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Grève du 5 décembre : qui manifestera et pourquoi ?

Cheminots, gilets jaunes, soignants, étudiants, enseignants, pompiers, et même policiers... Soucieux d'imposer un «rapport de force» avec le gouvernement, de nombreux secteurs, soutenus par la plupart des syndicats, appellent à rejoindre la grève interprofessionnelle du 5 décembre contre la réforme des retraites et la précarité. Qui compte défiler, et pourquoi ?

la RATP

Ils étaient les premiers sur le pont. Dès septembre, les salariés de la RATP ont appelé à une grève «illimitée» à compter de ce fameux jeudi de décembre. Ils entendent dénoncer la future réforme des retraites, qui prévoit d'instaurer un «système universel» par points et ainsi de mettre fin aux 42 régimes spéciaux actuels dont bénéficient, entre autres, les cheminots.

«Ce sera, à partir du 5 décembre, zéro métro, zéro RER et très peu de bus», a prévenu Laurent Djebali, le secrétaire général adjoint de l’Unsa-RATP. Cité par Le Figaro, il ajoute: «Tant qu’on n’aura pas de certitudes de la part du gouvernement sur l’avenir pour un service public qui fonctionne, la grève sera reconduite [...] On s’attend déjà à manger la bûche de Noël ensemble.»

Les usagers doivent, au bas mot, s'attendre à un nombre de lignes fermées «au moins aussi important que le 13 septembre», date d'une première grande mobilisation contre la réforme des retraites. Au total, dix lignes de métro étaient alors restées fermées, tandis que RER et tramways avaient roulé au compte-gouttes.

LA SNCF

Décidément, la journée s'annonce noire dans les transports. Vent debout contre ladite réforme, CGT-Cheminots, UNSA-Ferroviaire, SUD-Rail ou encore FO-Cheminots ont déjà annoncé leur présence dans les cortèges du 5 décembre. Si la CFDT-Cheminots, syndicat réformiste, était jusqu'ici sceptique, elle prévoit finalement de se joindre à la fête. Au vu de l'échec de sa rencontre du 21 novembre avec les syndicats de la SNCF, le secrétaire d'Etat chargé des Transports, Jean-Baptiste Djebbari, admet lui-même s'attendre à «une grève très suivie».

Reste à savoir si les cheminots peuvent changer la donne via des cortèges et des slogans. Les mêmes n'avaient pas réussi à mettre en échec la dernière réforme ferroviaire au printemps 2018, alors même qu'ils s'étaient mobilisés durant trois mois de grève.

Les routiers, les taxis...

Suivant leurs collègues du rail, les fédérations de routiers FO Transports et Unsa Transport ont également lancé un appel à une grève nationale illimitée le 5 décembre. Dans leur viseur: aussi bien la réforme des retraites que la réduction de l'avantage fiscal dont ils bénéficiaient sur le carburant. Ils devraient d'ailleurs être rejoints par les ambulanciers, les taxis, voire les déménageurs. Les routes du pays pourraient donc bien être paralysées par des opérations escargots et des blocages de péages.

Les gilets jaunes

Les gilets jaunes, mouvement qui ne s'avoue pas vaincu après plus d'un an de lutte, devraient aussi être de la partie. Le 3 novembre, leur «Assemblée des assemblées» locales a en effet appelé à rejoindre la grève nationale. Un renfort vivement accueilli par les syndicats.

«L'heure est à la convergence avec le monde du travail et son maillage de milliers de syndicalistes qui, comme nous, n'acceptent pas», ont expliqué les quelque 600 représentants des gilets jaunes. «Je sais pas si le 5 décembre est un horizon mais je sais qu'il y a beaucoup de syndiqués qui se 'giletjaunisent' parce qu'ils s'aperçoivent que leurs élites bafouillent», a précisé Jérôme Rodrigues, figure historique du mouvement. 

Quoi qu'il soit, s'ils devraient probablement défiler le jeudi 5 décembre, les gilets jaunes seront assurément présents deux jours plus tard, le samedi 7, pour leur traditionnel rendez-vous hebdomadaire dans la rue.

