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Coronavirus : les étudiants redoutent l'impact du confinement sur leur avenir

En France, les établissements scolaires, y compris les universités, sont fermés depuis le 16 mars.[STEPHANE DE SAKUTIN / AFP]

Si le confinement a changé le quotidien des étudiants du jour au lendemain, sa prolongation pourrait bien avoir des conséquences sur leur avenir. Au-delà des universités fermées, des cours à distance et des examens incertains, nombreux sont ceux qui redoutent de ne pas pouvoir accéder au cursus dont ils rêvaient à cause de cette isolation forcée.

La persistance de la crise a en effet créé des situations inédites, que l'enseignement supérieur doit gérer dans l'urgence. Par exemple, la plupart des concours d'entrée aux écoles ont été reportés, voire annulés. Celui qui permet d'accéder aux sept Instituts d'études politiques (IEP) du réseau Sciences-po fait partie de cette dernière catégorie.

Afin de pallier l'annulation des épreuves écrites d'entrée, il a été décidé que les candidats seraient sélectionnés sur dossier, via la plate-forme Parcoursup.

Pour certains, cela remet en cause le projet de toute une vie. Canelle, 18 ans, n'hésite pas à dire qu'elle a eu «envie de pleurer» à l'annonce de ce nouveau dispositif. Il faut dire qu'entrer à Sciences-po, c'est «[son] rêve». Et elle y consacre beaucoup de temps, d'argent et d'énergie.

«Je travaille pour ça depuis deux ans. J'ai fait une classe préparatoire exprès quand j'étais au lycée, et cette année je me suis inscrite à la prépa Tremplin parce qu'elle est reconnue par le réseau Sciences-po. Ca m'a coûté 500 euros.»

Ses excellentes notes de prépa, qui la rassuraient sur ses chances d'obtenir le concours cette année, ne seront a priori même pas prises en compte. Les critères de sélection retenus pour l'admission sur dossier ne mentionnent que les notes de première, terminale et celles du baccalauréat.

Dans la situation actuelle, Canelle en vient même à craindre que ses efforts se retournent contre elle. «Je voulais tellement être prête pour le concours que j'ai un peu délaissé ma terminale et ma première année de droit. J'ai eu 15,61 de moyenne au bac, pour mes autres voeux Parcoursup c'est suffisant mais pour Sciences-po je ne suis pas sûre. Si j'avais su que l'admission se ferait sur dossier j'aurais pu faire mieux.»

D'autant que la jeune femme joue ici sa dernière carte, puisque l'accès en première année aux IEP du réseau Sciences-po n'est ouvert qu'aux nouveaux bacheliers et aux étudiants à bac+1. L'année prochaine, ce sera trop tard.

Canelle n'est pas la seule à déplorer ces mesures. Une pétition a été lancée pour demander le «changement des critères de sélection sur dossier du concours commun des IEP» et, sur Twitter, le hashtag #Sciencesportefeuille est apparu. Des étudiants actuellement en formation à Sciences-po l'utilisent pour montrer qu'ils n'auraient jamais été admis si la sélection s'était faite sur dossier à leur époque.

Tous dénoncent des critères de sélection qu'ils estiment «inégalitaires». Ils sont notamment persuadés que les élèves issus des lycées les plus prestigieux seront privilégiés.

«Je suis le premier à reconnaître leur déception, assure Pierre Mathiot, directeur de Sciences-po Lille. Ils vivent une sorte de trahison et nous partageons ce sentiment. Recruter sur dossier ne correspond pas à notre ADN mais necessité doit faire vertu.»

Selon lui, un examen humain des dossiers était inenvisageable dans les délais impartis, à moins de le faire «vite et mal». Concernant les critères de sélection, Pierre Mathiot rappelle que les candidats au concours commun des IEP présentent des profils «très hétérogènes». Si bien que la seule manière de les traiter de façon équitable était selon lui de s'appuyer sur leur unique point commun : «ils ont tous eu le bac».

Les IEP ne sont pas les seuls concernés. Les concours donnant accès aux écoles de management, d'ingénieur ainsi qu'aux études de médecines ont aussi été reportés ou annulés. Certaines formations en journalisme sont également touchées, de même que les épreuves orales des aspirants orthophonistes.

En attendant de savoir de quoi demain sera fait, Canelle et les autres doivent continuer à suivre leurs cours, à distance. Selon Gilles Roussel, président de la Conférence des présidents d'université (CPU), les étudiants français ont accès à «des plate-formes d'enseignement en ligne ainsi qu'à des classes virtuelles en audio ou vidéoconférence».

Il assure que des ordinateurs sont prêtés à ceux qui n'en disposent pas. «On a également fait des demandes auprès du ministère pour essayer d'obtenir des forfaits plus importants, ou des tarifs préférentiels, auprès des opérateurs. Certains étudiants, une fois rentrés chez eux, n'ont pas accès à une ligne internet fixe et passent par le réseau mobile.»

En ce qui concerne les partiels, plusieurs scenarios sont à l'étude. «On peut envisager de changer les modalités d'évaluation en passant par des projets ou des rendus de mémoires, quand c'est possible, propose Gilles Roussel. Les examens en ligne sont envisagés également mais doivent rester marginaux. Enfin, il y a toujours l'option du report, après le confinement. Ce qui pourrait entrainer un décalage du début de l'année prochaine.»

Reste un point délicat : les stages, pour beaucoup annulés, qui conditionnent parfois la validation d'un diplôme. «A ce niveau là, on risque d'avoir des difficultés, reconnait le président de la CPU. Certains peuvent faire du télétravail, d'autres non... Il faut trouver des solutions au cas par cas.»

Nicolas, 21 ans, ne sait pas encore quelle sera la sienne. Cet étudiant en journalisme doit impérativement travailler quatre mois en entreprise pour valider son cursus. Or, à cause du confinement, son stage a été stoppé au bout de seulement cinq semaines.

«Je vais probablement devoir faire un prêt»

«J'ai réussi à négocier deux semaines de télétravail mais plus ce n'était pas possible, indique-t-il. On ne me propose pas non plus de reprendre à la sortie de l'isolement. Ma seule solution serait de trouver un autre stage, mais j'imagine qu'après le confinement il faudra un temps pour que la situation se stabilise. Si tout est repoussé à septembre ou octobre, ça va bloquer la poursuite de mes études.»

A cela s'ajoute une situation financière délicate puisque Nicolas, originaire de Toulouse, doit toujours payer le loyer de son logement en région parisienne, sans la rémunération de son stage. «J'ai appris qu'on ne me gardait pas seulement trois heures avant le début du confinement, explique-t-il. C'était trop tard pour rentrer chez moi. Je vais probablement devoir faire un prêt.»

Dans ce contexte inédit, Canelle, Nicolas et les autres évoquent tous un sentiment d'«injustice». S'ils comprennent le caractère exceptionnel de la situation, elle leur laisse malgré tout un goût amer. Et l'impression de voir leurs ambitions sacrifiées.

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