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Qu'est-ce-que le chlordécone, le pesticide à l'origine d'un scandale sanitaire aux Antilles ?

Malgré l'arrêt de son utilisation, les Antilles restent contaminées car la molécule du chlordécone est très résistante. [Eduardo Soteras / FAO / AFP]

L'association Vivre et le CRAN (Conseil représentatif des Associations Noires) attaquent l'Etat, via une action en justice, pour le préjudice moral causé par le chlordécone.

Ce pesticide cancérigène interdit depuis 1993, suscite l'inquiétude parmi la population antillaise, principale victime de son utilisation. La quasi-totalité des 800.000 habitants de la Guadeloupe et de la Martinique sont aujourd'hui contaminés par ce produit.

Invisible, la menace est pourtant omniprésente dans les Antilles.

Qu'est-ce-que le chlordécone?

Utilisé massivement dans les bananeraies en Guadeloupe et en Martinique pendant près de 20 ans, le chlordécone permettait de lutter contre les charançons de la banane, un insecte particulièrement néfaste pour les cultures. Or, ce pesticide avait été reconnu comme étant un perturbateur endocrinien neurotoxique et reprotoxique, c'est-à-dire pouvant altérer la fertilité. Il a été classé cancérigène dès 1979 par l'Organisation mondiale de la santé après l'intoxication d'ouvriers de l'usine Hopewell aux Etats-Unis en 1975. 

La France a attendu 1990 pour finalement l'interdire sur son territoire, sauf aux Antilles, qui ont bénéficié jusqu'en 1993 de dérogations pour son exploitation, signées de la main des ministres de l'Agriculture de l'époque.

un scandale sanitaire qui perdure

Malgré l'arrêt de son utilisation, les Antilles restent contaminées car la molécule du chlordécone est très résistante. Sa présence dans les sols est largement attestée, et risque de l'être encore pendant 600 ans.

Ce pesticide a ainsi contaminé les légumes-racines - à savoir les patates douces, les carottes ou encore les ignames - et des aliments qui peuvent se retrouver dans les assiettes antillaises surtout s'ils sont achetés via des circuits informels (autoproduction ou la vente en bord de route).

Et les études scientifiques menées dans les années 2000 ont démontré que ce pesticide avait également contaminé les rivières et une partie du littoral marin, touchant ainsi une partie des produits de la mer, obligeant les autorités à mettre en place des zones d'interdictions de pêche.

Des effets sur la santé 

Dès les années 2000, des lanceurs d'alerte ont dénoncé les effets néfastes du chlordécone pour l'homme. Cet insecticide est notamment soupçonné d'être responsable d'une explosion des cancers de la prostate aux Antilles, comme l'a révélé une étude de l'Inserm en 2010.

La Martinique tient notamment le record mondial du nombre de cancers de la prostate détectés. Et la Guadeloupe n'est pas très loin derrière. D'ailleurs, ce cancer serait deux fois plus nombreux et deux fois plus grave aux Antilles qu'en France métropolitaine, avec près de 500 nouveaux cas par an détectés.

Or, la nocivité du pesticide sur l'homme était connue dès 1975. Aux Etats-Unis, les ouvriers de l'usine chimique Hopewell qui travaillaient à la fabrication du chlordécone, ont développé de graves troubles neurologiques (trouble de la motricité, de l'élocution ou de la mémoire immédiate). Toutefois, ces troubles ont rapidement disparu chez les personnes contaminées, car le corps humain est capable d'éliminer la molécule en 165 jours, si elle n'est pas réabsorbée.

Un scandale d'état ?

Les élus et la population locale ne cessent de dénoncer ce scandale - qui a déjà fait l'objet de trois plans de prévention depuis 2008, et dont le dernier court jusqu'en 2020. Il vise à mieux connaître les effets sanitaires du chlordécone.

Le 28 juillet dernier, le président de la République a reconnu «les drames du passé et de nos responsabilités collectives», en citant le chlordécone lors de la présentation de sa politique pour les territoires d'Outre-mer. Ajoutant qu'il était «clair pour dire que nous continuerons le travail avec lucidité et détermination car on ne peut pas accepter les situations dans lesquelles nous sommes».

En septembre, deux associations antillaises, le CRAN et Vivre, ont décidé de passer à la vitesse supérieure en lançant une action collective contre l'Etat et invitent la population à les rejoindre en s'inscrivant sur un site spécialement ouvert pour cette démarche : chlordecone.mysmartcab.fr.

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