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Métro, RER, bus... Comment va se passer le déconfinement dans les transports parisiens

Le Premier ministre Edouard Philippe a fixé mardi 28 avril les grandes lignes de la politique anti-coronavirus qui sera appliquée dans les transports en commun au moment du déconfinement. Mais de nombreuses questions concrètes restent en suspens, en particulier en région parisienne.

Dans son allocution, le chef du gouvernement a souligné que «la capacité des transports publics va être drastiquement réduite». Objectif numéro 1 : permettre dans les métros, les RER et les bus la fameuse distanciation physique, indispensable pour limiter les risques de contamination. Par exemple, «dans le métro parisien [...] il faudra condamner un siège sur deux», a-t-il prévenu.

Chez Ile-de-France Mobilités, l'autorité organisatrice des transports en région parisienne, on réagit mercredi 29 avril en indiquant que «le travail se poursuit avec la RATP et la SNCF, et que les décisions ne sont pas encore arrêtées». Outre la présence de 1.000 distributeurs de gel hydroalcoolique en libre-service dans les gares et les stations de métro prévue par la RATP d'ici à fin juin, plusieurs mesures «d'aide au civisme» des voyageurs, qui sera «primordial», sont en cours de mis en place.

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© RATP

La RATP a notamment commandé 1 million de stickers. Ils ont commencé à être collés sur les sièges des rames pour indiquer ceux qui seront interdits, ou sur le sol des stations pour signifier où les passagers peuvent se tenir suffisamment éloignés des autres.

Idem dans les gares de la SNCF, comme à Montparnasse : 

Et tandis que les haut-parleurs rappelleront régulièrement les gestes barrières, les passagers seront obligés de porter un masque. «Il y aura des contrôles et donc des sanctions» pour les récalcitrants, a fait savoir Jean-Baptiste Djebbari, secrétaire d'Etat en charge des Transports, le 29 avril sur Europe1. Valérie Pécresse, la présidente de région et d'IDF Mobilités, a demandé au gouvernement «que l’amende soit la même que pour le confinement, soit 135 euros», selon une interview au JDD le 3 mai.

Reste à savoir qui pourra infliger ces PV. S'il a précisé que «les forces de l'ordre pourraient être mobilisées», Jean-Baptiste Djebbari entend avant tout faire appel aux services de sureté des opérateurs (la «SUGE» pour la SNCF et le «GPSR» pour la RATP), qui seront exceptionnellement habitlités verbaliser.

Un dispositif «quasiment impossible à mettre en œuvre», a rétorqué Bertrand Hammache, secrétaire général CGT RATP sur Franceinfo. «Il faut avoir l'effectif adéquat. C'est-à-dire un agent sur chaque rame, chaque bus, chaque tram, etc. Ça me semble aujourd'hui non réalisable. Il nous faut vraiment des effectifs à 100 %, voire 200 %», a renchéri Baptiste Arsale, secrétaire général de la fédération Unsa Transports.

Attestation 

Mercredi 6 mai, le compte twitter de la Région Ile-de-France a annoncé que les entreprises franciliennes devront fournir une attestation de déplacement aux salariés qui ne peuvent pas télétravailler et devant utiliser les transports en commun pour se rendre au travail. 

Le but est d'éviter une trop grande affluence dans les transports en commun lors du déconfinement.

Les trains désinfectés

Masque ou pas, des attroupements dans des espaces exigus – à l'image des centaines d'usagers massés sur les quais ou dans les couloirs pendant les grèves ou les pannes – resteront très dangereux avec le coronavirus, malgré les précautions sanitaires envisagées. Valérie Pécresse souhaite en effet installer «300 distributeurs automatiques de gel hydroalcoolique en libre-service dans les gares et les stations de métro les plus fréquentées» et déployer «500 personnes» dans des «brigades mobiles de nettoyage» chargées de désinfecter les trains et les stations.

La question de l'accès aux stations et aux gares risque donc se poser, le Premier ministre ayant prévenu que les opérateurs devaient «se préparer à limiter les flux en cas d'affluence». De son côté, le secrétaire d'Etat en charge des Transports Jean-Baptiste Djebbari, assure «faire en sorte de travailler beaucoup plus sur la régulation en amont, à l'entrée des stations, à l'entrée des gares».

La RATP et SNCF pourraient ainsi décider de mettre en place des tourniquets ou des barrages d'agents pour filtrer l'entrée des voyageurs. Un travail de titan, car la région compte environ 750 stations et gares, ainsi que 300 stations de tramway et plusieurs dizaines de milliers d'arrêts de bus.

