En direct
A suivre

«Se rééduquer tout seul, pour éviter les séquelles» : un médecin atteint par le Covid-19 alerte les malades rentrés chez eux

Le docteur Philippe Vasseur conseille aux patients sortis de l’hôpital de travailler leur respiration (image d’illustration).[Remko DE WAAL / ANP / AFP]

Le docteur Philippe Vasseur, médecin dans l’unité médico-judiciaire de l’hôpital Hôtel-Dieu (Paris), a contracté le Covid-19 et été hospitalisé 13 jours sous oxygénothérapie. Il raconte à Cnews cet épisode douloureux et en profite pour donner des conseils aux anciens patients rentrés chez eux mais souffrant toujours de certains symptômes.

Comment avez-vous attrapé le Covid-19 ?

Difficile d’en être absolument sûr, mais sans doute lors d’une vacation à l’hôpital. Le 13 mars, je me suis réveillé avec de la fièvre, une toux et une grande fatigue. Je suis resté cloué au lit huit jours, sans autres signes associés, puis il y a eu une aggravation très brutale. J’ai dû aller à l’hôpital, heureusement pas en réanimation, mais en pneumologie.

On pense forcément à la mort, car on y est confronté

 

Quels ont été vos symptômes ?

Des problèmes pour respirer, mais je n’y ai pas cru sur le moment. On ne ressent pas vraiment l’essoufflement. C’est surtout ma femme qui trouvait que je n’allais pas très bien. J’ai donc mesuré ma fréquence respiratoire. C’est très simple, il suffit juste de mettre sa main sur sa poitrine pour calculer le nombre  d’inspirations par minute. La fréquence respiratoire normale chez l'adulte est d'environ 12 à 20. Si c’est plus, il vaut mieux appeler son médecin ou le Samu. Attention à bien faire cette mesure en étant détendu, car le stress augmente cette fréquence. Celle-ci est d'ailleurs différente chez l'enfant, qui respire naturellement plus rapidement qu'un adulte.

Avez-vous eu peur ?

Je n’étais pas trop inquiet, malgré l'augmentation de ma fréquence respiratoire et la baisse de mon taux d'oxygène, que j'ai pu contrôler grâce à un oxymètre. Je suis resté dans le déni jusqu’au bout. C’est ma femme qui m’a poussé à aller à appeler le SAMU.

A l'hôpital, on pense forcément à la mort, car on y est confronté. Mais ça n’a pas duré très longtemps, je suis plutôt quelqu’un d’optimiste.

Aujourd'hui encore, je m'essouffle quand je parle longtemps ou quand je marche. Je suis fatigué, j'ai des sueurs nocturnes

Vous êtes ensuite sorti de l’hôpital, mais sans être guéri. Comment est-ce possible ?

Au bout de treize jours, j’étais sevré en oxygène (les poumons n’ont plus besoin d’aide pour fonctionner normalement), mais les lésions pulmonaires étaient toujours présentes. Les symptômes aussi. J’avais toujours une toux sèche, toujours une douleur thoracique, comme un poids qui vous écrase la poitrine, et qui est encore pire le matin car la sensation s’aggrave lorsque l’on est allongé à plat.

Aujourd’hui encore, je m’essouffle quand je parle longtemps ou quand je marche un peu. Je suis fatigué, j’ai des sueurs nocturnes mais sans fièvre, des frissons, des tremblements, une sensation de froid aux extrémités qui persistent... Ce sont les signes que la réaction inflammatoire et immunitaire au virus est toujours présente.

Que faites-vous pour aller mieux ?

Il faut s'auto-rééduquer, pour éviter d'éventuelles séquelles pulmonaires. On ne sait pas pour le moment si les poumons vont se guérir spontanément ou si les lésions vont perdurer. Je conseille aux personnes  de retour à domicile de faire des exercices respiratoires. Il faut travailler les deux temps de la respiration.

Pour l’inspiration, ouvrir sa cage thoracique en prenant un bâton ou un manche à balai à deux mains, le soulever au-dessus et légèrement en arrière de la tête en inspirant à fond (limiter ce geste si douleurs) puis redescendre le bâton sur le ventre en expirant lentement. On peut aussi reproduire les gestes de la brasse ou du crawl. Pour l’expiration, on peut mettre une paille ou un stylo vide dans un verre d’eau et souffler pour faire des bulles.

Faire ces exercices deux fois par jour, 10-15 minutes, de façon progressive pour ne pas que ce soit douloureux.

J'ai perdu cinq kilos pendant mon hospitalisation

 

Vous est-il possible de retourner travailler ?

Cela dépendra de la persistance de ma fatigue, de mon essoufflement et de ma toux. Même avec un masque, je ne peux pas tousser sans cesse devant un patient. Il faudra également être sûr que je ne sois pas contagieux.

En général, il faut du temps pour que les malades s’en remettent correctement. J’ai perdu cinq kilos pendant mon hospitalisation, alors que je suis déjà quelqu’un de menu. Les patients hospitalisés en réanimation auront besoin de soins de réadaptation spécialisés et d’une rééducation pulmonaire pratiqués par des professionnels.

À suivre aussi

Ailleurs sur le web

Dernières actualités