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Coût, niveau d'études, allocations, délinquance... Ces 6 idées reçues sur l'immigration

Une embarcation de migrants secourue par des membres des ONG SOS Méditerranée et MSF, le 10 août 2019. [© Anne CHAON / AFP]

Le gouvernement s’apprête à présenter, ce mercredi 1er février, son projet de loi immigration en Conseil des ministres. Défendu par le ministre de l’Intérieur, Gérald Darmanin, ce texte vise à «mieux réguler» l’immigration en France. Pourtant, cette thématique, souvent débattue dans l'Hexagone, charrie son lot de fantasmes et de clichés, qui ne résistent pas souvent à l'épreuve des faits.

«La France est envahie par les immigrés»

Immigration «de masse», «submersion» migratoire, théorie du «grand remplacement», vague «incontrôlée»... Nombreux sont les responsables politiques, en particulier à droite, qui brandissent haut et fort une supposée explosion de l'immigration depuis des années.

Si la population immigrée en France progresse en effectif et en pourcentage de la population totale depuis 1946 (elle correspond à 10,3 % de la population vivant en France en 2021, contre 7,4 % en 1975 et 5,0 % en 1946), elle progresse toutefois relativement lentement, et s'équilibre avec le taux d'émigration.

En témoignent notamment les chiffres du solde migratoire, c'est-à-dire à la différence entre ceux qui arrivent en France et ceux qui partent à l'étranger sur une année (soit la différence entre immigration et émigration) : il était de 169.000 en 2020, contre 163.000 en 2006, selon les chiffres de l'Insee, soit une très légère évolution. 

De même, bien que l'immigration clandestine ne soit pas prise en compte par les statistiques officielles, aucun chiffre ne permet de dire qu'elle a flambé ces dernières décennies. Quant aux détracteurs qui pointent une hausse de la population immigrée en incluant les enfants d'immigrés, ils sont tout simplement dans le tort : nés en France, ces derniers ne sont pas des «immigrés».

Concernant le fantasme de l'«invasion», certains pensent aussi que la France accueille plus d'immigrés qu'ailleurs dans l'Union européenne. Là encore, c'est faux : en proportion, tous nos voisins de taille comparable, de l'Allemagne à l'Italie en passant par le Royaume-Uni, connaissent plus d'immigration que l'Hexagone.

«L'immigration coûte plus qu'elle ne rapporte»

En décembre dernier, un sondage Ifop annonçait que «près des trois quarts des Français considèrent que l'immigration coûte plus à la France qu'elle ne lui rapporte». Or, rien n'est moins sûr.

Selon une étude de chercheurs français publiée dans Science Advances en 2018, les migrants ne sont pas un fardeau économique. Au contraire : ils favorisent une hausse du PIB par habitant, une baisse du chômage et une amélioration du solde des dépenses publiques, via la consommation et les cotisations.

D'après une autre enquête sur le coût de l'immigration, repérée par Les Décodeurs du Monde, «la contribution nette globale de l'immigration au budget de l'Etat [reste] positive» année après année. Basée sur l'année 2010, l'enquête estimait ainsi à 68,4 milliards d'euros les prestations versées aux immigrés, et à 72 milliards leurs cotisations – soit un apport net de plus de 3 milliards d'euros.

Selon un rapport de l'OCDE, si l'impact fiscal est, dans la plupart des pays, nul ou positif, il serait en revanche négatif de 0,3 point de PIB pour la France, notamment du fait du moindre accès des immigrés aux emplois bien payés ou du coût des reconduites à la frontière.

Reste que la plupart des économistes s'accordent à dire qu'avec le vieillissement de la population, le recours à l'immigration de travail deviendra de plus en plus nécessaire en Europe et en France. C'est d'ailleurs l'un des principaux volets de la loi immigration proposée par Gérald Darmanin, qui souhaite régulariser tous les immigrés «qui travaillent» dans les «métiers en tension». 

«Les immigrés volent le travail des français»

Cette assertion sur laquelle prospère l'extrême droite ne repose sur rien ou presque. Comme l'attestait l'OCDE en 2013, «la probabilité que les immigrés accroissent le chômage est faible à court terme et nulle à long terme». Si le chômage est souvent moins répandu dans les régions à forte présence étrangère, c'est tout simplement parce que ce sont les régions les plus dynamiques économiquement.

A noter également que plus d'un tiers des immigrés en France sont des étudiants, dont la plupart retournent ensuite dans leur pays d'origine. Par ailleurs, en ce qui concerne les demandeurs d'asile, ils n'ont pas le droit de travail, sauf s'ils disposent d'une «autorisation provisoire». Celle-ci, délivrée au bout d'un an sur certains critères, peut être refusée par le préfet en cas de niveau de chômage trop important – ce qui est souvent le cas. C'est également l'un des volets du projet de loi immigration qui sera présenté en Conseil des ministres. 

Quant aux étrangers en situation régulière, c'est-à-dire qui disposent d'une carte de séjour, «ils ne prennent pas le travail des Français : ils font le travail que les Français ne veulent pas faire, des métiers durs, aux horaires décalés et à la rémunération faible», expliquait il y a quelques années Pierre Henry, directeur général de l'association France Terre d'asile, à Brut.

Bien souvent, il s'agit de métiers dits «3D» : dirty, difficult, dangerous («sale, pénible, dangereux» en français), souligne La Vie, qui rappelle que «même en temps de crise, les nationaux ne prennent pas ces emplois-là».

