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Dorine Bourneton, première pilote de voltige handicapée : les petites filles doivent «croire en leurs rêves»

Paraplégique à la suite d'un accident d'avion, Dorine Bourneton est devenue la première femme handicapée pilote de voltige au monde. [©Portrait Madame/Alice Prenat]

«Les rêves portent le monde et tu auras en toi toutes les ressources pour les accomplir». Ces quelques mots, Dorine Bourneton les a écrits à l'intention de l'une des 1.000 petites filles à naître ce 8 mars, comme chaque jour en France. Ils résument sa philosophie de vie, celle qui lui a permis de survivre à un crash d'avion pour devenir la première femme handicapée pilote de voltige au monde.

Celle, aussi, qui a conduit le gouvernement à la choisir pour faire partie des figures inspirantes de l'opération «1.000 Possibles», lancée à l'occasion de la Journée internationale des droits des femmes. Cette initiative doit permettre d'honorer 18 associations et 18 femmes pour leur engagement, au travers d'un prix dédié, mais aussi d'apporter un «message d'espoir» aux jeunes générations. Parce que «naître fille en 2021, c'est toujours partir avec moins de chances qu'un garçon».

Ainsi, à l'instar de plus de 80 écrivaines, artistes, sportives ou scientifiques françaises, l'aviatrice a écrit une lettre à l'une des femmes de demain. Comme un passage de flambeau. Porté par Elisabeth Moreno, ministre déléguée chargée de l'Egalité entre les femmes et les hommes, de la Diversité et de l'Egalité des chances, ce projet «a vocation à passer un message : être une femme ne nous empêche pas de croire en l'incroyable et de prendre non seulement sa vie mais le monde en main».

Si elle n'avait pas fait ce choix de croire en l'incroyable, Dorine Bourneton ne serait probablement pas Chevalier de l'Ordre national du mérite et de la Légion d'honneur aujourd'hui. Passionnée d'aviation depuis l'enfance, elle a grandi dans l'admiration des grands aviateurs tels qu'Antoine de Saint-Exupéry, Henri Guillaumet ou Jean Mermoz.

«A l'époque on parlait très peu des femmes pilotes, c'est la raison pour laquelle ceux qui m'ont inspirée étaient des hommes, raconte-t-elle. On n'avait pas accès aux modèles féminins. Les aviatrices existent mais elles sont moins mises en valeur. Pour nos petites filles, maintenant, il va falloir changer les choses.»

De son tout premier vol en solo, cette passionnée se souvient surtout d'une «grande peur»... qui ne l'a pas empêchée de vouloir redécoller à peine atterrie. «C'est ce que j'ai aimé avec ces pilotes qui étaient des modèles pour moi : leur courage. L'homme ou la femme n'a rien à faire dans le ciel, quand on y est, les risques sont au maximum. Il y a toujours une part d'aléas, d'inconnu et, forcément, ça entraîne de l'appréhension. Il faut apprendre à maîtriser sa peur».

L'histoire a montré que Dorine Bourneton était non seulement capable de dompter la peur de voler, mais aussi de continuer à piloter quand tout le monde l'en croyait incapable. L'année de ses 16 ans, elle a été la seule à survivre au crash d'un avion dont elle était l'une des passagères. Un terrible accident qui lui a «volé [ses] jambes mais pas [son] destin», comme elle aime le dire.

Privée de son «autonomie» et de sa «liberté», l'adolescente d'alors a surtout souffert du regard des autres, qui a «changé du jour au lendemain». A son retour de l'hôpital, elle a entendu, de la bouche de son père : «Mais qu'est-ce que je vais devenir moi maintenant, avec une handicapée à la maison ?». Des mots, «durs et violents» qui ont conduit la jeune femme à se faire une promesse : «j'ai décidé que jamais on ne me réduirait à mon fauteuil roulant».

Franchir les impossibles

Alors, Dorine Bourneton vise haut. Littéralement. Elle veut «danser dans le ciel» et, pourquoi pas, devenir à son tour une pionnière, comme ceux qui lui ont servi de modèles. C'est pour cela que sa lettre, adressée à l'une des enfants nées ce 8 mars, traite des rêves. Parce qu'ils sont «ce qui fait qu'on franchit les impossibles et qu'on dépasse nos limites».

Ce sont eux qui lui ont permis d'obtenir son brevet de pilote sur un avion équipé de commandes manuelles à l'âge de 20 ans, quatre ans seulement après l'accident. Eux encore qui l'ont hissée à la tête d'une patrouille aérienne, ou lui ont donné l'énergie suffisante pour faire changer la réglementation française, afin que la voltige et le métier de pilote soient accessibles aux personnes handicapées des membres inférieurs. Eux, enfin, qui lui ont ouvert les portes du club très fermé des voltigeurs, «les rois du ciel».

«Crois en tes rêves et ils te porteront», écrit-elle à cette «petite fille de 2021». «Avance, marche, grimpe, escalade, apprends à gravir toutes les marches sur le chemin qui conduit à [leur] accomplissement». Cette lettre, la pilote la voulait «tendre, poétique et douce [...] comme une caresse sur la joue». Elle souhaitait «revenir à l'essentiel», souligner la «fragilité de la vie» mais sa beauté aussi. Et, surtout, elle a veillé à n'y mettre «que des mots positifs», ceux qu'elle aurait elle-même aimé entendre étant enfant.

A cette nouvelle génération de femmes, elle conseille avant tout d'apprendre à se connaître, de savoir qui elles sont et ce qu'elles veulent car «ce qu'on est nous donnera toujours le bon cap». Dorine Bourneton a acquis cette certitude en faisant elle-même l'expérience du sexisme : «J'ai été humiliée quand j'étais très jeune parce que j'étais une femme et que j'étais handicapée, lâche-t-elle. Et ce que je pouvais dire ou représenter n'avait aucune valeur».

«Très optimiste» pour ces «petites filles de 2021», elle leur souhaite d'avoir confiance en elles pour devenir «presque invincibles». «Quand on est sûre de soi on sait dire non, on sait dire oui, on accepte uniquement ce qu'on a envie d'accepter. On sait se positionner dans un groupe et se faire respecter», énumère la pilote.

Autant de clés qu'elle transmet aussi à sa propre fille, Charline. A cette femme de demain qui n'est déjà «pas du genre à se laisser marcher sur les pieds», Dorine Bourneton apprend que «l'échec ce n'est pas de tomber mais de rester là où on est tombé». Une maxime qui a fait toute la différence le jour où, privée de ses jambes, elle a choisi de conquérir le ciel.

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