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«La fessée donnée à un enfant vient trahir une incapacité à trouver les mots», selon le psychologue Michael Stora

«Lorsque l'Etat se permet de s'immiscer dans quelque chose d'aussi intime et fragile que la relation parent-enfant, il dépasse son rôle», selon le psychanalyste. [© LOIC VENANCE / AFP]

Alors que le Parlement doit définitivement adopter, ce mardi 2 juillet, une proposition de loi visant à bannir les «violences éducatives ordinaires», comme la fessée, le psychologue et psychanalyste Michael Stora ne se dit pas convaincu de l'utilité de l'interdiction.

Quel est votre regard sur la fessée en tant que châtiment corporel ?

La gestion de l'autorité est, pour tout parent, un enjeu essentiel. Entre 2 et 3 ans, l'enfant passe par une phase proche de la «barbarie» : c'est l'âge où, après avoir été bercé dans une période fusionnelle, il apprend à dire non. Ce qui peut renvoyer les parents à leurs propres fragilités narcissiques, et certains en viennent alors aux mains. La fessée ou la gifle, vient paradoxalement trahir une incapacité à trouver les mots (ou le regard) susceptibles de calmer l'enfant. En tant que parent, user de la violence est un désaveu.

En intervenant sur la question, l'Etat est-il dans son rôle ?

Je suis gêné que cela rentre dans un texte de loi. Nous sommes à une époque où les parents sont épuisés, car depuis une trentaine d'années, il y a cette culture de l'hyperattention du bien-être de l'enfant. Ce qui fait que, lorsqu'un enfant s'ennuie ou n'obéit pas, les parents vont se sentir coupables. Lorsque l'Etat se permet de s'immiscer dans quelque chose d'aussi intime et fragile que la relation parent-enfant, il dépasse son rôle.

Dès lors, une loi peut-elle être efficace ?

Concrètement, je ne pense pas. Vous imaginez verbaliser une maman qui met une petite tape sur les fesses à son enfant ? Il y a certes des lois à forte valeur symbolique, mais au-delà de la législation, la prévention et le soutien à la parentalité seraient, selon moi, beaucoup plus utiles.

Que répondre à ceux qui disent «une bonne fessée n'a jamais fait de mal à personne», ou «c'est pour le préparer à la vie, qui est dure» ?

Nous sommes dans une société qui ne veut jamais hiérarchiser : on compare tout. Or, je pense qu'on ne peut pas mettre sur le même plan une petite fessée et une grosse gifle, ce sont deux choses totalement différentes. 

Une punition corporelle nuit-elle forcément à l'enfant ? La violence physique est-elle toujours à proscrire ?

Beaucoup de parents qui ont été violentés dans leur enfance jugent les châtiments corporels légitimes et normaux. C'est un problème de reproduction des schémas parentaux : par imitation, mimétisme, beaucoup de parents battants ont été eux-mêmes des enfants battus.

En outre, c'est contre-productif. Une gifle donnée à un enfant va paradoxalement l'exciter, car il va faire apparaître le parent comme faible : la violence est un aveu de faiblesse, et l'enfant le ressent. Cela peut être différent concernant la petite fessée sur une couche, mais globablement, la violence ne calme pas l'autre.

Pour un parent, comment asseoir son autorité autrement ?

Idéalement, l'autorité parentale se gère par la parole, et notamment la capacité à dire non. Ce qui est difficile car nombre de parents veulent avant tout être reconnus et aimés : c'est le monde à l'envers ! Et une loi anti-fessée ne viendra pas régler cette question-là. L'enfant n'a de cesse de tester les limites de ses parents, et ils peuvent repérer leurs failles. Il faut que le parent se sente à l'aise avec sa capacité à être autoritaire sans culpabiliser, c'est ça la clé.

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