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Pourquoi le vote par correspondance fait débat

[© Jason Redmond / AFP]

Supprimé en France depuis 1975, le vote par correspondance revient régulièrement dans le débat, et en particulier en ces temps de crise sanitaire où le coronavirus menace les défilés d'électeurs dans les bureaux de vote. Mais l'application de cette mesure ne serait pas si simple.

Le sujet a notamment été remis sur la table par l'ex-président du Conseil constitutionnel, Jean-Louis Debré, vendredi 13 novembre. Il a en effet remis un rapport concernant le report des régionales 2021 au Premier ministre Jean Castex, dans lequel il lui demande «d'envisager» cette mesure pour favoriser le vote en période de risque épidémique.

Une nouvelle pierre ajoutée à l'édifice de ceux, tous camps confondus, qui demandent l'utilisation du vote par correspondance. Parmi les plus actifs, figurent les alliés du gouvernement, le Modem. Patrick Mignola, le président du groupe centriste à l'Assemblée, cite ainsi en exemple la récente présidentielle américaine : «70 millions d'électeurs américains ont voté par correspondance sur les 163 millions de participants. Jamais la participation n'avait été si forte, c'est absolument formidable», dans Le Figaro.

le gouvernement peu enthousiaste

En réponse, l'entourage de Jean Castex a souligné que «des analyses techniques» allaient être demandées au ministère de l'Intérieur sur la faisabilité de la mesure. Qui nécessiterait d'ailleurs une modification de la loi. Mais ce sont surtout plusieurs arguments «à peser» qui ont été mis en avant à Matignon, en particulier sur le plan logistique.

«On imagine mal pouvoir déposer son vote dans n'importe quelle boîte jaune en France. Il faudrait donc se rendre dans un bureau de poste, ce qui n'est pas idéal du point de vue sanitaire», a constaté un conseiller de Matignon. En outre, pour justifier son vote, il faudrait y joindre une copie de sa pièce d'identité. Or, «de nombreuses personnes n'ont pas d'imprimante chez eux, ce qui imposerait aussi de devoir se déplacer», rappelle ce même conseiller.

L'entourage de Jean Castex pointe un autre avantage du bureau de vote physique : «dans un isoloir, on est sûr que l’électeur est libre, personne ne regarde par-dessus épaule. Ce qui est impossible à garantir en cas de vote dans un autre lieu». Ce qui amène logiquement à l'une des critiques principales de ce système : les nombreuses possibilités de triche.

C'est justement des fraudes massives qui avaient conduit le gouvernement a supprimer le vote par correspondance en 1975. Lors des débats sur le sujet à l'Assemblée, le ministre de l'Intérieur de l'époque, Michel Poniatowski, avait ainsi évoqué des «bourrages d'urnes», des «votes fictifs», de «faux émargements» ou encore des «envois de bulletins d'une seule liste aux électeurs».

Une crainte partagée par Marine Le Pen, la présidente du Rassemblement national, qui a appelé «à bannir» le vote par correspondance, en raison des «suspicions de fraude aux Etats-Unis», a-t-elle expliqué dans Le Parisien. Au contraire, Yannick Jadot, eurodéputé EELV, estime que les nouvelles technologies seraient synonymes de fiabilité : «nous sommes en 2020, le monde a un peu changé, avec internet et le numérique».

Le vote par procuration élargi ?

Mais même si aucune fraude n'est avérée techniquement, le vote par correspondance s'accompagne d'un risque de décrédibilisation des résultats du scrutin et de déstabilisation politique dans une période sensible. C'est exactement ce qu'il se passe actuellement aux Etats-Unis, où, dix jours après l'élection, Donald Trump continue à contester sa défaite dans les urnes.

Prudent sur le vote par correspondance, l'entourage du Premier ministre a néanmoins signifié qu'une «réflexion est en cours pour faciliter le vote par procuration». Les pistes mènent à un formulaire en ligne à remplir chez soi pour gagner du temps au moment de le présenter au commissariat, à la possibilité pour un électeur de porter deux procurations (comme aux dernières municipales) ou à des déplacements élargis des officiers de police judiciaire aux domiciles des personnes vulnérables pour recueillir leurs procurations.

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