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Réunions non-mixtes à l’Unef : à quoi servent-elles et pourquoi sont-elles dénoncées ?

L’Unef est au coeur de la polémique depuis mercredi dernier. [Bertrand GUAY / AFP]

La reconnaissance par la présidente de l’Unef Mélanie Luce de réunions interdites aux Blancs dans son syndicat a provoqué un tollé et de vives réactions depuis une semaine. Mais que sont exactement ces réunions «non-mixtes» et pourquoi sont-elles dénoncées ?

Les réunions non-mixtes ont d’abord été utilisées parmi les sphères féministes. A l’Unef, ces pratiques sont en place depuis les années 2010, a précisé son vice-président Adrien Liénard. Elles répondaient alors au «besoin des militantes se disant victimes de violences sexistes et sexuelles». La parole se libérerait ainsi plus facilement lorsque les femmes restent entre elles.

En 2016 la militante Caroline de Haas (par ailleurs ancienne membre de l’Unef) expliquait dans un texte publié sur Médiapart que cela avait notamment été son cas et que ces moments permettaient «de participer à lever la chape de plomb» présente au-dessus des victimes. Elle y racontait également que ces échanges uniquement entre femmes avaient l’avantage de les voir évoluer dans un contexte favorable, hors d’une société où elles ne seraient réduites qu’à leur statut féminin. A propos d’une discrimination contre les hommes qui s’exerceraient, elle répondait en estimant qu’il n’était pas sérieux de «comparer une réunion d’une durée limitée, rassemblant un nombre restreint de personnes, à un système politique, économique, social» qui serait en place au quotidien.

Si ces arguments sont brandis par certains, s’appliquent-ils également lorsque le tri est fait en fonction de la pigmentation de la peau ? Les personnes de couleurs n’osent-elles pas prendre la parole lorsqu’un Blanc est présent ? Que ce soit via les mots de Mélanie Luce ou des défenseurs de l’Unef, la réponse est donc oui. La «libération de la parole» est toujours mise en avant. En 2017, la sociologue et féministe Christine Delphy estimait même que la non-mixité est nécessaire à ceux s’estimant racialement opprimés «pour que leur expérience de discrimination et d’humiliation puisse se dire, sans crainte de faire de la peine aux bons Blancs». Comme l’homme vis-à-vis des femmes, le Blanc est donc vu pour ces militants comme l’oppresseur, réel ou imaginé, dont il faut empêcher la présence pour pouvoir s’exprimer.

Un procédé raciste ?

Le fait qu’un syndicat étudiant affichant ostensiblement sa lutte contre les discriminations et le racisme procède de la sorte n’a pas manqué de faire vivement réagir. Prenant le contrepied de ces réunions «non-mixtes racisées», le président de SOS Racisme Dominique Sopo a ainsi estimé dans Le Monde que «l’antiracisme ne peut jamais être une guerre des races, mais doit toujours être une guerre contre la notion de race». La Licra a pour sa part estimé que «la couleur de peau, ou l’appartenance supposée, ne doit pas servir à indexer votre droit à la parole dans une organisation syndicale».

La classe politique s’est saisie de la polémique, dénonçant majoritairement la pratique de l’Unef. Christophe Castaner, à la tête des députés LREM, a par exemple parlé d’une «forme de séparatisme» et de «clientélisme indigéniste» (idée selon laquelle il existerait un racisme institutionnel en France issu de son passé colonial), tandis que Jean-Michel Blanquer, ministre de l’Education nationale, n’a pas hésité à avertir l’Unef d’éviter de s’engager sur une pente «fasciste». «Je réfléchis à d'éventuelles évolutions législatives pour empêcher ça. (...) Le fait que ce soit illégal de faire des réunions, en réalité racistes, tout simplement en utilisant le mot racialisé pour couvrir l'idée de racisme», a évoqué le ministre.

Des demandes de dissolution de l’Unef ont également été adressées par plusieurs responsables politiques.

Des soutiens gênés, d’autres plus francs

Même parmi les potentiels soutiens de l’Unef, une certaine distanciation a pu se faire sentir. Force ouvrière a ainsi publié un communiqué dans lequel le syndicat explique «réprouver et condamner toute forme de racisme et de discrimination», appelant «à être attentif contre les pratiques et orientations pouvant y contrevenir».

«Je sais ce qu’est un homme ou une femme, mais un individu racisé ? Je ne suis pas sûr qu’il soit très progressistes d’enfermer des gens dans des cases aussi peu lisibles», a estimé de son côté Emmanuel Maurel, député européen élu parmi la liste France insoumise. Bruno Julliard, à la tête de l’Unef de 2005 à 2007, a dénoncé des «errements de la part de sa direction, je ne partage pas leur volonté d’aborder la lutte contre les discriminations par un repli identitaire».

Le syndicat peut néanmoins compter sur de plus farouches défenseurs. Ainsi, l’eurodéputé et ancien chef d’Europe Ecologie Les Verts David Cormand a balayé d’un revers de mains les accusations, estimant, comme d’autres militants, que le racisme anti-blanc n’existe tout simplement pas. Il l’a ainsi affirmé lundi sur Public Sénat, avançant que les seules victimes de ce délit sont «les noirs, les arabes, les juifs, tout au long de leur vie, depuis des générations».

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