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Gilets jaunes : l'immigration exclue du débat national

L'immigration a été ramenée au rang de sous-thème du débat. [LUCAS BARIOULET / AFP]

Ce devait être le cinquième pilier du grand débat local organisé à la suite de la crise des «gilets jaunes»: l'exécutif a finalement réduit la place de l'immigration dans la concertation de trois mois, après des critiques dans la majorité et du patron de la CFDT Laurent Berger.

Prévue pour commencer en théorie ce samedi, cette grande concertation tarde quelque peu à se mettre en place, même si on sait déjà que l'exécutif veut s'appuyer fortement sur les maires et organiser de très nombreuses déclinaisons locales. 

«Tous les détails» seront donnés «la semaine prochaine», afin que le débat puisse se tenir «dans les meilleurs délais», a assuré vendredi le président Macron depuis Bruxelles.

Si la façon d'associer les «gilets jaunes» reste une des inconnues, un premier débat dans le débat s'est tenu au sein du gouvernement et de la majorité cette semaine sur la place qu'y occupera le sujet sensible de l'immigration, ajoutée lundi par Emmanuel Macron lors de son allocution télévisée au menu des discussions.

«Je veux que nous mettions d'accord la nation avec elle-même sur ce qu'est son identité profonde. Que nous abordions la question de l'immigration», avait alors dit le chef de l'Etat.

Mercredi, dans le compte-rendu écrit du Conseil des ministres, préparé avant la réunion de l'exécutif, la question figurait noir sur blanc avec les quatre autres débats (transition écologique, fiscalité, organisation de l'Etat, démocratie et citoyenneté): «Quelles sont les attentes et les inquiétudes des Français relatives à l'immigration, dans un contexte de mondialisation et de laïcité parfois bousculée ?»

Mais dans le huis clos du Conseil des ministres présidé mercredi par Emmanuel Macron, il est finalement décidé de ramener le sujet au rang de sous-thème, tout en le maintenant à l'ordre du jour.

«Politique de l'autruche»

A la sortie du Conseil, le porte-parole du gouvernement Benjamin Griveaux explique qu'il y aura quatre thèmes et que l'immigration sera abordée dans le cadre de la question sur la démocratie et la citoyenneté.

«Ce sujet il ne faut pas l'éviter, parce que les gilets jaunes en ont fait un sujet. Mais ne pas le traiter à part. Si on en fait un sujet à part, on en fait un totem, or on sait que c'est un débat sensible», souligne-t-on à Matignon.

Pas question d'abandonner le sujet pour autant, assure le gouvernement. «Ceux qui pensent qu'en ne parlant pas de quelque chose, on va éviter les problèmes, ceux-là se trompent», juge Benjamin Griveaux, appelant à «ne pas faire la politique de l'autruche». «Nous, on mettra sur la table les sujets dont on ne veut pas qu'ils soient instrumentalisés par d'autres.»

Directement visée, Marine Le Pen accuse, elle, le gouvernement d'avoir «retiré» l'immigration des thèmes du débat national «car il connaît parfaitement l'opposition farouche des Français à une aggravation de l'immigration». «Plus du déni mais de la censure», tempête la dirigeante du Rassemblement national.

A l'inverse, la présence de l'immigration passe mal parmi les syndicats et les associations antiracistes, qui redoutent une «stigmatisation» des étrangers.

Le débat sur «l'identité nationale» organisé en 2009 sous l'ère Sarkozy, au sujet duquel Edouard Philippe a rappelé mercredi soir qu'il «ne s'était pas bien passé», avait été marqué par de nombreux dérapages.

Premier syndicat français, la CFDT a dénoncé, par la voix de son dirigeant Laurent Berger, le choix de débattre de l'immigration comme «incompréhensible et dangereux, alors que l'enjeu est clairement la justice sociale». Des craintes auxquelles se sont associés publiquement plusieurs députés de la majorité, comme Aurélien Taché ou Matthieu Orphelin.

La décision d'Emmanuel Macron d'inclure l'immigration et l'identité dans le débat avait d'autant plus surpris que le chef de l'Etat lui-même avait par le passé semblé l'exclure.

«Le débat sur l'identité est un débat circulaire qui ne mène nulle part quand ce débat se replie sur soi (...) Nous ne pouvons régler ce problème qu'en essayant de le dépasser», disait-il ainsi lors d'un échange avec des étudiants à Francfort en octobre 2017. 

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