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La semaine de Philippe Labro : Un passé trop présent, Un présent à dépasser

Le 2 décembre 1959, 50 millions de mètres cubes d’eau se sont déversés dans la vallée du Reyran, faisant 423 morts, dont 135 enfants. [AFP]

Philippe Labro est écrivain, cinéaste et journaliste. Chaque vendredi, pour CNEWS, il commente ce qu'il a vu, vécu et observé pendant la semaine. Un bloc-notes subjectif et libre.

LUNDI 2 DÉCEMBRE

Ça n’a pas été beaucoup observé (sauf par mes confrères de Paris Match), mais il m’intéresse de noter que ce 2 décembre est le 60e anniversaire de la rupture du barrage de Malpasset, à Fréjus. L’une des plus grandes catastrophes civiles de notre histoire.

En 25 minutes, 50 millions de mètres cubes d’eau se sont déversés dans la vallée du Reyran, faisant 423 morts, dont 135 enfants. On appelait cette région la «vallée rose». Le souvenir de Malpasset subsiste sans aucun doute chez les habitants. Enfants à l’époque, ils ont été témoins de la tragédie, de la perte de parents, de familles détruites.

Devenus adultes, ils ont désormais peur d’autres sortes d’inondations, des dégâts permanents qui bouleversent en ce moment tout le département du Var. Si j’en parle, c’est que ce fut pour moi, jeune reporter à France Soir, l’une de mes plus fortes expériences de journaliste. Avion spécial. Une vingtaine de reporters convergeant vers le lieu du désastre. Souvenirs des témoignages.

La rue de Verdun devenue un lit de boue rougeâtre. Les odeurs de formol, de sapin, de savon de cuisine pour dissiper l’autre odeur, celle de la mort. Les centaines de morgues improvisées dans les préaux d’école, les garages ou sur les parvis des églises. J’ai vécu là, en quinze jours, la force de la nature, la cruauté de l’imprévisible, la solidarité d’un pays.

JEUDI 5 DÉCEMBRE

Ce journal est essentiellement distribué dans les transports en commun. Va-t-on pouvoir nous lire à partir d’aujourd’hui, et demain, jour de parution de cette chronique ? Je l’ignore. Mais nous devons continuer à informer, distraire et, comme ce grand charivari national à la veille de Noël, va occuper les pages des journaux, les antennes des télés et les ondes des radios, peut-être, peut-on parler d’autres choses.

Trump et Macron. Ce qui se passe entre ces deux hommes, à l’occasion de la réunion des membres de l’Otan, à Londres, relève de ce que l’on appelle le «love-hate» («amour-haine»). L’omnipuissant et imprévisible Trump face à l’omniprésent et hyperactif Macron. En été, à Biarritz, c’est tout juste s’ils ne s’embrassaient pas sur la bouche. En automne, à Londres, c’est tout juste s’ils ne se balancent pas des claques en public. Avec ces deux orgueils confrontés, chacun s’estimant tout à fait dans son droit, à quoi assistons-nous, sinon à la victoire de Poutine ?

Des livres. Un gros pavé de Souvenirs, souvenirs (éd. Robert Laffont) de ma consœur Catherine Nay. Premier volume des mémoires d’une femme qui a vu, vécu et commenté la Ve République depuis ses tout débuts, dans les années 1960. Des portraits, des anecdotes, des confidences… De Mitterrand à Chirac, de Pasqua à Villepin, de Pompidou à Balladur, ils défilent tous. C’est souvent positif et charitable, mais elle n’épargne pas Giscard d’Estaing – «le pouvoir en spectacle», écrit-elle –, relevant avec plaisir et malice les travers giscardiens. Ainsi de cette description du couple présidentiel pour les vœux au pays : «Deux châtelains guindés parlant aux manants !»

Du cinéma. Sur Netflix, j’ai regardé The Irishman de Martin Scorsese, avec Robert De Niro, Al Pacino et Joe Pesci. Qu’on me permette, au milieu du concert d’éloges et d’une médiatisation massive, un semblant de bémol : c’est très long, assez répétitif, ce n’est pas aussi fort que Les Parrains de son grand rival, Francis Ford Coppola.

Du football. J’ai aimé le sourire éclatant de Didier Deschamps, lorsque le sélectionneur des Bleus a appris la périlleuse poule de qualification de son équipe. Allemagne-Portugal, ça va être dur ! Or, devant les caméras de télévision, Deschamps a eu un sourire éclatant. Il voulait dire : «Eh bien, d’accord, on va avoir du mal, mais eux aussi ! Et puis, c’est comme ça, c’est la vie !» Leçon de comportement. On pense à Rainer Maria Rilke : «Il nous faut toujours aller au plus difficile.»

 

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