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Montebourg, Philippe, Raoult... Qui a marqué des points pendant le coronavirus ?

Certaines figures se sont démarquées lors de cette gestion de crise. [© JEFF PACHOUD / Ludovic MARIN / GERARD JULIEN / AFP]

Si la France est encore loin d'être sortie de l'épidémie de coronavirus, la gestion de cette première partie de crise, avec le confinement et le début du déconfinement, peut déjà permettre de tirer certains enseignements. Dans ces moments difficiles, certaines figures politiques et médiatiques se sont révélées ou affirmées.

Edouard Philippe est celui qui semble sortir le plus grandi de cette crise. «Le Premier ministre est celui qui a tiré son épingle jeu. En l'espace de deux mois, il a gagné une dizaine de points de popularité dans les sondages», précise Frédéric Dabi, directeur général adjoint de l'IFOP. «Il est apparu proche des préoccupation des Français, avec un certain 'parler vrai rocardien'».

«Les Français sont revenus au Moyen Age pendant le confinement. Ils avaient peur de manquer de nourriture et de papier toilette, tandis que les masques et les gels n'étaient pas disponibles. Dans une période d'incertitude majeure, Edouard Philippe a répondu de façon concrète et moderne : 'on va essayer de vous aider, voila ce qu’on sait et qu'on peut faire.' On avait le sentiment qu'on allait s'en sortir», décrypte le politologue Philippe Moreau-Chevrolet. Un discours doublé «d'une certaine clarté politique. On sait qu'il est de droite, il n'y a pas d’ambiguïté idéologique».

Le Maire et Véran se révèlent

Le Premier ministre a emmené dans son sillage deux membres de son gouvernement : Bruno Le Maire et Olivier Véran. Le ministre de l'Économie et des Finances, «dans un registre sobre et efficace, a capitalisé sur la grande inquiétude des Français à propos des questions économiques. Et ils ont pu profiter de dispositifs comme le chômage partiel. Bruno Le Maire est perçu comme quelqu'un qui connaît ses dossiers et qui n'appartient pas au nouveau monde», analyse Frédéric Dabi.

Le constat est un peu plus nuancé pour le ministre de la Santé. Ayant remplacé Agnès Buzyn au pied levé courant février, Olivier Véran a été «la révélation» du début de crise, grâce à «son discours de vérité» ainsi qu'à «l'effet de nouveauté», selon Philippe Moreau Chevrolet. Mais l'ancien socialiste s'est depuis «banalisé, en reprenant des éléments de langage», d'après le politologue. Sur le fond, «Olivier Véran a été obligé de tenir des positions indéfendables, comme sur les médailles et la rémunération des soignants, et maintenant, il est considéré comme un porte-parole de l'Elysée».

Car c'est sans doute Emmanuel Macron qui va sortir le plus affaibli de la crise. «Son grand moment a été le discours du 13 avril, où on a retrouvé l'Emmanuel Macron de 2017, qui bouscule la techno-structure. Mais ensuite, il s'est mis à jouer une pièce de théâtre déconnectée, dans laquelle il parlait de la Grande guerre et de Clémenceau. C'est joli, mais ça n'a pas d'impact», estime Philippe Moreau Chevrolet. Le Président semble ainsi avoir été desservi par la répartition des rôles avec son Premier ministre : «il ne donnait que les grandes orientations, et Edouard Philippe se chargeait de les mettre en musique», constate Frédéric Dabi.

Résultat : «Emmanuel Macron a perdu le poids politique pour imposer sa ligne au Premier ministre. Par exemple, Jean-Michel Blanquer faisait des annonces, probablement sur demande de l'Elysée, et était démenti par Edouard Philippe dans les heures suivantes. Le ministre de l'Education a été la première victime collatérale de la guerre entre l'Elysée et Matignon», remarque le politologue. A voir comment le président de la République gèrera le déconfinement et la relance économique, avec un remaniement ou une rupture de ligne politique qui pourraient lui permettre de reprendre la main.

