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Gérald Darmanin : «L'impôt à la source s'adapte à notre vie»

En première ligne concernant la mise en place du prélèvement à la source, le ministre de l’Action et des Comptes publics, Gérald Darmanin, est confiant.

Une révolution pour les contribuables. Après trois ans de préparation et d’hésitations, le prélèvement à la source est devenu une réalité le 1er janvier. Pilotée par Gérald Darmanin, cette réforme du paiement de l’impôt sur le revenu sera visible pour une majorité de Français à la fin du mois, lorsqu’ils recevront leur fiche de paie. Suscitant les craintes de certains contribuables, inquiets pour leur pouvoir d’achat, elle s’inscrit au contraire, pour le responsable politique, dans une logique de «simplification».

Quels sont les avantages du prélèvement à la source, comparé à l’ancien système ?

L’impôt s’adapte à notre vie. Aujour­d’hui, on le paye au moment où l’on touche son revenu, et non plus avec un an de décalage comme avant. L’ancienne méthode posait des problèmes aux gens en intérim, en CDD, qui perdaient leur emploi ou partaient en retraite, qui se mariaient, divorçaient, avaient un enfant, car ils devaient payer un impôt sur un revenu ou une situation de famille qui avait changé. Cela créait des problèmes de trésorerie, comme du surendettement ou parfois même l’obligation de contracter un crédit à la consommation pour payer l’impôt.

Avec le prélèvement à la source, le contribuable sait exactement à la fin du mois quel est son revenu. Il ne se pose pas la question de savoir comment ça se passera au tiers prévisionnel ou à la rentrée de septembre lors de la régularisation, et il peut mettre à jour sa situation à tout moment de l’année. C’est donc une avancée de simplification pour les Français.

Qu’en est-il pour l’Etat ?

Cette réforme permet de mieux lutter contre la fraude fiscale. Avec le prélèvement à la source, nous allons rattraper les hauts revenus qui ne faisaient pas de déclaration. Ainsi, nous comptons améliorer son taux de recouvrement, qui est aujourd’hui de 98 %.

Si nous réussissons à l’augmenter d’un point, sachant que cet impôt rapporte à l’Etat plus de 70 milliards d’euros par an, cela ferait plus de 700 millions d’euros de recettes en plus, le tout sans augmenter les impôts, juste en faisant payer ceux qui fraudaient ou ne payaient pas leur dû.

Comment se passe la mise en place de la réforme ?

Elle se passe bien, comme prévu. La fusée est partie bien droite. Nous avons déjà prélevé à la source beaucoup de Français, près de 20 millions, comme les retraités, les personnes percevant des indemnités chômage et celles qui ont une paie décalée, et nous l’avons fait sans difficulté particulière. Je suis confiant pour la fin du mois, lorsque le reste des Français sera prélevé à la source, car le système fonctionne très bien. Je sais qu’il n’y aura pas de bug.

Les Français se sont-ils appropriés la réforme ?

Le nombre d’appels sur le numéro de téléphone à disposition des contribuables pour répondre à leurs questions au sujet du prélèvement à la source (0 809 401 401, ndlr) a baissé de 79 % entre le 2 et le 15 janvier. Un million de personnes sont déjà allées sur le site internet impots.gouv.fr pour modifier leur taux, leur acompte ou déclarer un changement de situation, ce qu’ils peuvent faire tout au long de l’année.

Le nouveau système ne manque donc pas de lisibilité pour les contribuables. Les sondages d’opinion montrent qu’ils y sont très favorables. Tout est simple, clair, automatique. Après, il faut continuer à expliquer aux Français comment cela fonctionne.

Cette réforme peut-elle alimenter la colère des gilets jaunes, dont certains ont peur qu’elle ne rogne leur pouvoir d’achat ?

Je ne le crois pas. Le mouvement des gilets jaunes est indépendant du prélèvement à la source. De plus, ce n’est pas une réforme qui baisse ou qui augmente l’impôt, mais qui permet la simplification de son paiement. Elle va donc dans le sens des volontés des Français, en particulier de ceux qui portent un gilet jaune, qui souhaitent que l’Etat simplifie leur vie. Elle signifie moins de complexité et de paperasse.

Craignez-vous toutefois une baisse de la consommation, quand les Français verront leur paie amputée du montant de l’impôt ?

Non, car les Français savent qu’il faut payer des impôts. 60 % de ceux qui payent l’impôt sur le revenu étaient mensualisés, ces contribuables sont donc habitués à le verser en milieu de mois. Il faut également noter que seulement 45 % des Français paient l’impôt sur le revenu. Il ne faut donc pas tout voir sous l’angle du prélèvement à la source. Je crois même que la réforme va avoir un effet positif sur la consommation, car les gens comprendront que ce qu’ils auront sur leur compte en banque à la fin du mois est du «100 % net».

L’acompte sur les crédits d’impôt, versé le 15 janvier, est-il également une façon de pousser la consommation ?

Oui, c’est en effet une avance de trésorerie. Nous versons 60 % du montant des crédits et réductions d’impôt, comme ceux concernant l’emploi d’une nounou ou les dons aux associations, dès janvier, au lieu d’attendre septembre. Ce qui fait au total plus de 5 milliards d’euros distribués à quasiment 9 millions de contribuables, soit un montant moyen de 627 euros. Les Français ne font donc aucune avance de trésorerie à l’Etat, c’est l’inverse !

La déclaration d’impôt reste obligatoire. Pourquoi ?

C’est normal, et c’est le cas dans tous les autres pays qui ont mis en place l’impôt à la source, car l’administration fiscale ne sait pas tout sur tout le monde ! S’il n’y avait pas de déclaration d’impôt, tous les événements de la vie - un mariage, une naissance… - devraient être communiqués à l’Etat sans passer par le contribuable. Ce serait très intrusif. C’est la déclaration d’impôt qui garantit le respect de la liberté des citoyens.

Quel est justement le bilan de cette réforme dans les pays qui l’ont déjà mise en place ?

Ça se passe bien. En Belgique, par exemple, cela fait très longtemps qu’elle a été instaurée, et les habitants se demandaient pourquoi les Français ne l’avaient pas mise en place plus tôt. Dans tous les pays, l’impôt à la source n’a pas déprécié la consommation. Il l’a même parfois encouragée.

Cette mesure a évité la surépargne, c’est-à-dire le fait que les gens mettent plus d’argent de côté que nécessaire pour payer leurs impôts, ce qui bloque sur des comptes en banque des fonds qui devraient aller à la consommation.

Etes-vous favorable à un rétablissement de l’ISF, comme le réclament les gilets jaunes ?

Non, car c’est un impôt dangereux et inutile. Il empêche les entreprises de se développer, et va donc contre l’emploi. Nous étions l’un des seuls pays au monde à avoir un impôt sur la fortune, et personne ne l’a copié. Il y a sans doute une raison.

J’entends bien les Français qui demandent de la justice fiscale. Mais 10 % des contribuables paient aujourd’hui 70 % de l’impôt sur le revenu, donc nous avons déjà une grande redistribution. Et nous avons maintenu un impôt sur les plus grosses fortunes immobilières.

Etes-vous pour le maintien de la taxe d’habitation pour les 20 % des ménages les plus riches ?

Je suis favorable à la suppression à 100 % de la taxe d’habitation. En fait, je suis en général pour les baisses d’impôts. Ils sont nécessaires, car ils financent l’école, l’armée, les hôpitaux, mais trop d’impôts tue l’impôt.

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