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Gilets jaunes : que deviennent les figures du mouvement ?

Eric Drouet et Jérôme Rodrigues, leaders informels des gilets jaunes, le 30 janvier, lors d'une conférence de presse. Eric Drouet et Jérôme Rodrigues, leaders informels des gilets jaunes, le 30 janvier 2019, lors d'une conférence de presse. [© BERTRAND GUAY / AFP]

Priscillia Ludosky, Maxime Nicolle, Eric Drouet... trois ans après le début du mouvement des gilets jaunes, que sont devenues les figures de proue du mouvement né le 17 novembre 2018 ?

PRISCILLiA LUDOsky

Elle est la gilet jaune «originelle», celle qui a exprimé la colère de la France dite périphérique avant tous les autres. Dès le mois de mai 2018, en effet, Priscillia Ludosky avait lancé une pétition «pour une baisse du prix des carburants à la pompe», dont le nombre de signatures avait explosé l'automne suivant, et qui avait fini par impulser le mouvement de révolte.

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© Eric Feferberg / AFP

Aujourd'hui encore, cette pétition est active et totalise ce 19 novembre plus de 1.288.000 paraphes, faisant à jamais de son autrice l'un des principaux visages de la contestation. 

Depuis, cette auto-entrepreneuse de 36 ans a notamment participé à l'emblématique manifestation du 1er mai, 2019 à Paris, aux côtés des gilets jaunes et des syndicats.

«J'espère pouvoir continuer à me battre autrement, avec d'autres méthodes, par le biais du monde associatif par exemple. Je n'arrêterai pas de militer», avait-elle alors assuré au micro de franceinfo.

Une parole qu'elle a d'ailleurs tenue, entre autres sur les réseaux sociaux. Très active sur Twitter, suivie par plus de 26.000 personnes, elle n'hésite en effet pas à donner son opinion sur divers sujets ou à relayer les communiqués ou informations émanant d'associations ou collectifs citoyens.

En juin 2020, elle publiait un livre «Ensemble nous demandons justice, pour en finir avec les violences environnementales» (éd. Massot, 2020), co-écrit avec l'eurodéputée EELV Marie Toussaint.

Jacline Mouraud

Sa vidéo coup de gueule contre la hausse du carburant et la «traque des automobilistes» par l'Etat, publiée mi-octobre 2018, a été vue plus des millions de fois sur tous les réseaux sociaux et à la télévision.

Hypnothérapeute de profession, devenue égérie de la fronde populaire, Jacline Mouraud avait ensuite lancé, en janvier 2019, son mouvement politique, baptisé «Les Emergents». Un parti «du bon sens, sans étiquette», avait-elle alors défendu la quinquagénaire bretonne, avec dans le viseur les Européennes de 2019 et les municipales de 2020. 

Sauf que, fin avril 2019, plusieurs de ses membres avaient annoncé leur départ du mouvement, mettant en cause «le culte de la personnalité» de la fondatrice. «Absence de concertation, directives confuses, manque de transparence financière et relationnelle... Elle a mis un logo avec un M en allusion à Mouraud», pouvait-on lire dans un communiqué signé par les anciens secrétaire, trésorier et conseiller presse du parti.

La gilet jaune avait alors dit «prendre acte» de cette vague de démissions. En outre, déçue des annonces post-grand débat d'Emmanuel Macron, elle avait fait savoir sur Europe 1 qu'elle voterait blanc au scrutin européen du 26 mai 2019. Interviewée le 30 septembre de la même année par le site Bretagne Actuelle, elle avait indiqué que Les Émergents avaient maintenant «évolué en groupe de soutien, réflexions politiques et citoyennes.»

Laissant planer le doute sur ses ambitions électorales, elle avait assuré «rester fidèle à (ses) convictions» et qu'elle faisait «de la politique avec cœur, empathie, mais aussi et surtout avec de la bienveillance pour les gens et le pays.»