«Les immigrés sont pauvres et non qualifiés»

Travailleur non qualifié, avec un faible niveau d'études et de revenu : le portrait économique du migrant est tout sauf fidèle. D'après l'Insee, en 2021, près d'un immigré sur trois (27%) en âge de travailler en France était ainsi titulaire d'un diplôme de l'enseignement supérieur – soit un taux supérieur aux personnes non-immigrées (24,8 % pour les hommes). Un tiers d'entre eux estimaient même qu'ils étaient trop qualifiés pour leur premier emploi dans l'Hexagone, relève National Geographic.

Dans le détail, 42 % des immigrés d’âges actifs sont peu ou pas diplômés, c’est-à-dire qu’ils ont atteint, au plus, un niveau équivalent au brevet des collèges : seul un quart d’entre eux ont été scolarisés en France. 31 % ont un CAP, un BEP ou un baccalauréat et 27 % un diplôme de l'enseignement supérieur : dans un cas sur deux, ces diplômés ont obtenu leur diplôme en France. 

Par ailleurs, les immigrés ayant un CAP, un BEP ou un baccalauréat sont plutôt arrivés avant l’âge de 15 ans (40 %) et 38 % des immigrés arrivés à l’âge de 15 ans ou plus et ayant un diplôme équivalent à baccalauréat + 2 ou plus sont venus en France pour y faire leurs études. Le niveau de diplôme des immigrés a augmenté depuis une trentaine d’années : 33 % de ceux qui sont arrivés après 1998 ont un diplôme de l’enseignement supérieur, contre 21 % de ceux qui étaient arrivés avant cette date.

De même, l'idée selon laquelle les immigrés font partie des plus miséreux est fausse. «Ce ne sont pas les populations des pays les plus pauvres, ceux où l’on gagne en moyenne moins de 1.000 dollars par an et par personne, qui migrent le plus», explique François Héran, démographe et professeur au Collège de France, dans une interview au journal du CNRS. Et pour cause, selon lui : pour migrer, il faut un minimum de moyens.

«Les immigrés touchent davantage d'aides sociales que les Français»

Une autre idée reçue concerne les aides potentiellement touchées par les immigrés. Si on entend régulièrement : «ils sont mieux logés que les SDF» ou encore «ils viennent en France pour se faire soigner avec l'Aide médicale d'Etat»... ce sont autant de polémiques qui sont démenties par la réalité des faits.

Si les clandestins n'ont droit à aucun minima social, les demandeurs d'asile peuvent, eux, bénéficier d'une allocation spécifique (ADA) de 207 euros par mois durant tout l'examen de leur dossier – et c'est à peu près tout. Le Français non-immigré peut quant à lui toucher le RSA (environ 595 euros par mois au maximum), l'allocation adulte handicapé (AAH, environ 950 euros au maximum) ou encore l'allocation de solidarité aux personnes âgées (ASPA, environ 960 euros au maximum).

L'immigré en situation régulière, quant à lui, peut toucher le RSA sous conditions (s'il a 25 ans et travaille en France depuis cinq ans) et l'ASPA (s'il a plus de 65 ans et réside en France depuis dix ans). De même, en matière d'allocations familiales, les demandeurs d'asile ont droit à 100 euros par mois de plus par personne supplémentaire dans le foyer, tandis que les 4,8 millions de foyers français ont touché en moyenne 207 euros mensuels en 2017.

Sur le plan du logement, les demandeurs d'asile peuvent soit bénéficier d'un logement dans un centre d'accueil spécialisé (les CADA), soit toucher 225 euros par mois s'il n'y a plus de place, détaille Le Monde. Au même titre que les étrangers en situation régulière, les Français sont de leur côté éligibles à différentes aides au logement, peuvent réclamer un logement social, faire valoir leur droit au logement opposable...

En matière de protection santé, un immigré en situation irrégulière peut bénéficier de l'Aide médicale d'Etat (AME), pointée du doigt depuis quelques années, et un demandeur d'asile peut demander la protection universelle maladie (PUMA, ex-CMU), dans la limite des tarifs de la Sécurité sociale. Une multitude d'aides certes coûteuses, mais qui restent tantôt moins avantageuses tantôt comparables à ce à quoi un Français a droit.

«Les immigrés sont vecteurs de délinquance en France»

C'est également l'une des idées reçues les plus persistantes en France, selon laquelle l'immigration serait responsable de la majeure partie des faits de délinquance dans l'Hexagone. 

Or, en 2019, 82 % des personnes mises en cause par la police et la gendarmerie se sont déclarées françaises et 18 % , tandis qu’elles représentent respectivement 96,6 % et 7,4 % de la population en France. Toutefois, la proportion des personnes étrangères parmi les mis en cause a très peu augmenté depuis 2016 (+2 %), et reste bien inférieure au total des infractions relevées pour des personnes non-immigrées. 

Par ailleurs, les personnes françaises et étrangères ne sont pas mises en cause pour les mêmes faits. Les étrangers sont davantage impliqués dans les atteintes économiques et financières (46 % des mis en cause pour ce motif concernent des étrangers) qui comprennent notamment les délits liés à la contrefaçon ou à la concurrence et les ventes à la sauvette, dans les vols (27 %) et dans les autres crimes et délits (25 %) en lien avec la législation sur le travail, la législation sur l’entrée et le séjour sur le territoire, etc.

A l'inverse, les Français sont davantage représentés parmi les mis en cause pour les atteintes à la famille (92 %) recouvrant par exemple les litiges nés de la garde ou du versement de la pension alimentaire des enfants, pour les destructions et dégradations (89 %) ou encore pour les infractions à caractère sexuel (87 %).

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