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Tout savoir sur le Collectif contre l'islamophobie (CCIF), que Gérald Darmanin veut dissoudre

Une militante arborant le teeshirt du CCIF, en 2012 à Paris.[THOMAS SAMSON / AFP]

Suite à l'assassinat du professeur Samuel Paty, vendredi 16 octobre par un islamiste, le ministre de l'Intérieur Gérald Darmanin va proposer mercredi en Conseil des ministres la dissolution de plusieurs associations. Parmi elles figure le controversé Collectif contre l'islamophobie en France (CCIF).

Le CCIF est accusé d'avoir participé à la cabale contre l'enseignant sur les réseaux sociaux. Ou, au mieux, de n'avoir rien fait pour tenter de la stopper.

Sur Facebook, le père d'une collégienne a en effet fait référence à l'association, exhortant une première fois «ses frères et soeurs» à lui faire un courrier, puis une seconde fois à la contacter (le numéro de téléphone était donné) afin de porter plainte et soutenir l'action contre Samuel Paty. Des messages que Gérald Darmanin a qualifié de «fatwa», et dont le CCIF s'est trouvé incriminé.

Le collectif se défend en affirmant avoir simplement enregistré le dossier et n'avoir en aucun cas diffusé lui-même de vidéo ou messages contre le professeur.

Une association censée être «apolitique et areligieuse»

Le CCIF est une association de défense des droits humains, «dont la mission est de combattre l’islamophobie, définie comme l’ensemble des actes de discrimination ou de violence contre des individus ou des institutions en raison de leur appartenance réelle ou supposée à l’islam», selon son manifeste, accessible sur son site internet. Fondée en 2000, l'organisation se concentre sur la lutte contre l'islamophobie seulement depuis 2003.

Elle se définit comme «apolitique et areligieuse», aspirant à «une société plus juste et plus égalitaire», qui œuvre «au quotidien pour que la liberté, l’égalité et la fraternité soient aussi une réalité pour les millions de Français musulmans». En parallèle, elle produit chaque année depuis 2004 un rapport recensant les actes antimusulmans en France.

Un adversaire de la laïcité ?

De très nombreuses voix pointent l'ambiguïté du CCIF entre son caractère supposé «areligieux» et sa propension à s'en prendre à la laïcité. Le Canard enchainé estimait ainsi en août 2016 que ses études ne servaient qu'à faire le procès. Certains lui reprochent également d'utiliser ses rapports pour placer les musulmans dans une position victimaire. L'ethnologue Jeanne Favret-Saada indique ainsi dans Ouest-France que sous couvert du terme «islamophobie», utilisé pour caractériser des actes délictueux, se cache «une visée politique d'ensemble d'y faire entrer toute critique de l'islam».

L’analyse des rapports annuels du CCIF révèlent d’ailleurs sa volonté de faire passer pour islamophobe tout évènement «mettant en cause des musulmans ou affectant d’une manière ou d’une autre l’image de l’islam», ajoute l’historien du droit Jean-Christophe Moreau. Il prend comme exemple les cas d’expulsions d’imams controversés ou de fermeture de mosquées proches du salafisme, que l’association inclue dans ses statistiques.

A noter également que le CCIF exprime aussi son souhait de voir supprimer la loi sur les signes religieux ostentatoires à l’école et s’oppose à celle imposant aux employeurs une «neutralité idéologique et religieuse» à leurs salariés. Il est également contre le principe de déchéance de nationalité des terroristes.

Accusé d'être proche des Frères musulmans

Le CCIF est également accusé d'entretenir des liens avec les Frères musulmans, une organisation internationale de promotion de l'islam politique. Une proximité que l'association nie. «On a accusé (comme depuis plusieurs années) le CCIF d’être 'islamiste', de faire de 'l’islam politique', d’être proche des 'Frères musulmans', d’être 'communautariste', etc. Jusqu’à aujourd’hui, personne n’a sérieusement prouvé ces accusations», se défend le collectif dans un billet publié sur son site internet.

Cette suspicion entourant le collectif vient notamment des liens que l'association nourrit avec des organisations ou des personnalités sulfureuses, comme l'islamologue Tariq Ramadan ou l'ONG musulmane Baraka City, elle aussi menacée de dissolution.

Il s'est fait connaître lors de la polémique sur le burkini

C'est en 2016 que l'association a connu un véritable coup de projecteur médiatique. Face aux arrêtés anti-burkini mis en place par plusieurs municipalités du sud-est de la France, l'association a apporté son soutien aux femmes de confession musulmane portant ce maillot de bain islamique intégral.

Avec la Ligue des droits de l'homme (LDH), le CCIF avait saisi le Conseil d'Etat pour faire annuler l’arrêté anti-burkini de Villeneuve-Loubet (Alpes-Maritimes), première ville à avoir pris une telle initiative à la fin du mois de juillet 2016. Ce qu'elle avait obtenu, la plus haute juridiction administrative jugeant que «l'arrêté litigieux a porté une atteinte grave et manifestement illégale aux libertés fondamentales que sont la liberté d’aller et venir, la liberté de conscience et la liberté personnelle».

A l'époque, le Front national (devenu Rassemblement national), par la voix du sénateur-maire de Fréjus David Rachline, avait appelé à la dissolution du collectif qui, «grâce» à cette affaire, avait vu les demandes d'adhésion et les dons affluer.

Une organisation reconnue par l'ONU

En 2011, le CCIF a connu la consécration internationale, en obtenant le «statut spécial consultatif» au sein du Conseil Economique et Social (Ecosoc) de l'ONU. Celui-ci est «octroyé aux ONG internationalement reconnues pour leur compétence particulière dans certains domaines d’activité de l’Ecosoc», précisent les Nations Unies, ces organisations ayant alors la possibilité de «soumettre des communications écrites et des pétitions» au Conseil.

L’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE) reconnaît également le CCIF, en l'invitant régulièrement à des conférences et en reprenant ses statistiques sur les crimes de haine chaque année. Idem pour la Commission nationale consultative des droits de l'homme (CNCDH) en France, qui l'auditionne régulièrement et juge son travail «utile» selon un article de Libération.

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