Un message fédérateur qui ne serait visiblement pas passé pour les municipales de 2020. La militante a vu son rêve de devenir mairesse de la petite ville de Bohal (Morbihan) s'envoler. En cause : la liste qu'elle comptait conduire l'a tout simplement rejetée.

Aujourd'hui, Jacline Mouraud fait toujours parler d'elle. Elle a annoncé cette année sa candidature pour la présidentielle de 2022.

Son ambition pourrait cependant se heurter aux 500 parrainages d’élus. 

Eric Drouet

Discret, Eric Drouet a cependant également fait part de sa candidature pour la présidentielle de 2022. En 2019, il avait pourtant fait savoir qu'il jetait l'éponge de la vie publique.

Devenu l'un des leaders de la lutte «jaune», Eric Drouet avait annoncé son retrait du mouvement. Une décision prise quelques jours auparavant après l'annulation de l'invitation au Sénat d'une délégation de gilets jaunes dont il faisait partie.

«Mode pause pour moi, voire plus peut-être, trop de menaces sur ma famille, trop de haineux, trop de foulards rouges, trop de mépris, trop d'insultes, je suis fatigué, désolé», avait alors écrit le chauffeur poids lourd, alors âgé de 34 ans, sur Facebook. Et de préciser : «Tout n'est pas fini, mais là je suis au bout de mes forces. Et c'est même pas le gouvernement le plus fatiguant dans tout ça !!»

L'histoire qui lie Eric Drouet aux gilets jaunes ne semblait en effet pas complètement terminée, puisqu'il n'avait eu de cesse de participer régulièrement à plusieurs samedis de mobilisation depuis cette sortie.

Lors de l'acte 45, le 21 septembre 2019, il avait d'ailleurs été verbalisé pour participation à une manifestation non autorisée. Le 29 mars précédent, il avait déjà écopé de 2.000 euros d'amende pour organisation d'une manifestation sans déclaration préalable à Paris, le 22 décembre 2018 et le 2 janvier 2019. 

Par ailleurs, toujours concernant la manifestation du 22 décembre 2018, Eric Drouet avait été interpellé en possession d'un bâton de 30 centimètres dans son sac, une «matraque» qui lui avait valu d'être convoqué le 5 juin 2019 au Tribunal pour «participation à un groupement en vue de commettre des violences» et «port d’arme prohibé de catégorie D».

Le 4 septembre 2019, il avait été relaxé pour le premier chef d'accusation, les juges ayant estimé que c'est son interpellation qui a créé un climat de violence. Il avait toutefois été condamné à 500 euros d'amende avec sursis pour port d'arme prohibé.

Maxime Nicolle

Il est peut-être celui qui est resté le plus proche du mouvement. Adepte des «lives» sur les réseaux sociaux, Maxime Nicolle, alias «Fly Rider», était devenu l'une des figures incontournables des gilets jaunes. Cet ancien chauffeur intérimaire, se déclarant antisystème, a souvent été présenté par les médias comme flirtant avec des thèses complotistes.

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© Alain Jocard / AFP

Le trentenaire breton a ensuite été le client de l'avocat Juan Branco, autre contestataire médiatique connu pour avoir aussi défendu le fondateur de Wikileaks, Julian Assange.

Dans la foulée, Maxime Nicolle a sorti, en novembre 2019, un livre intitulé «Fly Rider, gilet jaune», préfacé d'ailleurs par Juan Branco, reprenant ainsi simplement le surnom qui lui avait été donné par les «GJ».

Très exposé médiatiquement, «Fly Rider» a depuis pris du recul et déménagé en Bretagne pour trouver du travail, a-t-il confié au média russe RT. 

Il reste très actif sur les réseaux sociaux où il est notamment suivi par plus de 21.000 personnes sur Twitter. 

