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Pédophilie dans l'Église : Barbarin conteste ses silences en appel

Le cardinal Philippe Barbarin, le 15 mars 2016 à Lourdes  [ERIC CABANIS / AFP/Archives] Le cardinal Philippe Barbarin, le 15 mars 2016 à Lourdes. [ERIC CABANIS / AFP/Archives]

Au plus fort du scandale de pédophilie dans l'Église, le cardinal Philippe Barbarin avait demandé pardon dans la cathédrale de Lyon. A deux pas du palais de justice où, trois ans plus tard, il fait appel du jugement qui a condamné ses silences.

«Moi, Philippe, évêque de Lyon, je demande pardon, en mon nom personnel et au nom de mon Église» : le 18 novembre 2016, le prélat s'agenouillait devant la croix lors d'une messe de réparation pour les victimes d'agressions sexuelles.

«Pardon pour tous nos silences, pardon d'avoir été souvent plus soucieux de la situation et de l'avenir des prêtres coupables que de la blessure des enfants. Pardon pour toutes nos fautes, pardon pour mes propres fautes», implorait-il.

Jeudi, à 200 mètres de la cathédrale, le cardinal Barbarin sera néanmoins devant la cour d'appel. Il conteste sa condamnation à six mois de prison avec sursis par le tribunal correctionnel, le 7 mars, pour ne pas avoir dénoncé les abus passés d'un prêtre du diocèse, Bernard Preynat - défroqué en juillet, celui-ci sera jugé en janvier.

Cardinal Philippe Barbarin  [Laurence SAUBADU, Paul DEFOSSEUX / AFP]
Cardinal Philippe Barbarin [Laurence SAUBADU, Paul DEFOSSEUX / AFP]

S'il a fait acte de repentance devant la justice divine en s'attribuant surtout des «erreurs de gouvernance», l'archevêque de 69 ans, dont le pape a refusé la démission, ne s'estime pas coupable devant celle des hommes.

«Je demande qu'on me montre en quoi, dans ma manière d'agir, il y avait une faute. S'il y en a une et qu'on me la montre et qu'on me l'explique, eh bien j'assumerai», déclarait-il à Radio Notre-Dame, deux mois avant son procès pour «non-dénonciation» d'agressions sexuelles.

Mais le jugement à peine rendu, sa défense annonçait faire appel.

«J'ai reconnu les erreurs que j'ai faites mais c'est pas celles que je (me) vois reprocher» par le tribunal, a justifié Philippe Barbarin, droit dans ses sandales, le 19 mars sur la chaîne KTO.

Incarnation

En première instance, les débats, portés par les témoignages des victimes de Preynat, ont été exemplaires. De l'avis même du diocèse qui, via son évêque auxiliaire Emmanuel Gobilliard, a remercié en marge de l'audience les plaignants et leur association (La Parole Libérée) d'avoir «secoué l'Église» sur ses «dysfonctionnements».

Le cardinal Philippe Barbarin, le 7 janvier 2019, lors de son procès en première instance à Lyon [JEFF PACHOUD / AFP/Archives]
Le cardinal Philippe Barbarin, le 7 janvier 2019, lors de son procès en première instance à Lyon [JEFF PACHOUD / AFP/Archives]

Les poursuites pour non-dénonciation visaient six prévenus, quatre religieux et deux laïcs, parmi lesquels seul Philippe Barbarin a été condamné.

Mais l'onde de choc n'a pas manqué de se propager dans toute l'Église, dont le Primat des Gaules - son plus haut dignitaire - symbolise désormais les défaillances face aux prêtres pédophiles.

«Le cardinal est-il là à titre personnel ou comme l'incarnation de l'Église et d'une question sociétale ? Est-il un moyen ou une fin ?», avait ainsi lancé l'un de ses avocats au procès, Jean-Félix Luciani, pour qui le tribunal a jugé l'institution et non l'homme.

C'est pourtant «Monsieur Barbarin», et non «Monseigneur», que les magistrats ont déclaré coupable.

Par deux fois: en 2010, lorsque Preynat lui a avoué ses agressions mais qu'il n'en a rien dit à la justice - mais ce silence-là était prescrit sur le plan pénal. Puis en 2014, quand un ancien scout - Alexandre Hezez - s'est confié à l'archevêque, qui n'a toujours rien dénoncé. «Pour préserver l'institution à laquelle il appartient», a estimé le tribunal en le condamnant.

Le cardinal Philippe Barbarin avec le pape François, le 18 mars 2019 [HO / VATICAN MEDIA/AFP]
Le cardinal Philippe Barbarin avec le pape François, le 18 mars 2019 [HO / VATICAN MEDIA/AFP]

Jugement «infondé» pour la défense, qui rappelle que M. Hezez pouvait porter plainte, ce qu'il a fait en 2015, déclenchant l'ouverture de l'enquête ; que le cardinal l'a encouragé à trouver d'autres victimes, signe qu'il n'a jamais rien voulu «cacher» ; et qu'au-delà, le secret ecclésiastique exonérait l'archevêque de toute obligation de dénoncer.

«Dans ce dossier, personne n'est venu se confesser à Barbarin. On n'est pas dans le cadre du secret», objecte Me Jean Boudot pour les parties civiles, convaincues que l'unique souci du prélat, «derrière les apparences», était d'éviter un scandale. Une consigne qu'il aurait reçue du Vatican.

Une duplicité que les accusateurs du cardinal font remonter à 2010, quand il appelait l'Église à «crever l'abcès» de la pédophilie dans une interview au quotidien La Croix. C'était au mois de mai, quelques semaines après avoir interrogé Preynat sur son passé. Et gardé le silence.

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