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Scandale du Mediator, l'heure du jugement

Un procès hors-norme, avec 6.500 parties civiles, dix mois de débats et neuf de délibération. Le tribunal correctionnel de Paris doit rendre son jugement ce lundi dans l’affaire du Mediator.

La question centrale du dossier est la suivante : comment ce médicament antidiabétique, mais majoritairement détourné comme coupe-faim, a-t-il pu continuer à être prescrit malgré de nombreuses alertes sur sa dangerosité ?

Utilisé par environ 5 millions de personnes et remboursé par la Sécurité sociale (au seuil maximal de 65%), le Mediator est tenu pour responsable de centaines de décès. Dès 1995, des cas graves de maladies cardiaques lui avaient été reprochés. Or, il n’a été retiré du marché qu’en 2009.

Le procès comporte de nombreux prévenus : douze personnes physiques et onze personnes morales.

Trois prévenus principaux

Au premier rang se trouve le laboratoire Servier, deuxième groupe pharmaceutique français, qui commercialisait le médicament. Plus de 10 millions d’euros d’amende ont été requis contre six sociétés du groupe, pour «tromperie aggravée», «homicides et blessures involontaires» et «escroquerie» envers la Sécurité sociale et les mutuelles. Le parquet a estimé que l’entreprise n'avait volontairement pas pris en compte les dangers de son médicament, alors qu’elle ne pouvait les ignorer. Celle-ci se défend en affirmant qu’aucun signal de risque identifié n’avait été émis avant 2009.

Jean-Philippe Seta, ancien numéro 2 du groupe pharmaceutique et bras droit du patron Jacques Servier (mort en 2014) est la seule personne physique à comparaître pour «homicides et blessures involontaires». Il est l’unique prévenu contre lequel de la prison ferme a été requise (cinq ans dont trois ferme, et 200.000 euros d’amende). Sa ligne de défense est qu’il ne connaissait pas la dangerosité du Mediator.

Le troisième prévenu important est tout simplement l’Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM). Sa négligence pour avoir tardé à suspendre la commercialisation du médicament fait qu’elle est jugée elle aussi pour «homicides et blessures involontaires». Une amende de 200.000 euros a été requise par le parquet, estimant qu’elle a «gravement failli dans sa mission de police sanitaire» et n’a pas cherché à «percer le flou et le brouillard entretenus pendant des années par le laboratoire Servier». Son avocate n’a pas plaidé la relaxe, l’Agence reconnaissant sa culpabilité.

En parallèle du dossier judiciaire, le groupe Servier a déjà indemnisé de nombreuses victimes. Celles ayant développé des séquelles et des lésions cardiaques ont pu faire reconnaître leur préjudice, et 3.884 malades ont reçu une offre évaluée au total à 199,6 millions d’euros. Des dossiers continuent d’être déposés (177 nouveaux en 2020). Ces personnes ont signé une clause les engageant à renoncer à toute poursuite ou à se désister du procès pénal. Elles peuvent néanmoins être parties civiles pour «tromperie aggravée», mais ne peuvent pas toucher de nouvelles indemnités.

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