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La semaine de Philippe Labro : les héros de la pandémie, une épidémie d’erreurs

[AFP]

Philippe Labro est écrivain, cinéaste et journaliste. Chaque vendredi, pour CNEWS, il commente ce qu'il a vu, vécu et observé pendant la semaine. Un bloc-notes subjectif et libre.

VENDREDI 12 JUIN

C’est un vrai plaisir, pour le chroniqueur qui a été aussi confiné que ses propres lecteurs, de vous retrouver. J’espère que vous allez bien, vous et les vôtres. C’est aussi une certaine difficulté. Car, comment tenter, en quelques paragraphes, de dérouler le fil de ces derniers mois ?

Je n’ai pas beaucoup d’appétit pour «le journal de déconfinement», ce phénomène narcissique qui a sans doute exaspéré toutes celles et ceux qui ont vécu dans des conditions précaires, étroites, ardues, suffocantes et angoissantes. Essayons alors d’être modestes et de passer en revue, de façon malheureusement incomplète, ce qu’il y a eu de meilleur et de pire depuis le début de cette crise du coronavirus, sans précédent dans notre Histoire.

Le pire : la confusion mensongère sur les masques de protection, la déferlante, sur toutes les chaînes de télévision, de l’omniprésence du virus. Rien d’autre, aucune autre actualité. Avec, au sommet de ce quotidien du malheur, le «croque-mort» d’avant 20h, qui venait, sans mauvaise intention, certes, ajouter à la peur qui s’était déjà emparée du pays.

Ensuite, l’apparition des «experts», des scientifiques, des «grands professionnels» de la santé qui, d’une certaine manière, exercèrent trop leur pouvoir d’influence – ils le reconnaissent aujourd’hui. Le pire, ce fut également la confirmation de la puissance bureaucratique. Les décrets, les consignes, les 20 à 30 pages, voire plus, à l’intention des maires, des enseignants, des commerçants, des responsables sportifs, qui voyaient s’accumuler interdits, réglementations pointillistes et coercitives ralentissant et alourdissant toute initiative. Cette tentation si française de faire compliqué quand on peut faire simple !

Et puis les «collapsologues», les prophètes de malheur, les complotistes, les fausses nouvelles (il paraît qu’il faut dire «fake news»), les innombrables prises de position d’innombrables people. Au nom de quoi et de qui parlaient ces personnes, si ce n’était que pour proférer des banalités et des truismes à faire hurler de rire ?

Mais il y eut aussi le meilleur : la discipline d’un pays que l’on disait pourtant individualiste et indiscipliné et qui, à presque 100 %, accepta le confinement et respecta les recommandations des autorités sanitaires. La chaîne alimentaire a tenu. Jamais les Français ne furent en manque. Ils eurent toujours accès à ce qui permet de vivre (eau, électricité, nourriture…).

Enfin, et surtout, le personnel de santé tout entier fit montre d’une dévotion, un courage, une inventivité, une réactivité, une résistance, une prise de décision qui passait au-dessus des freins d’une administration bousculée. Ils furent exemplaires, ces «héroïnes» et ces «héros», soutenus par la logistique de l’armée et des transports. Même constat, hors de l’hôpital, dans chaque activité que l’on disait banale, mais qui s’affichait comme indispensable, on observa cette culture du service et de l’effort : caissières, routiers, éboueurs, balayeurs, transporteurs, gardiens, policiers, pompiers, gendarmes et tous ces «gens de peu» qui s’avèrent être des «gens de beaucoup». Des leçons qu’il faudra retenir à l’avenir.

Nous avons appris et compris tout cela. Toutes les contradictions, les fautes de communication, les allers-retours sur tel ou tel traitement, les opportunistes, les «y a qu’à», et les «faut qu’on», nous avons enregistré tout cela. La fragilité et la précarité des choses. Le théâtre de la politique, jamais interrompu. La fluidité de toute situation. Et l’éternelle vérité de Socrate : «Nous savons que nous ne savons rien.» Sommes-nous, dès lors, devenus plus sages ?

Je vous souhaite un week-end d’amour et d’amitié. Avec des terrasses, des plages, et des sourires d’enfants – eux aussi, à leur manière, ont donné une belle leçon de résilience et de patience. Leur «meilleur» a effacé, selon moi, ce qui fut «le pire». 

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