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Cinq ans ferme pour la mère de Serena, le bébé du «coffre»

Rosa Maria da Cruz (à droite) accompagnée de son avocate. [GEORGES GOBET / AFP]

Elle a écopé d'une peine plus lourde. La mère de Serena a été condamnée ce mercredi à cinq ans de prison ferme, en appel à Limoges, dans l'affaire du bébé caché pendant 23 mois dans des conditions désastreuses.

Rosa Maria da Cruz aura également un suivi socio-judiciaire pendant six ans, avec obligation de soins. L'avocat général avait requis dix ans d'emprisonnement. En première instance, elle avait été condamnée à cinq ans de prison dont trois avec sursis. Elle avait également «totalement» été déchue de son autorité parentale, une peine confirmée en appel.

La petite Serena avait passé les premiers mois de sa vie en partie dissimulée dans le coffre d'une voiture par sa mère. Âgée de 51 ans, la quinquagénaire est détenue depuis novembre à Tulle. 

Que s'est-il passé ?

Durant près de deux ans, Serena était dissimulée dans le coffre du break ou dans une pièce en travaux située au rez-de-sol de la maison familiale de Terrasson-Lavilledieu (Dordogne). Pendant tout ce temps, ni le mari ni les trois autres enfants du foyer n'ont soupçonné l'existence d'un nouveau bébé. Si ce dernier a bénéficié de soins, ils étaient réalisés a minima, tout juste suffisants pour la survie. C'est pourquoi sa mère a été jugée pour «violence volontaire ayant entraîné une infirmité permanente».

Le 25 octobre 2013, 23 mois après sa naissance, Serena a été découverte dans le coffre par un garagiste et ses collègues. Ces derniers, les médecins, les pompiers ou encore les gendarmes ont encore à l'esprit l'odeur et surtout l'état dans lequel se trouvait Serena ce jour-là. Le bébé se trouvait dans la crasse, entouré d'excréments, de larves et de mouches.

Pourquoi un appel

Le parquet général avait requis huit ans de prison à l'encontre de Rosa Maria da Cruz. Face aux deux années de prison ferme écopées par la mère, il avait donc fait appel du jugement. Cette fois, l'avocat général n'a pas été écouté mais la peine de Rosa Maria est tout de même alourdie. 

De son côté, la défense en avait fait de même concernant la déchéance d’autorité parentale prononcée par l'instance.

Quid de Serena

«Ce ne sont pas deux ans, c’est toute sa vie qui est détruite, avait martelé Marie-Pierre Peis-Hitier de l’Aide sociale à l’enfance (ASE) de Corrèze et partie civile. Elle sera privée d’autonomie, au crochet de la société».

A bientôt 8 ans, Serena a le développement mental «d’un enfant de 2 ou 3 ans, avait assuré l'avocate. Elle ne sait pas lire ni écrire, et on ne pense pas qu’elle pourra un jour». Aujourd’hui, Serena partage sa vie entre une famille d’accueil- la même depuis sa découverte en 2013- et un institut médico-éducatif. Serena, qui bénéficie notamment d'un suivi sanitaire, d'un orthophoniste et d'un ergothérapeute, a un deficit fonctionnel à 80% et de graves difficultés pour parler, rapporte la Montagne. «Son avenir au-delà de 18 ans, c’est une institution», avait précisé l’avocate.

Ce caractère irréversible des séquelles, conséquence de 23 premiers mois de carences, a valu à l’affaire d’être jugée devant les assises et non le tribunal correctionnel. Rosa Maria da Cruz encourait vingt ans de réclusion.

L’état de santé mental de la mère

La cour avait aussi tenté de percer les mécanismes psychiques de Rosa da Cruz, qui avait connu au moins un déni de grossesse antérieur. Elle a été présentée comme une femme d'une intelligence de «bonne moyenne» malgré une grande «immaturité affective», mais «bonne mère» de trois enfants. Ses contradictions, son ambivalence sur cet enfant décrit comme une «chose», même s'«il fallait qu'il soit en vie», ont également été creusées.

Psychologues, psychiatres, obstétriciens s'étaient succédés à la barre, tentant d'expliquer les ressorts du déni, total, partiel, parfois jusqu'à donner le tournis. Et certains ont pointé du doigt un vide juridique autour du déni de grossesse. Malgré le procès en appel, l'assistance était toujours dans le flou concernant Rosa Maria. La Montagne avait rapporté les trois phrases souvent prononcées par la mère : «je n'ai pas de souvenirs», «Pour moi ce n'était pas un bébé» et «ce n'était pas volontaire». 

LE VIDE JURIDIQUE AUTOUR DU DÉNI DE GROSSESSE

«Il faut qu'on soit plus ouvert au déni de grossesse, c'est un fait. On ne naît pas mère, on le devient», avait convenu Isabelle Faure-Roche, autre avocate de l'ASE. «Mais l'exemplarité de la justice n'a pas été servie» par la sanction «plutôt clémente» de Tulle, estimait-elle.

L'avocate de Madame da Cruz, qui avait plaidé l'acquittement, avait en première instance mis en garde: «Il n'y a pas chez Rosa de capacité à s'expliquer, à élaborer une version. (...) La vérité, on ne la saura peut-être jamais».

Malgré le brouillard autour de la relation entre Rosa Maria et Serena, le procès devant la Cour d'appel d'assises de la Haute-Vienne avait au moins permis à tous de s'accorder sur un point : elle a été une très bonne mère pour ses trois autres enfants. Ces derniers sont désormais gardés par la soeur de Rosa Maria qui a déclaré que leur mère leur manquait. Le père, lui, est gravement malade et n'avait pu témoigner. 

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