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A Saint-Gratien, la destruction du terrain de football des Raguenets par la mairie crée des tensions

Un terrain de football synthétique des Raguenets a été détruit le 29 mai dernier et reste en l'état depuis.

Le 29 mai dernier, au petit matin, le terrain de football synthétique du quartier des Raguenets, à Saint-Gratien (Val-d’Oise), a été en grande partie détruit sur ordre de la mairie. Depuis, des habitants, dont une majorité de jeunes, manifestent dans l’espoir de retrouver l’un des symboles du secteur.

«Ça m’a vraiment touché, j’y joue depuis l’âge de 4 ans», confie Zaki Diop. Âgé de 33 ans, le consultant chez Samsung a décidé de créer une association qu'il préside (Saint-Gratien pour tous) pour sauver ce «symbole du quartier».

Cet espace de jeu, que l'on peut voir à moitié détruit sur cette vidéo, comprend un autre terrain de foot -plus petit-, un terrain de basket (dont les cages et les arceaux ont été retirés) et un espace dédié à la musculation fait partie de l’histoire du quartier. «En tant qu’élu, j’ai trouvé ça assez gros qu’il n’y ait pas d’affichage municipal annonçant la destruction du terrain, s’étonne Emmanuel Mikael (MoDem), élu d'opposition. Et rien de voté au conseil municipal».

L’association a pris comme avocat maître Mohamed El Monsaf Hamdi afin de «vérifier la légalité de ce qui a été fait par la mairie», précise Zaki.

Pour justifier sa démarche, la municipalité a simplement publié un communiqué sur sa page Facebook expliquant vouloir remplacer le terrain par «une aire de jeux pour enfants âgés de 6 à 12 ans».

Autre argument avancé par le communiqué municipal : le respect des consignes sanitaires. «Le Val-d'Oise est un département avec une forte densité de population, rétorque Emmanuel Mikael. Si le confinement est moins respecté, il faut aussi préciser les conditions d’habitation. Ce n’est certes pas forcément dans la légalité mais il faut aussi penser à la santé mentale des gens». 

Une Coupe d'Afrique des quartiers qui ne passe pas ?

Quant aux nuisances sonores des rencontres sportives, pointées du doigt par la mairie, elles étaient minimes selon les joueurs. «Les matchs ne duraient pas jusqu’à une heure du matin, affirme Zaki Diop. Les lumières s’éteignent à 21h30 ou 22h plus tard».

 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 

Ils ont crée quelque chose de mauvais #bombonera #saintgratien #raguenets #football #streetfootball #drone

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En 2019 déjà, le terrain de foot avait fait l'objet de tensions entre la mairie et le quartier, lors des Coupes d’Afrique des quartiers organisées dans plusieurs villes d’Ile-de-France. «On avait organisé la Bombonera (surnom du terrain synthétique) Nation Cup», se souvient Zaki Diop.

Un événement qui était mal passé auprès de la mairie de Saint-Gratien. «Ils avaient bétonné le terrain et avaient demandé au préfet de pouvoir le fermer et le rendre inaccessible durant le tournoi... Mais le préfet a finalement demandé sa réouverture», rappelle Emmanuel Mikael

L'ambiance était pourtant bon enfant, explique Zaki Diop : «Des mères de famille ont participé au tournoi, ont fait des crêpes... C’était un moment d’échange qui a resserré les liens des gens du quartier et venus d’ailleurs».

Un dialogue impossible

Depuis le 29 mai, Emmanuel Mikael a tenté d’établir un dialogue, sans succès, entre le maire Julien Bachard (LR) et les jeunes. Il s’est étonné d’une telle action «à quelques jours de la réouverture de tous les parcs et jardins en Ile de France et dans le Val d’Oise».

D'autres élus, des parents et des jeunes se sont également posé la question d'un tel timing. Dans son communiqué, la mairie explique qu’une rencontre devait se dérouler le lendemain face à une équipe de Grigny. «Il y avait des blocs de béton sur le terrain, ce qui le rendait déjà impraticable, rétorque Emmanuel Mikael. Il n’y avait déjà plus de cages ni de filets. Qu’on m’explique déjà comment on joue !».

Si bien que la destruction du terrain a provoqué des heurts lors d’un rassemblement devant la mairie, le 31 mai, dispersé par les forces de l’ordre comme on peut le voir sur cette vidéo, ou celle-ci.

La mairie reproche à l'opposition d'«attiser les rancœurs de quelques délinquants»

Cette semaine, Emmanuel Mikael a reçu une réponse du maire. Dans cette lettre, ce dernier a réaffirmé que le terrain «ne rouvrira jamais» et que l'action de l'élu d'opposition ne faisait qu’«attiser les rancœurs de quelques délinquants».

Des termes qui rappellent les propos tenus par l’ancienne maire de la ville, Jacqueline Eustache-Brinio (LR), toujours présente dans le conseil municipal, que l'opposition désigne comme la principale instigatrice de la destruction du terrain.

Depuis le début de l’affaire, la sénatrice est très présente dans les médias et sur les réseaux sociaux. Elle a notamment reçu de nombreux soutiens du Rassemblement national, dont Marine Le Pen sur son compte Twitter, après deux jours de manifestation devant son domicile. La sénatrice a dénoncé auprès de Valeurs Actuelles des insultes et des menaces de la part d’«une bande de racailles». Sur les courtes vidéos que nous avons pu nous procurer, il n'est pas possible d’étayer ou d’infirmer les propos de la sénatrice ou des manifestants.

Tout en condamnant d’éventuelles mesures d’intimidations qu’auraient pu subir la sénatrice, Emmanuel Mikael souligne cependant qu’il «y avait des mères et leurs enfants» à cette manifestation. «Elles n’y allaient donc pas pour insulter, bien au contraire. Maintenant, je vois la différence entre venir devant chez quelqu’un chanter La Marseillaise [comme on peut le voir sur cette vidéo] et venir pour proférer des insultes et des menaces». «Il faut savoir aussi que le deuxième jour, la police était présente. S’il y avait eu des insultes, des menaces, elle serait intervenue immédiatement. Ce qui m’amène à croire qu’il faut prendre en compte la présomption d’innocence, surtout quand ça peut mettre le feu à toute une ville». Selon Actu.fr, l’ancienne maire a porté plainte. 

 

«Qu’elle nous montre qui est la racaille»

«Il y a eu une cabale médiatique cette semaine en avançant mensonge sur mensonge, accuse de son côté Zaki Diop. La sénatrice a dit au Parisien qu’elle avait été agressée. Il y avait la police et elle n’est pas sortie de chez elle. J’ai des vidéos qui le montrent. Elle a parlé de racailles. On travaille tous, certains ont des franchises, des restos... Qu’elle nous montre qui est la racaille».

En réponse à la pétition lancée par la mairie, l'association Saint-Gratien pour Tous a aussi mis en ligne sa propre pétition et a organisé un rassemblement prévu ce samedi 13 juin. «Une marche par groupe de dix personnes avec port du masque obligatoire», indique le communiqué.

Sollicité, le maire de Saint-Gratien n’a pas souhaité accorder d’entretien à CNEWS. Son cabinet a cependant réaffirmé que «le terrain est définitivement fermé et sera bientôt remplacé par une aire de jeux pour les familles».

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