Le revenant Arnaud Montebourg

A gauche, c'est un revenant qui s'est illustré : Arnaud Montebourg. Depuis son échec à la primaire socialiste en 2017, il s'adonnait à l'apiculture ainsi qu'à la production d'amandes et de glaces 100 % françaises. Mais l'ancien ministre du Redressement productif a signé un retour remarqué après avoir affirmé que «la mondialisation est terminée» dans une tribune au Figaro. «Il a émergé parmi l'opposition, grâce à sa crédibilité», confirme Philippe Moreau Chevrolet. Le manque de masques et d'équipements sanitaires produits en France et en Europe pendant cette crise a en effet remis au goût du jour le patriotisme économique qu'Arnaud Montebourg prônait en 2014, lors de sa démission fracassante du gouvernement Hollande.

Sur le plan local, plusieurs maires de grandes villes se sont aussi distingués : «Anne Hidalgo, Martine Aubry et Christian Estrosi bénéficient de cotes de popularité très élevées. Ce sont des maires sortants, qui capitalisent sur leur gestion de la crise sur le terrain, en particulier sur la question des masques. La confiance dans les élus locaux demeure», souligne Frédéric Dabi.

Comme souvent, la situation était un peu plus particulière à Paris. Anne Hidalgo «n'a pas fait d'erreur, en étant présente et rassurante, tout en attaquant le gouvernement quand elle devait le faire», pointe Philippe Moreau Chevrolet. «Elle a même présenté son plan de déconfinement trois semaines avant celui du Premier ministre», souligne Frédéric Dabi.

Ce qui n'a pourtant pas préservé la maire de la capitale des critiques de Rachida Dati. La candidate LR aux municipales, bien qu'en situation défavorable, «a eu raison de continuer la campagne, pour entretenir sa dynamique», analyse Philippe Moreau Chevrolet. D'après le politologue, «le retour à la normale pourrait aider Rachida Dati, car on commence de nouveau à voir des contradictions dans la majorité d'Anne Hidalgo : entre les écologistes et les tenants de la logique sanitaire, sur la question des transports et de la voiture».

Didier Raoult, Coluche 2022 ?

Autre enseignement : la confirmation du «fait régional», assure Frédéric Dabi. En opposition au pouvoir central du gouvernement «jugé défaillant, ces élus locaux se sont imposés grâce aux solutions qu'ils ont proposé», selon le directeur général adjoint de l'IFOP. En première ligne, figurent des présidents de région LR ou ex-LR, plutôt dans une ligne de droite sociale : «Xavier Bertrand dans les Haut-de-France, Valérie Pécresse en Ile-de-France, Renaud Muselier en PACA et Laurent Wauquiez en Auvergne-Rhône-Alpes». «Il y a une prime pour Xavier Bertrand, qui communique le plus efficacement, en étant discret mais présent, et qui n'en rajoute pas des tonnes. Surtout, il n'est pas clivant comme Wauquiez, ni Parisien comme Pécresse», analyse Philippe Moreau Chevrolet.

Enfin, bien qu'il ne soit pas un élu, Didier Raoult s'est affirmé comme un acteur médiatique de premier plan. Mieux que Marine Le Pen et Jean-Luc Mélenchon, c'est «le seul vrai politique populiste qui a marqué des points dans la séquence», estime Philippe Moreau Chevrolet. Malgré l'inefficacité de son traitement à la chloroquine, le médecin semble avoir reçu la bénédiction du président, lorsque Emmanuel Macron s'est déplacé pour aller le voir en avril.

«C'est trop tard. Macron a créé Raoult. Maintenant, comme le docteur Frankenstein, il va devoir vivre avec», anticipe le politologue. Certains macronistes redoutent même désormais un «scénario à la Coluche» pour l'élection présidentielle de 2022. Didier Raoult est d'ailleurs l'une des têtes d'affiche du projet politique de Michel Onfray, «Front Populaire», qui vise un rassemblement des «souverainistes de droite et de gauche».

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