Renforts policiers et stations fermées ?

Valérie Pécresse a ainsi alerté : «nous aurons besoin d’un renfort de 5.000 forces de sécurité pour ce filtrage : polices nationale et municipales, sécurité civile, pompiers, associations type Croix-Rouge ou secouristes. Sinon, la RATP et la SNCF menacent de fermer des gares et des lignes».

Idem si, comme l'a aussi envisagé Edouard Philippe, les autorités étaient contraintes d'agir pour «réserver les transports aux heures de pointe à ceux qui travaillent». En clair, interdire l'accès des transports à certaines personnes aux alentours de 7h-9h et 18h-20h.

Pour limiter les efforts de gestion nécessaires, le gouvernement envisage «dans certains cas de fermer certaines stations, certaines correspondances pour pouvoir s'assurer que le flux d'entrées dans les transports en commun est bien maîtrisé», a déclaré la ministre de la Transition écologique et des Transports Elisabeth Borne, lundi 4 mai, précisant que cela devait être tranché «rapidement».

«On regarde toutes les possibilités, on n'exclut rien», commente-t-on chez IDF Mobilités. Pour tenter de limiter la fréquentation des transports, Valérie Pécresse, la présidente de la région francilienne, pousse les entreprises à prolonger massivement le télétravail et à étaler les horaires. Surtout, le gouvernement envisage «pour réguler (...) les flux de voyageurs, de délivrer des attestations» qui réserveraient les transports publics aux travailleurs à certaines heures. Pas sûr toutefois que cet appel à la bonne volonté suffise.

D'autant qu'un autre casse-tête se pose aux opérateurs : le nombre de train disponibles. Entre les gens à domicile et ceux qui opteront pour d'autres modes de déplacement, on sera très sûrement loin des 5 millions de passagers quotidiens enregistrés en temps normal en région parisienne. Mais les voyageurs restants risquent tout de même d'avoir du mal à embarquer.

Avec un objectif «d'atteindre 100 % le plus rapidement possible», Edouard Phillipe a en effet assuré que «70 % de l'offre de transports de la RATP sera disponible le 11 mai». Quant à la SNCF, qui gère aussi une bonne partie du réseau francilien (RER et Transiliens), elle «semble être en capacité de monter à 60 % de son offre habituelle, contre 50 % envisagé au départ», indique IDF Mobilité.

Une tendance confirmée mercredi 6 mai lors d'une audition au Sénat par la PDG de la RATP, Catherine Guillouard, qui envisage de faire circuler 75 % des métros. En détail, le devrait être assuré à «100 % sur les lignes automatiques 1 et 14, à 85 % sur la ligne 13, à 75 % sur les RER A et B, à 75 % sur les lignes de bus et entre 80 et 100 % sur les lignes de tramway», a précisé

Une capacité de 1 à 2 millions de voyageurs

Toutefois, il faut tenir compte des règles de distanciations physiques réclamées par le gouvernement : un siège vide sur deux, ainsi que – en tant que geste barrière – le respect d'une distance d'un mètre entre chaque passager. Selon Valérie Pécresse, dans ces conditions-là, «un bus qui transporte 60 passagers ne pourra plus en accueillir qu’une vingtaine ; un métro de 700 places, pas plus de 180 ; un RER A de 2 500 places, seulement 800».

On a fait le calcul chez IDF Mobilités, et il n'est pas encourageant : «avec une offre de transports à 100 % et en appliquant les différentes mesures de protection, on serait en capacité d’accueillir environ 20 % des voyageurs habituels. Ce qui représente entre 1 et 2 millions de personnes, étalées sur l’ensemble de la journée».

Reste donc à espérer que le départ d'une partie des Franciliens en province, l'absence des touristes et les efforts des entreprises pour diminuer le nombre de salariés devant aller au bureau, permettront de limiter le choc que devront encaisser les transports. «Ça va être compliqué, mais on fait tout pour que le réseau fonctionne. Il faut bien que les soignants puissent aller à l'hôpital...», soutient-on chez IDF Mobilités.

Et le gouvernement entend surveiller de près la situation dans les transports franciliens : «Si nous constatons des dysfonctionnements, d'ordre public ou (relevant) de l'ordre de la sécurité sanitaire, nous n'hésiterons pas à fermer telle ligne de bus, telle ligne de train, telle ligne de tram», a prévenu le secrétaire d'Etat aux Transports Jean-Baptiste Djebbari.

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