Le secteur aérien

Les transports terrestres ne seront pas les seuls touchés: onze syndicats d'Air France appellent les salariés à rallier la manifestation du 5 décembre, fait savoir Le Parisien. Selon FO, «cette mobilisation doit conduire à bloquer l'ensemble des transports, leurs logistiques et leurs infrastructures : route, chemin de fer, transport aérien, transport maritime et fluvial, transport urbain… Et contribuer ainsi à établir le rapport de force nécessaire pour faire plier le gouvernement». Autrement dit, le blocage du pays doit être le plus total possible, au risque sinon d'un impact nul. Plusieurs aéroports pourraient donc être paralysés, et des vols retardés voire annulés.

Les services publics: l'hôpital, l'Education nationale, LA POSTE, EDF, la police...

La mobilisation générale pourrait encore s'élargir avec la participation des agents des services publics. A commencer par les soignants, en grève depuis huit mois: s'ils n'ont pas réussi à se mettre d'accord sur la date du 5 décembre, beaucoup ont annoncé qu'ils seront dans la rue ce jour-là.

De même, l'Education nationale devrait rejoindre la lutte. Les syndicats dénoncent en effet une future réforme qui pénalisera «les enseignants qui perçoivent peu d'indemnités et de primes». Des syndicats de La Poste ont également appelé à manifester, tant pour fustiger la réforme des retraites que la restructuration qui touche actuellement l'entreprise. Sans compter les autres agents publics (pompiers, agents EDF...) qui pourraient passer une tête.

Même les forces de l'ordre, «à bout», devraient avoir leur mot à dire pour exiger le maintien de leurs régimes spéciaux. Des policiers prévoient ainsi de mener des «actions reconductibles» (grève des PV, fermeture symbolique de commissariats, sorties que sur appel...), tandis qu'une centaine de leurs collègues CRS – encore plus surprenant, car ils sont ceux qui habituellement répriment la contestation – ont déposé symboliquement casques et matraques, lundi 2 décembre, devant une caserne du Val-de-Marne.

Au-delà de la réforme des retraites qui selon eux aggravera leur situation indivuelle, tous les acteurs des services publics demandent une hausse des salaires, davantage de moyens humains et matériels, mais également plus de reconnaissance, dénonçant la «casse» du modèle social français opérée par Emmanuel Macron.

«Les autres» : étudiants, professions libérales, journalistes...

Quelques semaines après l'immolation d'un étudiant devant un Crous de Lyon, le mouvement étudiant ne décolère pas et réclame des mesures pour lutter contre la précarité étudiante. Surfant sur la grande grève, le syndicat Unef a appelé à manifester le 5 décembre pour «maintenir la pression» sur le gouvernement et exiger une réévaluation des bourses universitaires. De son côté, le Conseil national des barreaux, qui représente 70.000 avocats en France, a voté une «journée morte» ce jeudi-là pour défendre leurs régimes autonomes de retraite. Ils pourraient être suivi par des métiers de la justice (magistrats, greffiers...), mais aussi d'autres professions libérales, comme les médecins ou les infirmières du privé, en colère depuis des mois.

A force de parler de la grève depuis un mois, les médias aussi sont tentés de se greffer à la mobilisation. Dans un communiqué fin novembre, le Syndicat national des journalistes de France Télévisions a invité «tous les salariés à se mettre en grève pour une durée de 24 heures ce jeudi 5 décembre», ainsi que tous leurs confrères et consœurs.

une majorité de français ?

Finalement, à en croire les enquêtes d'opinion, bon nombre de citoyens pourraient se décider à rejoindre ce bloc de cortèges le 5 décembre – ou les jours suivants, en cas de reconduction. Malgré la perspective d'une journée à l'arrêt, près de 60% des Français soutiennent en effet la grève, en particulier les ouvriers (74%) et les agents du service public (70%), selon un récent sondage BVA. Les plus sceptiques restent sans surprise les retraités (42%), les cadres (45%) et les plus diplômés (42%) – soit des catégories pas ou peu concernées par la réforme.

Selon cette même étude, sept personnes sur dix (71%) pensent que cette grève du 5 décembre – une date-clé de la mobilisation de 1995 contre le «plan Juppé» sur les retraites – va «s'inscrire dans la durée». Ce qui pourrait, à terme, convaincre d'autres secteurs de rallier au compte-gouttes le mouvement social.

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