cas de victoire du oui, le FLNKS a souligné qu'il ne souhaitait pas une rupture avec la France, mais une indépendance en partenariat avec la France, qui pourrait prendre la forme d'un Etat associé.

Trois partis loyalistes, très divisés, défendent le maintien dans la France, Calédonie ensemble (droite modérée), le Rassemblement LR et les Républicains calédoniens. Ils mettent en avant la protection de la France et les 1,3 milliard d'euros d'aides annuelles de la France. Ils espèrent que ce premier référendum sera aussi le dernier alors que l'accord de Nouméa prévoit la possibilité de deux autres consultations dans les quatre ans.

Pour Paul Fizin, en dépit de trente années de rééquilibrage économique et social en faveur du peuple premier, les inégalités restent criantes. Echec scolaire, chômage élevé, habitat précaire... «il y a encore des problèmes d'intégration et un sentiment d'injustice prégnant dans la société kanak», dit-il.

Une partie de la jeunesse kanak, marginalisée, a sombré dans la délinquance. Les deux camps craignent leur réaction si le non l'emporte. Dans cette optique, la vente d'alcool dans les commerces a été interdite ce week-end, les effectifs de gendarmerie ont été renforcés et le camp S, prison de Nouméa, a renforcé sa capacité d'accueil.

Les états-majors politiques ont recommandé la discrétion à leurs militants. Mais rien ne dit que certains pro-français n'iront pas fêter ostensiblement leur victoire annoncée.

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