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Vingt ans après, entre terre et mer, l'affaire Godard reste une énigme

Le patron-pêcheur Yvon Caroff indique le 19 décembre 2006 sur une carte marine l'endroit où il a repêché un fémur appartenant au docteur Yves Godard [FRED TANNEAU / AFP/Archives] Le patron-pêcheur Yvon Caroff indique le 19 décembre 2006 sur une carte marine l'endroit où il a repêché un fémur appartenant au docteur Yves Godard [FRED TANNEAU / AFP/Archives]

L'affaire Godard débute comme un rêve de vacances et s'achève comme un cauchemar: le 1er septembre 1999, Yves Godard loue un voilier à Saint-Malo (Ille-et-Vilaine) pour quelques jours en mer avec les siens. Le lendemain, le «Nick» est contrôlé par les douanes. Puis, plus rien: on ne les reverra jamais vivants.

Lui, Yves, 44 ans, médecin acupuncteur installé à Caen. Elle, Marie-France, 43 ans, secrétaire du cabinet. Une famille recomposée, discrète, avec deux enfants en commun, Camille, six ans, et Marius, quatre ans. Et deux enfants chacun d'une première union, alors adolescents, restés à terre.

En dehors de son travail, Yves Godard est membre de la CDCA, un syndicat de défense des commerçants et artisans dénonçant le poids du système fiscal et des cotisations sociales, syndicat auquel sont imputés à une époque des placements offshore.

Plaque du cabinet du docteur Yves Godard, mystérieusement disparu avec sa famille en 1999 [MYCHELE DANIAU / AFP/Archives]
Photo ci-dessus Plaque du cabinet du docteur Yves Godard, mystérieusement disparu avec sa famille en 1999 [MYCHELE DANIAU / AFP/Archives]

Le 5 septembre, le «Nick» ne revient pas à Saint-Malo comme convenu. Ce même jour, l'annexe du voilier est découverte, dérivant au large de l'île de Batz (Finistère).

Les jours suivants, les gendarmes procèdent à une perquisition au domicile familial, à Tilly-sur-Seulles (Calvados), à une vingtaine de kilomètres à l'ouest de Caen. Ils y découvrent d'importantes traces de sang qui s'avèrent similaires à celles trouvées dans le véhicule stationné à Saint-Malo par Yves Godard: le sang de Marie-France.

Le 10 septembre, une information judiciaire est ouverte contre Yves Godard pour homicide volontaire sur son épouse, suivie, le 13, par un mandat d'arrêt international.

Comme égrenés à l'image du petit Poucet, les mois puis les années qui suivent voient régulièrement apparaître des objets appartenant à la famille ou au voilier, de part et d'autres de la Manche, parfois au mépris des courants. Des objets qui semblent ne pas avoir souffert du long séjour en mer qu'ils sont censés avoir subi, comme s'ils avaient été jetés à l'eau peu avant leur découverte.

Ainsi le 14 décembre 2008, presque 10 ans après la disparition, un pêcheur à pied va découvrir la carte d'assuré social du Dr Godard sur l'Ile des Ebihens (Côtes-d'Armor)... en bon état.

La piste des os

Peu après la disparition, des signalements font état de la présence d'Yves Godard et de ses enfants sur l'île de Man et aux Hébrides. Les signalements vont ainsi se multiplier au fil des années, en Crète (Grèce) ou encore à Miami (Etats-Unis) et jusqu'en Afrique du Sud. En vain.

Photo de la maison de la famille Godard, prise le 11 septembre 1999 à Tilly-sur-Seulles dans le Calvados [MEHDI FEDOUACH / AFP/Archives]
Photo ci-dessus Photo de la maison de la famille Godard, prise le 11 septembre 1999 à Tilly-sur-Seulles dans le Calvados [MEHDI FEDOUACH / AFP/Archives]

Mais, le 6 juin 2000, premier coup de tonnerre: un chalutier remonte un morceau de crâne qui se révèle être celui de Camille. La découverte a été faite au large d'Erquy (Côtes-d'Armor), dans le secteur où le «Nick» avait été contrôlé par les douaniers neuf mois plus tôt.

Nouveau rebondissement, décisif cette fois-ci, six ans plus tard: la découverte, en septembre 2006 au large de Roscoff (Finistère), d'un tibia et d'un fémur identifiés comme étant ceux du Dr Godard.

Mais le drame n'est pas élucidé pour autant: ni le corps de la mère, Marie-France, ni celui du fils Marius, ni l'épave du «Nick» n'ont été retrouvés. Aucun mouvement de fonds n'a été enregistré sur les comptes de la famille après sa disparition.

«La seule hypothèse que l'on peut exclure est que la disparition de la famille s'explique par un simple accident de mer», écrira le parquet en septembre 2012 en clôturant l'affaire, après 13 ans d'enquête, 84 commissions rogatoires, et un dossier de 30 tomes.

L'un des seize dossiers sur l'affaire Godard photographié en 2006 dans le cabinet de Me Jean Mézerac, avocat de la famille de Marie-France Godard [MYCHELE DANIAU / AFP/Archives]
Photo ci-dessus L'un des seize dossiers sur l'affaire Godard photographié en 2006 dans le cabinet de Me Jean Mézerac, avocat de la famille de Marie-France Godard [MYCHELE DANIAU / AFP/Archives]

«On ne peut affirmer formellement qu'Yves Godard est l'auteur de l'homicide» de son épouse, avait déclaré en clôturant le dossier le procureur de la République de Saint-Malo de l'époque Alexandre de Bosschère.

Vingt ans plus tard, le mystère reste entier. Et toutes les hypothèses restent ouvertes: de la dispute conjugale qui tourne au coup de folie, du suicide déguisé pour échapper à des soucis financiers, à l'assassinat sur fond de paradis fiscaux. L'avocat de la famille de Marie-France Godard opte lui pour «le suicide maquillé en naufrage».

Aujourd'hui, seul le parquet a le pouvoir de rouvrir le dossier, clos en 2012, sur la base d'un témoignage solide, avant 2022.

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