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Pourquoi la manifestation contre l'islamophobie fait-elle débat ?

A l'appel de plusieurs organisations et d'une cinquantaine de personnalités de gauche, une manifestation contre l'islamophobie est organisée ce dimanche 10 novembre, à Paris. Mais, à l'approche de l'événement, certaines figures et responsables politiques ont revu leur position ou pris leurs distances, traduisant un certain malaise. Explications.

L'un des organisateurs vu d'un mauvais oeil

L'organisation de la manifestation parisienne a bénéficié d'une forte médiatisation en raison d'une tribune publiée dans le journal Libération, quatre jours après l'attaque d'une mosquée à Bayonne et sur fond de débat ravivé sur le port du voile et la laïcité.

Intitulée : «Le 10 novembre, à Paris, nous dirons stop à l'islamophobie !», elle avait été proposée par plusieurs personnalités de gauche et des associations.

Mais l'un de ses promoteurs, le Collectif contre l'islamophobie en France (CCIF), est particulièrement controversé.

Créée en 2003, cette association est en effet régulièrement accusée d'entretenir des liens troubles avec les Frères musulmans, une organisation internationale promouvant un islam politique.

Dans ce contexte, plusieurs signataires se sont montrés quelque peu embarrassés, à l'image, notamment, de Yannick Jadot. Après avoir signé le texte, le député européen Europe Ecologie-Les Verts, a ainsi indiqué mardi sur franceinfo, qu'il ne le «validait pas» dans son ensemble, avant d'ajouter, le lendemain, qu'il ne se rendrait finalement pas à la marche, même si, assure-t-il, il continue de soutenir la démarche.

De son côté, la militante féministe Caroline de Haas, a fait retirer après-coup sa signature parce que, dit-elle, «il y a dans cette liste des personnes qui ont tenu des propos d’une violence sidérante à l’encontre des femmes», sans nommer les personnes visées. Elle sera, néanmoins, bien présente à la manifestation de dimanche.

Une tribune biaisée à l'origine de l'appel ?

Un texte controversé, des signataires décriés... la tribune, bien que validée au départ par certaines personnalités, est donc aujourd'hui loin de faire l'unanimité.

Alors pourquoi a-t-elle tout de même été signée par plusieurs figures ? A cet égard, Samuel Grzybowski, l'un des fondateurs de l'association «Coexister», un mouvement qui vise à encourager le vivre-ensemble, a publié, sur Twitter, un fil de discussion, qui revient sur la manière dont le texte aurait été présenté.

Selon ses explications, la tribune était ainsi à l'origine rédigée sur un google doc (un document partagé en ligne, sur lequel les participants peuvent modifier le texte en temps réel, ndlr), et, surtout, à aucun moment il n'a eu accès à la liste des signataires. 

«Je n'aurais pas signé aux côtés du CCIF et beaucoup d'autres», dit-il ainsi, avant d'ajouter un peu plus loin, que «l'homophobie et le sexisme sont trop préoccupants dans nos sociétés pour accepter de signer aux côtés de ceux qui les entretiennent».

«J'ai donc clairement été manipulé quant aux signataires de ce texte, comme semblent l'avoir été de nombreux hommes et femmes politiques», dit enfin le responsable associatif dans une conclusion sans appel.

De leur côté, certains responsables politiques de gauche pointent aussi du doigt la façon dont le texte, qui affirme que les musulmans sont victimes de «projets ou de lois liberticides», est quelque peu faussé au regard des lois de la République.

Le Parti socialiste a ainsi annoncé qu'il ne se rendrait pas à cette manifestation, le parti ne se «reconnaissant pas dans les mots d'ordre qui présentent les lois laïques en vigueur comme 'liberticides'».

Le terme islamophobie inadapté pour une partie de la gauche

Plus largement, pour la plupart des formations de gauche, c'est enfin l'utilisation même du mot «islamophobie» qui pose problème, suscitant de vifs débats au sein même des partis.

Du côté des communistes, alors que Ian Brossat, porte-parole du parti, a appelé à participer à la manifestation, le sécrétaire national Fabien Roussel sera aux abonnés absents, car, pour lui, le terme «islamophobie» est «réducteur».

Il y a plus globalement «une montée du racisme et de l'antisémitisme» et «il n'y a jamais eu autant de tags nazis», c'est «un climat malsain et c'est cela dont je préfère parler», a-t-il récemment expliqué.

Même son de cloche au Parti socialiste, qui ne reprend pas non plus à son compte le terme d'islamophobie. Selon une résolution publiée mercredi 6 novembre par le parti, «nous nous reconnaissons (...) dans la France républicaine où la laïcité garantit la liberté de conscience et la liberté religieuse à chacune et chacun, comme le droit de critiquer les religions».

Il y est également écrit que «le combat contre la haine des musulmans doit être celui de la République tout entière», et qu'ainsi «nous ne voulons pas nous associer à certains des initiateurs de l'appel».

Enfin, le leader de La France insoumise Jean-Luc Mélenchon, qui comme le rappelle franceinfo affirmait en 2015 : «qu’on a le droit de ne pas aimer l’islam, on a le droit de ne pas aimer la religion catholique et que cela fait partie de nos libertés», fait bien partie des signataires de la tribune.

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