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«Ils ont détruit ma vie» : la mère voilée prise à partie par un élu RN témoigne

Depuis la polémique, elle n'avait pas encore témoigné. Fatima E., la femme voilée prise pour cible par un élu du Rassemblement national pendant une séance plénière du Conseil régional de Bourgogne-Franche-Comté, à Dijon, vendredi 11 octobre, a réagi pour la première fois dans une interview sur le site du Collectif contre l'islamophobie en France.

Elle raconte tout d'abord qu'il n'était pas prévu qu'elle participe à cette sortie scolaire. «La veille, la maîtresse m'a laissé un mot dans le carnet pour me demander d'y participer, car aucune autre maman n'était disponible», explique-t-elle. 

«On est arrivés au conseil régional, où il était prévu qu'on y reste une dizaine de minutes, pour regarder comment ça se passe», continue la mère de famille. «On était dans un coin ; je pensais même que personne ne pouvait nous voir. Et là j'entends quelqu'un dire 'Au nom de la laïcité', puis j'entends des personnes qui commencent à crier, s'énerver. Franchement, j'étais là sans être là. La seule chose que j'ai vue, c'était la détresse des enfants. Ils étaient vraiment choqués et traumatisés.»

«JE TREMBLAIS DE LA TÊTE AUX PIEDS» 

«Et puis moi, je souriais. Ce n'était pas pour narguer, comme j'ai pu entendre certains le dire. Je souriais d'abord à sa bêtise. Et il ne fallait pas que je cède : si moi je panique, les enfants auraient été encore plus traumatisés», poursuit-elle. 

Plusieurs élus l'encouragent alors «à ne surtout pas sortir, pour ne pas donner raison à Julien Odoul». Mais lorsqu'elle voit son fils «en train de craquer» dans ses bras, «je leur ai dit que je ne pourrai plus rester. J'avais aussi besoin de me retrouver toute seule. Je tremblais de la tête aux pieds et je me sentais en train de tomber. Je ne voulais pas craquer devant les enfants, donc je suis sortie». 

une seconde agression par une élue ancienne membre du rn

La jeune femme s'est par la suite retrouvée face à Karine Champy, élue et ancienne membre du RN, dans les toilettes situées au sous-sol du bâtiment. Cette dernière lui aurait dit «Vous allez voir, on va gagner. Les Russes vont arriver !». «Elle gesticulait beaucoup, et était à la limite de me bousculer. En y réfléchissant, je suis sûre qu'elle voulait me provoquer physiquement pour je réagisse», continue de raconter Fatima E. «Parfois le visage de cette dame me revient, j'ai des frissons et je tremble. Sincèrement, ils ont détruit ma vie...» 

Après cette affaire, la mère de famille dit «comprendre maintenant pourquoi les autres mamans voilées ne participent pas aux sorties scolaires (...) J'ai senti un rejet que je n'avais pas senti avant». 

Elle confie avoir aujourd'hui une «opinion négative de ce qu'on appelle la République» et dénonce aussi les propos du ministre de l'Education, Jean-Michel Blanquer, qui a déclaré que le «voile n'était pas souhaitable dans notre société». 

«les enfants sont venus là pour apprendre : qu'ont-ils appris ?»

Selon elle, Julien Odoul a détruit «tout un travail que je faisais indirectement auprès de cette classe, dont les élèves d'origine immigrée étaient parfois dans une attitude de penser que la France était contre eux, qu'ils sont rejetés. Et moi j'ai toujours argumenté contre ce discours.»

«Quand on est sortis du conseil régional, ils venus vers moi pour me dire : 'tu vois, on te l'avait dit ! Ils ne nous aiment pas !'. Et là, je ne pouvais même plus parler», ajoute-t-elle, avant de conclure à la fin de l'entretien, «les enfants sont venus là pour apprendre : qu'ont-ils appris ?»

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