Ingrid Levavasseur

Au départ porte-parole au profil très «gilet jaune» (aide-soignante trentenaire, mère célibataire de deux enfants et issue d'un milieu rural), c'est elle qui, la première, avait annoncé le 23 janvier 2019 un embryon de liste aux européennes – baptisée «Ralliement d'initiative citoyenne», en référence au RIC – dont elle prendrait la tête. Sous le feu des critiques, Ingrid Levavasseur s'était finalement rétractée le 13 février de la même année, annonçant ne plus vouloir participer aux manifestations à cause des violences.

Quelques semaines auparavant, en janvier 2019, elle avait déjà été victime d'insultes, de menaces de mort et de viol, puis agressée physiquement à deux reprises par des gilets jaunes, après l'annonce de sa participation en tant que chroniqueuse à la télévision.

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© Charly Triballeau / AFP

Bien qu'aujourd'hui loin du pavé, elle est néanmoins restée longtemps très critique de la politique gouvernementale. Comme en témoigne sa lettre ouverte – au vitriol – adressée au président de la République au lendemain de sa conférence de presse post-grand débat national.

En avril 2019, elle avait annoncé la création de deux associations : «Racine positives», pour venir en aide aux familles monoparentales, et «Eclosion démocratique», destinée à défendre différentes propositions sociales et écologiques «à chaque échéance électorale à partir des municipales de 2020».

A ce sujet, elle avait d'ailleurs annoncé qu'elle se présenterait sur la liste «Changer Louviers» pour l’élection municipale de Louviers (Eure) au scrutin de mars 2020.

Sa liste, menée par Philippe Brun, était arrivée deuxième, avec 18,23 % des voix. Elle avait obtenu 3 sièges au conseil municipal, le maire François-Xavier Priollaud ayant été élu au premier tour (52,19 % des votes).

Sur un plan plus personnel, l'ancienne figure du mouvement social avait également décidé de se livrer dans un livre autobiographique écrit en collaboration avec la journaliste Emmanuelle Anizon. L'ouvrage, intitulé «Rester digne», est autobiographique et décrit «une vie de luttes» (Ed. Flammarion). Il est sorti le 4 septembre 2019.

Jérôme Rodrigues

Il était l'une des figures des gilets jaunes à être invitée régulièrement sur les plateaux de télévision, avant d'annoncer, en août 2019, qu'il avait pris la décision de prendre du recul, et même de rejoindre une maison de repos

Avant cela, Jérôme Rodrigues, blessé à l'œil lors de l'acte XI à Paris, se disait plus que jamais engagé dans la mobilisation. Et ce, sans équivoque ni esprit de revanche, selon lui. Il avait d'ailleurs dénoncé «avec vigueur» les slogans «suicidez-vous» lancés aux policiers en marge d'un samedi de mobilisation.

Très actif sur les réseaux sociaux, proche d'Eric Drouet, il avait appelé à voter contre Emmanuel Macron aux européennes («quitte à ce qu'il finisse deuxième»), et surtout à se rendre aux urnes, car «l'abstention c'est voter Macron», avait-il invoqué.

Il avait dit, en outre, qu'il ne donnerait pas sa voix à la liste gilets jaunes conduite par Francis Lalanne, qu'il accusait de «récupération» (cette dernière, et celle du controversé Christophe Chalençon n'ont obtenu, à elles deux, qu'un peu plus de 0,5 % des voix).

Connu pour sa mobilisation chaque samedi, cet ancien commerçant, en reconversion pour devenir plombier, avait estimé que la mobilisation n'est pas en train de s'essouffler, contrairement à ce que laisseraient penser certains médias.

À la suite de la crise sanitaire, il avait assuré que les revendications des «gilets» étaient toujours d'actualité : «plus de moyens pour le service public et contre l’injustice sociale», a-t-il dit, en résumé.

Dernièrement, Jérôme Rodrigues a participé aux manifestations du 23 octobre contre la hausse du prix de l'énergie. Il reste également très actif sur Twitter où il compte plus de 25.000 abonnés. 

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