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Lutte contre la haine en ligne : l'heure du vote de l'Assemblée nationale

La députée LREM Laetitia Avia, à l'Assemblée nationale, à Paris, le 3 juillet 2019 [STEPHANE DE SAKUTIN / AFP/Archives] Le texte de la députée de Paris Laetitia Avia passera à la rentrée au Sénat, en vue d'une adoption définitive rapide. [STEPHANE DE SAKUTIN / AFP/Archives]

Les députés sont appelés mardi à voter la proposition de loi LREM de lutte contre la haine sur Internet, un texte controversé qui contraint, malgré leurs réticences, les plateformes à agir, et hérissent les élus d'opposition.

La plupart des groupes politiques, de la majorité LREM-MoDem à LR et PS, devraient cependant se prononcer pour, envoyant un signal contre la cyber-haine. Les plus critiques devraient se partager entre abstention et vote contre, LFI en tête qui juge que «sous prétexte de responsabiliser les plateformes», la proposition de loi «déresponsabilise l’Etat».

Concluant deux journées intenses d'examen en première lecture, le scrutin est prévu en milieu d'après-midi.

Le texte de la députée de Paris Laetitia Avia passera à la rentrée au Sénat, en vue d'une adoption définitive rapide.

Mesure phare, sur le modèle allemand : plateformes et moteurs de recherche auront l'obligation de retirer les contenus «manifestement»  illicites sous 24 heures, sous peine d'être condamnés à des amendes allant jusqu'à 1,25 million d'euros. Sont visés les incitations à la haine, la violence, les injures à caractère raciste ou encore religieuses. La loi imposait déjà depuis 2014 un retrait, mais sans délai précis.

Au-delà, le texte prévoit une série de nouvelles contraintes pour les plateformes : transparence sur les moyens mis en oeuvre et les résultats obtenus, coopération renforcée notamment avec la justice, surcroît d'attention aux mineurs. Le tout sera contrôlé par le Conseil supérieur de l'audiovisuel.

«Nous avons réussi à construire une loi complète», se félicite Laetitia Avia, qui en a fait un combat personnel contre les «trolls» et «haters» la poursuivant depuis des années notamment pour la couleur noire de sa peau.

«Certes», sa proposition de loi, issue d'un rapport en lien avec le plan gouvernemental contre le racisme et l'antisémitisme, «ne va pas réduire à néant la haine sur Internet, mais elle exprime clairement que la représentation nationale ne renoncera pas et luttera sans relâche», fait valoir cette avocate de profession.

Un texte équilibré ? 

Alors que la France se veut à la pointe du mouvement mondial de régulation, le secrétaire d'Etat au Numérique Cédric O juge l'équilibre atteint entre liberté d'expression et efficacité.

Les plateformes ne devront pas se contenter de retirer tous les messages ou images signalés : elles devront faire en sorte d'éviter des retraits injustifiés ou excessifs, ont précisé les députés par amendement.

Un parquet et une juridiction seront spécialisés dans la lutte contre la haine en ligne, a aussi fait ajouter le gouvernement, à la grande satisfaction des députés de tous bords voulant remettre la justice au centre du dispositif.

Cela reste insuffisant aux yeux des députés LFI, Libertés et territoires ainsi que PCF, ces derniers dénonçant en particulier chez Facebook «la prétention d’une structure privée qui entend se comporter comme un Etat» - ce que la proposition de loi ne ferait que favoriser.

Hors Palais Bourbon, le texte a uni contre lui quantité d'acteurs parfois pour des raisons différentes, au nom des risques de «censure».

Dans une lettre ouverte, la Ligue des droits de l'Homme, la présidente du Conseil national du numérique et encore la présidente du Conseil national des barreaux ont plaidé que «le juge doit être au cœur tant de la procédure de qualification des contenus que de la décision de leur retrait ou blocage».

Défendant les droits de l'internaute, la Quadrature du Net s'alarme du fait que l'obligation de retrait pèsera autant sur les grandes plateformes comme Youtube et Twitter, «à l’origine du problème», que sur des opérateurs «sans activité commerciale» tel Wikipédia.

Les grandes entreprises du numérique elles-mêmes s'inquiètent de l'obligation de retrait, qui pourrait entraîner une cascade de polémiques et conflits juridiques.

Facebook, pourtant allié du gouvernement et d'Emmanuel Macron pour des règles pour la Toile, a fait part de son inquiétude. Le réseau social refuse de prendre «seul» et «dans un délai contraint» une décision de retrait.

«Ni libertaire, ni liberticide», Cédric O a promis un groupe de travail associant plateformes, société civile et magistrats pour «donner des indications» sur le tri des contenus litigieux.

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